À l’occasion de leur venue à la Paris Games Week 2017 en octobre dernier, nous avons pu nous entretenir avec les créateurs de Monster Hunter : World : le producteur Ryozo Tsujimoto, le directeur exécutif et directeur artistique Kaname Fujioka et le réalisateur du jeu Yuya Tokuda. Pour nous qui ne nous étions jamais aventurés dans un jeu Monster Hunter, ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur cette saga qui vit le jour en 2004 sur PlayStation 2 et dont le dernier épisode en date s’annonce comme le premier gros évènement vidéoludique de 2018.
Comment décririez-vous la saga Monster Hunter à quelqu’un qui n’y a jamais joué ?
Ryozo Tsujimoto : Comme son nom l’indique, vous arpentez un monde peuplé de monstres. L’élément clé dans la conception de ces créatures, bien que l’on sache pertinemment qu’elles n’existent pas, est précisément de les rendre le plus crédible possible, aussi bien en termes de design que de comportement à l’aide d’une IA très poussée. En tant que chasseur, vous avez le choix entre 14 types d’armes différentes avec chacune un gameplay associé. Vous pouvez alors partir en chasse en solo ou bien en coop jusqu’à quatre joueurs.
Quelles seraient selon vous les principales différences entre une série comme Monster Hunter qui est un jeu d’action RPG et une franchise mondialement connue comme Final Fantasy par exemple ?
Ryozo Tsujimoto : Beaucoup d’occidentaux considèrent effectivement Monster Hunter comme un jeu d’action RPG mais au Japon, la plupart des joueurs le voient comme un jeu d’action et de chasse. Même s’il est vrai que la progression et le crafting rappellent beaucoup un RPG, l’accent est mis avant tout sur l’action. L’autre différence majeure par rapport aux autres jeux de type RPG, c’est qu’au cours de l’aventure, le niveau de vos personnages n’augmente pas, ce sont les armes et autres artefacts que vous récoltez et confectionnez qui vous permettent d’accroître vos capacités d’attaque et de défense.
Est-ce qu’un néophyte à la franchise pourra se plonger dans Monster Hunter : World ? Et qu’avez-vous prévu pour que qu’il puisse comprendre cet univers ?
Ryozo Tsujimoto : Nous avons tenté de rendre Monster Hunter : World aussi accessible que possible pour les nouveaux venus. C’est donc l’épisode parfait pour se plonger dans la franchise. Au départ, vous apprendrez bien entendu les rudiments du gameplay (comment vous déplacer, comment fonctionne la caméra, etc.). Puis au fil de l’aventure, vous apprendrez comment fonctionne chaque arme, les combos associés, etc. afin de trouver celle qui vous convient le mieux, avec laquelle vous vous sentez le plus à l’aise. Les joueurs apprécieront donc tout particulièrement cette montée en puissance au fil de leur progression.
Yuya Tokuda : Pour les nouveaux venus dans l’univers de Monster Hunter, nous avons également tenté de rendre les contrôles aussi proches que possibles des autres jeux. Monster Hunter disposait en effet de certains contrôles bien spécifiques qui avaient tendance à rebuter certains joueurs comme par exemple le bouton pour se déplacer tandis que la majorité des jeux d’aujourd’hui utilisent le stick gauche. Un autre exemple vient du fait que certaines actions ne sont accessibles qu’une fois votre arme rengainée. Nous avons donc simplifié ce système de telle sorte que si vous passez un certain temps sans attaquer, votre arme se rengainera automatiquement. Autant de petits changements qui feront de Monster Hunter : World le meilleur épisode pour débuter si vous n’avez jamais joué aux précédents.
Quels sont les influences de Monster Hunter pour le design des créatures ? Y a-t-il des films ou des mangas spécifiques qui ont servi de références ?
Kaname Fujioka : Nos sources d’inspiration sont multiples, à commencer bien entendu par le mythe des dragons. Nous débutons systématiquement avec un design très grossier qui peut tout aussi bien être lié à notre monde, comme par exemple une voiture, ou bien être imaginé de toutes pièces. À partir de là, nous affinons progressivement son design, ses mouvements, etc. Le but étant une fois encore de rendre cette créature aussi crédible que possible au sein de cet univers.
Yuya Tokuda : Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une référence directe, Hayao Miyazaki est capable de concevoir des univers de fantasy si détaillés qu’il parvient à les rendre plausibles et d’une certaine façon, c’est ce que nous tentons également de faire avec la saga Monster Hunter en nous inspirant de son travail et de son souci du détail.
Vous évoquiez juste avant le jeu en solo et en coop. Que pouvez-vous nous dire de ces deux modes ?
