Après le Paris de la Révolution Française dans Assassin’s Creed Unity l’an passé, direction cette fois le Londres Victorien pour les besoins d’Assassin’s Creed Syndicate. Un opus british aussi réussi que le titi parisien ?
Assassin’s Creed Syndicate : Bienvenue à Londres
S’il y a bien une chose que l’on ne saurait reprocher à Ubisoft, c’est sa capacité à donner naissance à des mondes ouverts particulièrement réussis. Qu’ils s’agissent d’univers historiques (la licence Assassin’s Creed), futuristes (Watch Dogs) ou plus « sauvages » (Far Cry), l’éditeur français sait bâtir des univers incroyablement vivants au sein desquels le joueur peut évoluer à sa guise. Vous aviez été bluffés par le Paname de la fin du XVIIIème siècle de Assassin’s Creed Unity avec sa Bastille, sa Cathédrale Notre-Dame, son Château de Versailles ou encore son Palais du Luxembourg ? Attendez un peu de voir le Londres de 1870 dans Assassin’s Creed Syndicate ! Une petite envie de vous prendre pour Harold Lloyd suspendu à l’horloge au sommet de Big Ben ? Pas de problème, ce haut lieu symbolique de la capitale britannique est au rendez-vous, au même titre que l’Abbaye de Westminster, le Palais de Buckingham, la Gare de Charing Cross sans bien entendu oublier la Tamise. Autant de lieux restitués avec un souci du détail qui force une nouvelle fois l’admiration, tout comme la foultitude d’autres éléments qui aident à parachever la crédibilité historique de l’ensemble et, in extenso, l’immersion instantanée au cœur d’une ville à une époque donnée : foule, vêtements, bâtisses (et les fumées qui s’en échappent), calèches, navires qui circulent sur ladite Tamise ou encore les trains à vapeur (qu’il sera par ailleurs possible d’emprunter en passant par le toit des wagons).
À cette restitution de très haute volée s’ajoute également l’art dans lequel Ubisoft est passé maître avec sa série Assassin’s Creed consistant à plonger le joueur au cœur de l’Histoire. Et le studio de le démontrer à nouveau en conduisant son protagoniste à côtoyer de véritables figures historiques tels que Charles Darwin, Charles Dickens, Karl Marx, la Reine Victoria ou encore Alexander Graham Bell. Ou plus précisément ses protagonistes puisque Assassin’s Creed Syndicate offre la possibilité d’incarner deux personnages : les jumeaux Jacob et Evie (NB : certaines missions vous imposent cependant l’un des deux). On regrettera toutefois que l’arc narratif autour de ces deux héros ne soit pas aussi fouillé que celui entre Arno et Élise dans Assassin’s Creed Unity. Ces derniers avaient eu droit à un « prologue enfantin » (jouable) qui scellait leur relation au long cours en même temps que la destinée tragique du héros (son père était assassiné sous ses yeux). Point de tout cela ici puisque Assassin’s Creed Syndicate balaye tout prologue d’un revers de phrase expliquant que les jumeaux suivent les traces de leur défunt paternel. Un point d’autant plus regrettable que l’alchimie entre le frère et la sœur aurait pu aboutir à quelque chose de bien plus prégnant eu égard aux différentes piques qu’ils n’ont de cesse de s’envoyer à tout bout de champ. Soit des joutes verbales qui s’apprécieront d’autant mieux si vous optez pour la VO et son accent british si caractéristique, le jeu offrant en effet la possibilité de basculer à la volée entre VF et VOSTF. Un autre bon point pour Ubisoft que les puristes apprécieront à sa juste valeur sans avoir à farfouiller dans les tréfonds des paramètres de leur console. Toujours dans le registre auditif, signalons également l’excellent score signé Austin Wintory qui se définit lui-même comme « un passionné de musique de chambre du XIXème siècle ». Le résultat, à base de cuivres et de cordes, est une véritable petite merveille qui, à n’en pas douter, fera date dans l’histoire de la licence Assassin’s Creed.
Assassin’s Creed Syndicate : Fouette, cocher !
Car s’il y a un point que les (nombreux) détracteurs reprochent à la licence Assassin’s Creed, c’est bien celui de son rythme (frénétique) de sortie d’un nouvel opus tous les ans. Et les mêmes critiques de refaire surface à chaque fois : moteur graphique vieillissant avec ses (nombreux) bugs, gameplay sans surprise et, in fine, application d’une nouvelle skin (un autre lieu, une autre époque). Pour autant, chaque opus se vend plutôt bien (10M d’exemplaires en moyenne). D’aucuns argueront que, dans l’histoire du jeu vidéo ou encore du Septième Art et plus généralement des créations artistiques (littérature, musique, etc.), les succès populaires ne sont pas nécessairement gage de qualité. Certes, mais de là à cracher de la sorte sur les Assassin’s Creed, et a fortiori sur cet Assassin’s Creed Syndicate en particulier, il y a tout de même deux poids deux mesures. Reprenons donc les différents griefs suscités. Graphiquement, le titre tient encore plutôt bien la route. Certes, le développement d’un tout nouveau moteur graphique ne serait sans doute pas du luxe en vue de tirer le meilleur parti des consoles next gen (PlayStation 4 et Xbox One) mais n’étant pas dans les petits secrets du studio, il sera pour le moins difficile de se prononcer davantage quant à l’effort (tant humain que financier) que nécessiterait une telle décision. Alors oui, on le concède, il reste une nouvelle fois pas mal de petits bugs ici et là, à l’image de cette cinématique dont nous avons été témoins au cours de laquelle les différents interlocuteurs étaient purement et simplement invisibles (!) et où seuls les différents accessoires qu’ils manipulaient apparaissaient. Ou quand Assassin’s Creed Syndicate nous offre un remake, à l’insu de son plein gré, de l’homme invisible. Des petits accrocs qui prêtent davantage à sourire qu’ils ne gênent véritablement le gameplay en tant que tel.
