La collection Make My Day ! a été initiée, pensée et est menée par Jean-Baptiste Thoret. Certainement LE cinéphile qui aura su reprendre avec maestria et bonheur le flambeau de figures tutélaires tels que Patrick Brion ou feu Bertrand Tavernier. A savoir des personnes à même de partager leur passion du cinéma sans jamais l’enfermer dans des ghettos ou des genres forcément réducteurs. Ce que sa génération (et donc un peu la nôtre puisque nous avons le même âge que lui) n’a pas manqué de faire dans le seul but de se démarquer de la « cinéphilie à papa » bien aidé aussi par un certain Christophe Gans, cinéphile compulsif, cinéphage boulimique, journaliste critique et accessoirement cinéaste qui représente à lui tout seul la génération intermédiaire, celle entre Tavernier et Thoret. Gans, l’un des fondateurs du journal Starfix, a en effet révélé au plus grand nombre un cinéma laissé dans l’ombre pour ne pas dire méprisé. Celui du continent asiatique, pour ne mentionner que celui-ci, où seuls Kurosawa, Ōshima, Ozu et à la rigueur Mizogushi avaient un droit de cité dans la critique héritière de la « politique des auteurs ». Lui et ses amis ont mis à l’honneur des genres et des sous-genres qui font partie dorénavant du paysage de la pop culture et ont droit à leurs exégètes. Mais ce mouvement a eu un effet pervers avec une génération se spécialisant l’un(e) dans le cinéma dit HK, l’autre dans les « redneck movies », là dans les « gialli », ici le néo-polar italien (ou le « poliziottesco ») etc etc… Chacun ou chacune se créant ses propres chapelles sans plus vraiment regarder le cinéma dans son ensemble ou même (pour les plus radicaux) ne prenant même plus la peine de découvrir les films dits « classiques » car déjà défrichés et/ou peu en phase avec cette volonté de plus en plus exacerbé de découvrir la pépite peu vue ou inconnue.
Et pourtant. Le cinéma est un art global. Tel film va influencer le futur cinéaste encore en herbe. Tel autre va définir tout ou partie de sa filmographie alors que son pedigree peut-être à des années lumières de ce qu’il va réaliser par la suite. Ne pas vouloir chercher les influences, ne pas chercher à les comprendre c’est limiter sa compréhension d’une œuvre sinon celle de l’histoire du cinéma tout court. Ce pourquoi cette collection est intrinsèquement essentielle. En s’appuyant sur le catalogue pléthorique et riche de StudioCanal, Thoret met en avant des pépites qui n’ont pas toujours eu les honneurs d’un tel traitement dans le passé. Ou si ce fut le cas d’une manière très sectaire et ghettoïsante. Ainsi de Max mon amour (1986) – pas le film le plus apprécié et appréciable de Nagisa Ôshima – à J’ai le droit de vivre (1937) de Fritz Lang qui sort ce 29 mars 2023 en passant par A Man Called Adam (1966) de Leo Penn – une véritable découverte – ou encore La Chute d’un corps (1973) de Michel Polac, il y a de quoi refaire le monde et celui du cinéma dans le même temps. Tous les films n’ont pas bénéficié de restauration (on peut même dire qu’ils se comptent sur les doigts des deux mains sur la près de soixante titres déjà dispos) mais tous proposent une signature technique fort appréciable et en tout cas au-dessus de la moyenne, sans parler d’un apport complément comportant a minima une présentation de Jean-Baptiste Thoret pertinente tout en faisant souvent montre d’une passion propre au passeur qu’il est depuis toujours. Précisons enfin que quatre titres à date ont fait l’objet d’un traitement « grand luxe » dit hors-série : Le Trou (1960) de Jacques Becker / Mr Klein (1976 de Joseph Losey / Le Grand Silence (1968) de Sergio Corbucci et Une vie difficile (1961) de Dino Risi. Rien qu’avec ces quatre éditions vous avez-là un panorama du cinéma européen à nul autre pareil.