Yuya Tokuda : Monster Hunter : World vous offre la possibilité de jouer quasiment l’intégralité du jeu au choix en solo ou en coop. Vous pouvez également débuter en solo, puis être rejoint par vos amis en cours de partie. Ou encore si vous vous retrouvez coincé face à un monstre, vous pouvez envoyer un S.O.S. et d’autres joueurs pourront venir vous prêter main forte. Le système est vraiment très flexible de ce point de vue. Pour le multijoueur en ligne, il y a également un hub central où 16 avatars de joueurs seront visibles et où vous pourrez échanger sur les quêtes que vous souhaitez faire ensemble ou bien les monstres que vous désirez pourchasser. Vous n’aurez plus qu’à former un groupe de quatre joueurs et vous lancer dans l’aventure.
Beaucoup des épisodes précédents étaient disponibles sur les consoles de Nintendo, y compris celui sorti début 2017, Monster Hunter XX. Or Monster Hunter : World sortira uniquement sur PlayStation 4 et Xbox One. Pour quelle raison ce nouvel épisode ne sort-il pas sur Nintendo Switch ?
Ryozo Tsujimoto : Depuis plus de dix ans maintenant, chaque épisode est basé sur un concept spécifique duquel découle le choix du hardware comme par exemple utiliser le double écran de la Nintendo 3DS. Pour Monster Hunter : World, nous souhaitions mettre à profit les dernières technologies en matière de consoles de salon afin de proposer l’expérience la plus riche et fluide graphiquement parlant, ceci afin d’immerger autant que possible le joueur au cœur d’un écosystème bien vivant. Lors du lancement du projet, la PlayStation 4 et la Xbox One étaient les consoles les plus adaptées pour cela.
Le jeu sera-t-il optimisé pour la PlayStation 4 Pro et la Xbox One X ? Et si oui, en quoi consisteront ces optimisations ?
Yuya Tokuda : Pour ces deux consoles, le joueur pourra choisir entre trois modes : 4K, framerate optimisé et graphismes enrichis. Chacun sera ainsi libre d’opter pour le mode qu’il souhaite en fonction de son matériel, par exemple si vous possédez un téléviseur 4K, ainsi que la façon de jouer qu’il préfère.
Les précédents épisodes étaient d’abord distribués au Japon avant de sortir aux États-Unis et en Europe plusieurs mois après, et même jusqu’à un an plus tard. Qu’est-ce qui vous a amené à envisager une sortie mondiale simultanée pour Monster Hunter : World ?
Ryozo Tsujimoto : L’emploi du terme « World » (« monde » en français) dans le titre a été un élément déclencheur. De plus, en discutant avec les médias et les joueurs du monde entier, la demande d’une sortie console était très forte en occident. Ce lancement mondial était également l’occasion de lancer les serveurs partout dans le monde simultanément et permettre ainsi à tous les joueurs aux quatre coins du globe d’y avoir accès en même temps. Nous pouvions alors nous débarrasser de ces délais entre les sorties japonaises et le reste du monde. Nous avons donc pris soin de gérer la localisation du jeu en parallèle de sa conception.
Quelles étaient les répercussions dans votre façon de travailler ?
Ryozo Tsujimoto : Cela représentait bien entendu une charge de travail supplémentaire car nous devions finaliser tous les textes plus en amont afin que les équipes chargées des différentes localisations puissent se mettre au travail le plus tôt possible. Ces équipes étaient également impliquées dans la conception dès le départ. Ce qui a donc entraîné des changements dans notre workflow. Mais tout le monde s’accordait pour dire que ces ajustements étaient indispensables afin d’assurer le premier lancement mondial d’un épisode de Monster Hunter.
Que pouvez-vous nous dire sur la localisation française ? La traduction a-t-elle eu lieu directement du japonais vers le français ? Ou bien avez-vous d’abord effectué la traduction du japonais vers l’anglais puis de l’anglais vers les autres langues ?
Yuya Tokuda : Le jeu a été conçu en japonais, aussi bien pour les textes que pour les dialogues prononcés par les différents personnages. Nous avons ensuite procédé à la traduction en anglais, puis nous sommes partis de la version anglaise pour toutes les autres traductions.
Ryozo Tsujimoto : Nous savons qu’il y a en France de nombreuses personnes qui apprécient tout particulièrement la culture japonaise et s’ils le souhaitent, ils pourront également opter pour des dialogues en japonais avec sous-titres français.
Ne craigniez-vous pas que certaines subtilités de la version japonaise ne soient perdues au cours de ce processus de double traduction ? (Pour Final Fantasy XV, la traduction a été faite directement du japonais en français, ceci afin d’éviter précisément de « perdre de nombreuses nuances au cours du processus du fait d’une « double simplification » » dixit le réalisateur Hajime Tabata : cf. notre interview, NDLR)
Ryozo Tsujimoto : L’équipe en charge des localisations est particulièrement vigilante et s’assure de faire appel à d’excellents traducteurs capables de traduire dans leur langue native. Ainsi la traduction du japonais à l’anglais conserve toutes les nuances de l’original au cours du processus. De même pour la version française qui est confiée à un traducteur dont le français est la langue native.
Remerciements à Cyril Berrebi de Capcom France et Patrick Shields pour la traduction anglais / japonais (eh non, nous ne maîtrisons pas (encore) la langue de Hayao Miyazaki à la rédac !).