Ailleurs – Entretien avec Gints Zilbalodis

Jeune cinéaste letton de 26 ans, Gints Zilbalodis a déjà à son actif plusieurs courts métrages, animés ou en prises de vues réelles. Ailleurs (retrouvez notre critique ici) est son premier long métrage, onirique, angoissant et prenant, réalisé intégralement seul et en images de synthèse. À défaut de pouvoir le rencontrer pour la sortie de son film dans les salles françaises (à DC on ne rigole avec la distanciation sociale), nous lui avons posé quelques questions par mail sur ses méthodes de travail et ses prochains projets. Questions auxquelles il a eu la gentillesse de nous répondre longuement. 

Ailleurs - Gints Zilbalodis

Digitalciné : Vous êtes letton et l’animation dans les pays baltes est d’abord réputée pour ses films en 2D et en volume. Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir cinéaste et où vous situez vous par rapport à l’animation en Lettonie ?

Gints Zilbalodis : Je pense que ce qui fait le style de l’animation des Balkans c’est l’absence d’une véritable industrie là-bas. Chacun travaille à sa façon avec quelques grands maîtres. De mon côté, la réalisation m’intéresse depuis que je suis jeune mais quand j’ai commencé, j’avais l’impression de manquer de ressources pour faire le genre de film que j’aimais dans le cinéma de prise de vue réelle donc je me suis focalisé sur l’animation. C’est génial d’avoir la liberté et la capacité de pouvoir tout contrôler !
Et il me semble que les choses changent. Les techniques utilisées par la communauté de l’animation lettone varient de plus en plus parce que les gens ne restent pas cloisonnés mais commencent à apprendre via internet avec des outils de plus en plus abordables voire libres. Dans les années à venir, on devrait voir de plus en plus de films dans l’esprit d’Ailleurs et ils proviendront certainement de pays où il est compliqué de financer un long métrage d’animation industriel.

Ailleurs

DC : Ailleurs a-t’il été pensé dès l’origine comme un long métrage ?

Gints Zilbalodis : Oui, j’ai pensé Ailleurs comme un long métrage dès le début mais je savais que ce serait compliqué de trouver des financements pour un projet pareil. Quand je me suis lancé dedans, j’avais 21 ans (il en a 26 au moment où son film sort en France / NDLR) et je pensais que personne ne me ferait confiance pour mener à bien un long métrage, surtout si je voulais tout faire par moi-même. J’ai donc décidé de découper l’histoire en quatre chapitres qui pouvaient fonctionner de façon autonome et j’ai cherché des fonds pour chaque partie séparément. C’est une façon de faire qui me semblait bien plus réaliste.
Comme mes courts métrages ont été appréciés en festival et en ligne, j’ai réussi à obtenir des subventions et à partir de là tout a été plus facile pour faire la transition entre la création de courts métrages et la fabrication d’un long métrage. Et puisque j’étais focalisé sur des chapitres séparés, la quantité de travail n’était pas harassante. En outre, si je n’avais pas été capable de terminer la totalité du film, au moins j’aurais eu une ou deux parties à montrer sous la forme de courts-métrages.

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DC : Pourquoi avoir travaillé seul sur un projet de cette envergure ?

Gints Zilbalodis : Il y a de nombreuses raisons. La principale est le budget qui était plus petit que celui de certains courts métrages. Je ne pouvais donc pas me permettre d’embaucher quelqu’un. La deuxième raison était relative à mon manque d’expérience. Je n’étais pas prêt à dire aux autres ce qu’ils devaient faire et j’avais besoin de tout essayer moi-même avant de diriger une équipe. Pour moi, la meilleure façon d’apprendre, c’est d’essayer et j’ai énormément appris avec ce processus. Enfin, la dernière raison est que j’ai pu avoir un contrôle créatif absolu. Plus le budget et l’équipe grossissent, plus on perd cela.

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DC : L’industrie de l’animation se dote d’une organisation millimétrée. Comment était la vôtre et comment êtes-vous parvenu à faire ce film en à peine plus de trois ans ?

Gints Zilbalodis : Mon organisation était très flexible. Quand je m’ennuyais ou que j’étais coincé sur quelque chose, je pouvais simplement passer à autre chose. Et j’ai pu sauter plusieurs étapes nécessaires dans n’importe quelle grosse production parce que je n’avais pas besoin d’expliquer mes idées à d’autres. Je n’avais ni scénario complet ni story-board par exemple mais simplement des idées en tête que je pouvais animer directement. C’est la raison pour laquelle j’ai réussi à économiser du temps. Et comme j’ai fait quelques courts métrages avant, je savais ce qui était facile ou difficile à animer donc j’ai centré le récit sur des choses simples et rapides à faire. En plus avoir ces limites m’a été très utile parce si on peut prendre un nombre infini de directions, c’est souvent compliqué de décider où commencer.

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DC : Le personnage principal flotte dans des mondes imaginaires. Avez-vous conçu ces lieux et le mouvement général par rapport à des inspirations précises, qu’elles soient artistiques ou réelles ?

Gints Zilbalodis : Oui, je pense que ce qui m’a le plus inspiré au cinéma sont des films comme Conan le fils du futur de Miyazaki, Le Mécano de la Générale de Buster Keaton, Carnets de voyage de Walter Salles, It Follows de David Robert Mitchell, Duel de Steven Spielberg. Des jeux-vidéos comme Shadow of the Colossus ou Journey m’ont également beaucoup apporté ainsi que le travail d’Alfonso Cuaron et celui d’Haruki Murakami aussi. Inconsciemment il a dû y avoir d’autres choses mais certains lieux sont aussi inspirés d’endroits que j’ai pu visiter en Islande, à Lanzarote ou au Japon.

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DC : Cela fait un peu plus d’un an maintenant que votre film tourne en festival. Vous êtes déjà sur de nouveaux projets ?

Gints Zilbalodis : Je suis actuellement en développement de mon prochain long métrage qui devrait s’appeler Flow. C’est l’histoire d’un déluge qui a submergé le monde entier et d’un chat qui a peur de l’eau et doit dépasser sa phobie pour s’adapter. Il se retrouve à partager une petite embarcation avec un capibara, un lémurien, un oiseau et un chien. Comme l’eau continue de monter, avalant tout sur son passage, il ne leur reste, pour s’échapper, qu’une immense tour qui se profile au loin. Mais alors que le chat va vouloir naviguer jusque-là, les autres animaux vont avoir d’autres priorités et le félin, indépendant et têtu, va avoir plus de mal à s’entendre avec ses compagnons de route qu’à vaincre sa peur.

C’est un projet plus gros que le précédent avec un budget plus important et une petite équipe mais j’ai tellement appris sur Ailleurs que j’ai hâte d’utiliser tout ça sur mon prochain film !

Ailleurs - Gints Zilbalodis

Merci à Claire Viroulaud et Gints Zilbalodis

2 réflexions sur « Ailleurs – Entretien avec Gints Zilbalodis »

  1. Bonjour!

    Vous écrivez « Balkans », mais je pense que vous voulez dire « pays baltes » 🙂

    Cordialement,

    Brita

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