On vous avoue que l’on s’est senti un peu seul à la sortie de la projection de presse de Civil War. Beaucoup de commentaires élogieux saupoudrés de quelques réserves certes, mais dans l’ensemble le nouveau film d’Alex Garland s’octroyait donc une belle côte auprès des critiques ayant pignon sur rue. À tel point que l’on se disait que ce matin là on était peut-être passé à côté d’un truc. Pour autant, la sensation et l’impression d’avoir assisté à un film un peu vain, un peu vide de sens ou pis sans véritable point de vue alors que son propos nécessite(rait) l’inverse, ne nous lâchait point. Elle était même de plus en plus prégnante. Et puis notre confrère mais néanmoins ami Philippe du Point Pop a posté un avis sur sa page Facebook qui ne pouvait que prolonger les affres du doute dans lesquels on était plongé.
Jean-Stéphane Sauvaire est décidément de la race de ces cinéastes qui a de la suite dans les idées et qui pour ce faire construit patiemment une filmographie qui fait sens mais qui avec le temps finit par se nicher à la marge d’une production cinématographique où le « pas de vagues » devient de plus en plus la norme. À ce titre, Black Flies, son dernier né passé par la case sélection officielle au festival de Cannes en 2023, pousse encore plus loin le bouchon d’une captation où le réel traumatique et sans concession infuse au sein d’une fiction à l’écriture blanche rappelant les préceptes du nouveau roman façon Camus. En ce sens que voilà le cinéaste français créchant depuis 2009 dans le quartier de Bushwick à Brooklyn, c’est-à-dire à l’endroit même où l’action de Black Flies se déroule, qui raconte un monde bouffé jusqu’à l’os par la peste de l’indifférence …
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec Dune : Deuxième partie (on n’y peut rien c’est la dénomination officielle), Denis Villeneuve lâche quelque peu les chevaux. Les connaisseurs ne seront pas surpris étant entendu que le cinéaste canadien ne fait que suivre à la lettre et depuis le début les aventures du futur Kwisatz Haderach par Franck Herbert. Mais pour les autres qui ont de surcroît eut du mal avec la première partie, ce sera une délicieuse surprise dont nous allons essayer de comprendre en filigranes les implications futures.
Si vous êtes familier avec le travail du scénariste / réalisateur David Oelhoffen, vous avez donc sans doute déjà deviné que Les Derniers hommes, sous ses atours de film de guerre, n’en est pas vraiment un. Tout comme Frères ennemis, son précédent opus, transgressait allègrement les codes du polar et que Loin des hommes adoptait ceux du western pour raconter l’histoire de deux hommes que tout oppose dans l’Atlas algérien de 1954, Les Derniers hommes prend pour cadre historique une colonne de légionnaires obligés de fuir à travers la jungle vers la frontière chinoise dans l’Indochine de 1945 occupé par les japonais. Un prétexte pour une nouvelle fois aborder l’interaction entre les hommes par gros temps et en milieu hostile. Entre les hommes oui car la filmographie d’Oelhoffen ne met jamais en scène la femme (à part quelques plans lors de son premier long Nos retrouvailles) semblant vouloir systématiquement l’expulser de ses récits. Ce qu’il a d’ailleurs fait en adaptant Les Chiens jaunes à l’origine des Derniers hommes puisque dans ce récit écrit par un légionnaire Alain Gandy, il y avait une infirmière qui finissait par provoquer la zizanie au sein de la colonne. Ici, les tensions, les trahisons, les accrochages avec l’ennemi… sont le seul fait des hommes, de leur déchéance physique et morale provoquée par une nature impitoyable et une autorité de plus en plus contestée.
Cette année, nous avons voulu voir les choses en grand en invitant deux personnes de choix sinon émérites à venir nous donner leurs coups de cœur cinoches de l’année écoulée.