Le gameplay précisément, parlons-en. Certes, celui-ci est demeuré globalement inchangé depuis le début. Mais à quoi bon chambouler une approche qui fonctionne plutôt bien ? Le principe tient en deux mots : parkour et infiltration. Le premier existe depuis les années 1990 pour une discipline dont on a pu voir un aperçu sous la houlette d’EuropaCorp (la boite de prod du sieur Luc Besson) dans des films tels que Yamakasi ou encore Banlieue 13 (on vous l’accorde, pas franchement ce que le cinéma hexagonal a de mieux à offrir, loin s’en faut !). Le second, intimement lié au premier, consiste à s’infiltrer au nez et à la barbe de tous (gardes, ennemis et tout autre individu à la mine patibulaire) en vue de mener à bien son objectif, consistant la plupart du temps à assassiner une cible désignée (d’où le titre du jeu, CQFD). Depuis le tout premier opus sorti en 2007, ces deux composantes du gameplay sont immuables bien que différentes adjonctions soient venues se greffer au gré des épisodes. Et ce sont précisément les deux nouveautés apportées par Assassin’s Creed Syndicate qui constituent cette année les levées de bouclier les plus souvent rencontrées, à savoir l’apparition des calèches et du grappin. Le premier, lointain ancêtre du car jacking, consiste à voler le moyen de locomotion de l’époque au premier venu pour ensuite s’adonner aux joies de cravacher à bride abattue sur les grandes artères de Londres ; dussiez-vous détruire une partie du décor (à commencer par les lampadaires) à grands coups de chevaux (qui ne bronchent pas d’un naseau, balaise les canassons !) ou bien vous adonner à des courses-poursuites endiablées avec moult fracas (sans que la charrette ne fasse de tonneaux, balaise les suspensions de l’époque !).
Le second viendra très vite se greffer à votre poignet (quasiment dès le début du jeu) et, tel un Bat-grappin, vous permettra désormais de vous hisser au sommet de quasiment n’importe quel édifice en un clic de manette ou bien de jouer les tarzans de toit en toit. Ou quand l’ombre de Grand Theft Auto ou encore Batman : Arkham Knight plane sur Assassin’s Creed Syndicate. Et les détracteurs de dénoncer que ces deux nouveautés vont à l’encontre de l’essence même de la licence, à savoir le parkour et l’infiltration et qu’ils favorisent une approche plus « bourrine » : défoncer tout à grands coups de calèche ou bien fracasser ses ennemis avant de s’envoler dans les airs si d’aventure l’affrontement tournait en sa défaveur. Certes, l’on pourra arguer que ces deux nouveaux « moyens de locomotion » sont non pas anachronique dans le cas des calèches mais déjà plus discutable historiquement parlant dans le cas du grappin. Pour autant, ceux qui souhaiteraient se la jouer « à l’ancienne » auront tout loisir de faire fi de ses deux nouveautés (certaines missions en calèche sont toutefois incontournables) et continuer à « parkourir » la capitale et à privilégier l’infiltration / camouflage à l’approche directe.
Quant au dernier reproche imputé à la licence Assassin’s Creed, à savoir l’application d’une nouvelle skin à chaque nouvel opus ; à tout le moins pourra-t-on souligner l’effort continu de proposer une exploration de nouveaux lieux et de nouvelles époques (avec tout le travail créatif / conceptuel qui en découle en coulisses) et non de « simples suites améliorées ». De surcroît, chaque nouvel opus se drape d’un minimum de pédagogie puisque des mini-fiches historiques sont cette fois encore au rendez-vous à chaque nouveau lieu / personnage croisé au cours du jeu. Des pérégrinations qui vous permettront comme toujours d’acquérir les points d’XP indispensables à la progression de vos capacités au sein d’un « arbre de talents » hérité de ses prédécesseurs (avec quelques variantes entre Jacob et Evie). Et si une certaine redondance point à l’horizon du cheminement des différentes missions : libération d’enfants exploités dans les usines, combats contre les gangs (avec là aussi de nouvelles composantes à base de combos ou encore consistant à « percer » la défense adverse), etc. pour in fine aboutir à un opus un cran en deçà de son prédécesseur parisien, Assassin’s Creed Syndicate n’en assure pas moins son service habituel de bon divertissement vidéoludique annuel qui saura vous occuper durant de (très) nombreuses heures au cours des longues soirées d’hiver. Rendez-vous l’an prochain pour un lieu et une époque restant à déterminer…
Assassin’s Creed Syndicate est disponible depuis le 23 octobre 2015 sur PlayStation 4 et Xbox One et le 19 novembre 2015 sur PC.
Testé sur PlayStation 4 à partir d’une version commerciale.
Testé en version : 01.11
Taille occupée sur le disque dur : 43,52Go