3 Billboards les panneaux de la vengeance - Image une critique

3 Billboards, les Panneaux de la vengeance : Illusions perdues

Telle une lame de fond, 3 Billboards, les Panneaux de la vengeance s’annonçait depuis son premier trailer apparu sur la toile en mars dernier comme LE film à suivre. Sa première mondiale lors du festival de Venise en septembre a semblé confirmer ce sentiment avec les différents retours enthousiastes qui ont explosés par la suite. Mais bon, comme toujours il faut se méfier des buzz et autres hypes du moment qui peuvent être de plus drivés par les départements marketings ad hoc eux-mêmes. C’est de bonne guerre car il faut bien émerger d’une manière ou d’une autre dans la jungle des sorties cinoches de plus en plus nombreuses. L’année dernière on a eu ainsi droit à La La Land et même si 3 Billboards n’est pas porté par la même notoriété, ses récents prix acquis aux Golden Globes (4 dont celui du meilleur film dramatique et scénar) en fait un potentiel winner aux Oscars à venir.

3 Billboards les panneaux de la vengeance - Affiche

La « faute » déjà à un putain de scénario. Putain car il est retors à souhait, bourré de rebondissements comme on les aime tout en tenant grave la route. Entendre par là que l’on y croit jusqu’au bout. La faute aussi à une caractérisation des personnages qui emprunte beaucoup aux méthodes d’écriture héritées des meilleures séries passées et présentes. Mais sur moins de 2h. On y trouve en effet une profondeur pour ne pas dire une épaisseur d’un bestiaire haut en couleur jusqu’aux deuxièmes couteaux comme Peter « Tyrion Lannister » Dinklage aussi drôle qu’émouvant lors de ses quelques scènes. Dit comme cela, on pourrait d’ailleurs croire que 3 Billboards est une pantalonnade aux dialogues ciselés pour se poiler avec le tempo qui va bien afin que les rires dans la salle ne masquent pas la suite de l’action. Nope, 3 Billboards est un putain de drame hallucinant de maîtrise, d’à propos et de rigueur avec juste ce qu’il faut pour que de temps à autre le couvercle de la cocotte pète un coup et laisse passer la pression accumulée.

Ce qui donne au demeurant des séquences d’anthologie genre plan séquence à en oublier de s’humecter le gosier asséché par une vision quasi en apnée. Car 3 Billboards va un peu au-delà du film qui veut faire son malin en surfant entre autre sur une grammaire télévisuelle devenue le mètre étalon. C’est que l’on y trouve aussi une putain de mise en scène qui porte littéralement cette histoire certes vacharde mais viscéralement à hauteur d’hommes. Non que le réal de l’excellent Bons Baisers de Bruges veuille faire dans la guimauve en se rattrapant de temps à autre aux branches croyant être allé trop loin. Non, disons juste qu’il accompagne a minima (la mise en scène ne précède jamais l’histoire) la quête impossible de cette mère à la recherche du meurtrier de sa fille. Pour cela il use aussi de plans simples et d’un découpage à l’avenant. Un classicisme alors apparent qui façonne chacun des personnages par petites ou grosses touches sans jamais en faire des silhouettes définitives. Et sans que pour autant le spectateur se sente en permanence spolié ou sur la défensive. Une belle gageure relevée sans coup férir. Ou plutôt si et avec les bleus à l’âme qui vont de pair s’il vous plaît.

De cette ambivalence permanente et formelle naît bien entendu la tragédie au quotidien mais aussi toute la richesse d’un ensemble qui entretiendra toujours le doute ou laissera toujours la porte ouverte à de multiples interprétations. 3 Billboards n’est pas un film contrit. Il est ouvert aux quatre vents et seulement guidé par ces trois panneaux qui interrogent quant à la nature humaine et la provoquent jusque dans ses fondements. Et puis il y a Frances McDormand en femme dure sur l’homme telle un monolithe sans cesse friable. Elle est la mère qui ne veut pas croire en la perte de son enfant. Elle habite le film, le désosse aussi pour le mettre littéralement à nu. Elle le détruit sans jamais le reconstruire car 3 Billboards ne s’autorise aucune rédemption sinon celle de la violence (verbale et physique) et du jusqu’au-boutisme.

Il n’y a pourtant pas d’âpreté dans 3 Billboards et encore moins de cette lourdeur minérale qui fait florès au sein du cinéma indy US du moment. Là aussi, inutile de chercher une version définitive ou des réponses toutes faites. Mais les idées sont noires et le ciel est parfois plus que bas. Car d’échappatoire il n’y a finalement point. Comme si ces trois panneaux que tout le monde pensait à l’abandon sur une route que plus personne n’emprunte étaient le début et la fin d’un chemin impossible à transgresser. Un peu à l’image d’un épisode de La Quatrième dimension, la destination est claire mais on n’y arrive jamais. Et les illusions du début quant à un film ouvert et généreux tombent (enfin) pour laisser la place à une mise en boîte parfaite qui rappelle Hitchcock (un peu) et Friedkin (beaucoup). On appelle ça aussi un bizutage dans les règles de l’art.

3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri – 2017) de Martin McDonagh – 1h56 (Twentieth Century Fox France) – 17 janvier 2018

Résumé : Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.

Note : 4/5

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