Jean Delannoy est un habitué chez Coin de Mire Cinéma puisque quatre de ses films y ont déjà été édités. En comptant Chiens perdus sans collier, on trouve en effet Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (1959) / Le Baron de l’écluse (1960) / Le Soleil des voyous (1967). Sans oublier Notre-Dame de Paris (1956) prévu pour le 12 septembre 2022. Le cinéaste disparu en 2008 alors qu’il venait de fêter un siècle de vie pleine et entièrement dédiée à sa passion, fut l’un des rares à avoir connu tous les courants du cinéma français depuis son âge d’or avant-guerre jusqu’à celle de la télévision des années 70 à 90 en passant par la période d’après-guerre où il fut l’un des plus emblématiques représentants de la Qualité française dite aussi « cinéma de papa ». Oui celle vilipendée par les jeunes loups de la « Nouvelle Vague ». Chiens perdus sans collier est d’ailleurs un exemple emblématique de cet affrontement intergénérationnel à l’image de François Truffaut qui dans Les Mistons (1957), son court-métrage qu’il réalisera juste avant Les 400 coups (1959), fera déchirer l’affiche du film par ses « mistons » de comédiens en herbe joignant ainsi la parole (une critique virulente du film dans la revue Arts-Spectacles) aux gestes. Pour autant, faut-il continuer à aller dans le sens de Truffaut ou est-ce que le film de Delannoy ne mériterait-il pas un début de réhabilitation ? Cette édition qui se révèle être un sans faute technique apporte en soi un début de réponse.
Si le nom de Jean Chapot ne vous dit rien, c’est normal. Réalisateur de deux longs métrages de cinéma dont Les Granges brulées, il est surtout connu pour avoir travaillé au long cours dès 1976 et le film Néa en tant que scénariste pour l’écrivaine et cinéaste Nelly Kaplan. Il a sinon pas mal œuvré pour la télévision en tant que là aussi scénariste mais aussi réalisateur sans que pour autant il ne revienne jamais derrière une caméra pour le cinéma. Une incongruité que l’on s’explique difficilement tant Les Granges brulées reste encore aujourd’hui un morceau de bravoure cinématographique par sa mise en scène soignée et inspirée, une intrigue prenante et des comédiens aux prestations marquantes. Alors quoi ? Un début de réponse se trouve au sein des bonus de ce combo édité par Coin de Mire Cinéma aux prestations techniques remarquables.
Les Grandes manœuvres est devenu avec le temps un classique de notre cinéma bien aidé il est vrai par les multiples diffusions en télé au succès d’audience jamais démenti. Tout du moins au siècle dernier. Car il est évident que depuis une vingtaine d’années le film de René Clair n’a plus les honneurs du prime et ne truste que rarement les chaînes du câble ou de la TNT. Il est vrai aussi que son charme n’agit plus vraiment sinon envers les seniors ou à la limite envers ceux qui l’auraient vu justement lors d’une diff TV étant jeune. Et aujourd’hui cette audience n’a plus vingt ans et/ou peine à se renouveler. Les Grandes manœuvres fait en effet parti de ces films fleurons du cinéma dit de papa que l’on pourrait qualifier diplomatiquement de « vintage » à tendance désuet. Pour autant, il serait dommage de passer à côté de sa (re)découverte. À commencer par les cinéphiles en herbe qui se doivent de connaître ce pan de notre histoire cinématographique ou encore les nostalgiques quelque peu érudits ou non qui ne pourront avoir que la rétine reconnaissante devant un si beau lifting en 4K.
À sa sortie en 1959, Les Liaisons dangereuses 1960 fit couler beaucoup d’encre tout en provoquant un vent de scandale au sein du cinéma français. Roger Vadim n’en était pas à son coup d’essai, lui le réalisateur trois ans plus tôt de Et Dieu… créa la femme où la nouvelle venue Brigitte Bardot devint du jour au lendemain une star mondiale était en effet dans son élément. À la différence toutefois que si Et Dieu…créa la femme se regarde encore aujourd’hui avec une certaine lascivité propre à la personnalité littéralement incandescente de BB, Les Liaisons dangereuses 1960 aura bien du mal à sortir de sa torpeur le spectateur du XXIè siècle. La faute sans aucun doute à une adaptation du célèbre roman de Choderlos de Laclos par trop datée et ancrée dans une réalité sociétale dont les codes ne parlent plus à grand monde. On notera d’ailleurs que l’année à la fin du titre fut rajoutée à la dernière minute au regard des attaques de la Société des Gens de Lettres qui rejetaient avec force cette adaptation estimant « abusif l’emploi du titre du roman pour un film qui en trahissait l’esprit ». Reste toutefois une mise en scène qui mérite encore le coup d’œil et surtout une bande son signée Thelonious Monk et Art Blakey and The Jazz Messengers qui à l’instar de celle de Miles Davis dans Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle, reste un bonheur d’écoute inaltérable que prolonge avec maestria cette édition. Tout du moins sur son versant technique.
Gas-oil marque la rencontre qui va devenir fructueuse pour ne pas dire légendaire entre Jean Gabin et Michel Audiard. Les deux hommes se sont rencontrés dans un bistrot à l’initiative du réalisateur Gilles Grangier qui en 1953 avait tourné La Vierge du Rhin, son premier long avec Gabin en tête d’affiche. Une collaboration qui s’étendra là aussi sur le long cours avec pas moins de 12 films dont Gas-oil réalisé en 1955 constitue sans aucun doute un des sommets. Deux d’entre eux, Archimède le clochard (1959 – dialogues d’Audiard) et Maigret voit rouge (1963), ont d’ailleurs déjà bénéficié de très belles éditions chez Coin de Mire Cinéma. Celle-ci ne déroge pas à la règle, tout du moins sur son versant technique.