Une étrange affaire est certainement le film le plus atypique dans la carrière de Pierre Granier-Deferre et certainement pas le moins passionnant à (re)découvrir. D’abord parce qu’il réunit des acteurs de premier plan qu’il sait comme toujours emmener dans son univers somme toute particulier, pour ne pas dire à part, mais surtout parce qu’il traite du monde du travail. Si pour Granier-Deferre c’est une première, lui qui a reconditionné les codes du polar à la française (La Horse / Adieu poulet…) ou qui s’est appuyé sur la grande histoire pour accoucher de drames sublimes (La Veuve Couderc / Le Train) ou qui a tout simplement su décrire les affres du temps qui passe (Le Chat), sa façon de l’envisager ne dévie pas beaucoup de ce qu’il a l’habitude de faire. On est encore une fois dans l’affect à hauteur d’homme où l’amour, l’amitié sont au premier plan et s’imbriquent en un maelstrom de caractérisations qui font d’Une étrange affaire un concentré abrupt et sans concession de ce que Granier-Deferre pense de son prochain. Et comme toujours c’est à la fois impitoyable et infiniment bienveillant. Que cela soit pour la première fois disponible en Blu-ray au sein de cette nouvelle collection baptisée « Nos années 80 » dirigée par Jérôme Wybon relève donc d’une opportunité à ne pas rater.
Joe, c’est aussi l’Amérique est indéniablement un film qui résonne plus que jamais aujourd’hui. Dans sa façon de narrer les racines du mal d’une société qui ne s’est finalement jamais remise de cette période où le pays s’est (définitivement) scindé en deux. D’un côté les progressistes (ou gauchistes si l’on reprend la terminologie du camp d’en face) adeptes du progrès politique, social et économique par des réformes ou des moyens violents. De l’autre, les conservateurs et autres radicaux de tous bords adeptes d’une société immuable basée sur des valeurs datant des pères fondateurs. On caricature à peine. C’est qu’avant les années 60, si ce distinguo existait déjà, les passerelles entre les deux camps étaient encore possibles avec une volonté de trouver des compromis et des points de rencontre. Les années 60 vont faire éclater tout cela façon puzzle entraînant quelque part dans leur sillon le reste du monde en des secousses surtout sociétales dont les répliques seront de plus en plus fortes et profondes. Et si Joe, c’est aussi l’Amérique est important c’est qu’il date quelque part et à sa manière les origines de cette fracture tel un « shot » d’histoire obscène car sans concession et donc précieux.
Brisby et le secret de NIMH est le premier long métrage d’animation de Don Bluth. Mais avant d’aller plus loin, rappelons qui est Don Bluth et ce qu’il incarne en cette fin des années 70. Période où il vient de claquer avec onze autres animateurs de talent la porte de Disney où le concernant cela faisait 8 ans qu’il y traînait ses guêtres en y ayant gravi pas à pas tous les échelons pour devenir l’un des animateurs les plus en vue d’un Studio alors en pleine crise.
Autant l’avouer d’entrée de chronique, c’est certainement la première fois que nous allons aborder un film en ayant remisé au placard le « mode expert » qui caractérise si bien notre ligne éditoriale (ah ! première nouvelle nous diront certains). C’est que si le nom de Tsui Hark nous parle forcément, disons humblement que nous n’avons vu qu’une toute petite partie de sa filmo. Et encore certainement pas ce qu’il a fait de mieux (au hasard Double Team ou encore Piège à Hong Kong qu’il réalise à la fin des années 90 au sein des Studios US). Comment de fait prétendre parler de L’Enfer des armes, film qui a identifié Tsui Hark sur la carte cinématographique mondiale, alors que des fleurons subséquents reconnus ainsi par les exégètes du cinéaste hongkongais (né au Viêt Nam) tels que la saga Il était une fois en Chine / The Blade / The Master etc n’ont jamais trouvé le chemin jusqu’à nos rétines ? Et bien on va se lancer quand même. Et disons que ceux pour qui le film n’a aucun secret, ils n’ont qu’à se rendre directement en fin de cette chronique pour se faire juste une idée de la qualité de cette édition. Les autres (on sait, ils sont peu nombreux), on les emmène à la découverte d’un film intrinsèquement passionnant à visionner plus de 40 ans après sa réalisation tant l’énergie proche du désespoir qui irrigue chacun de ses plans nous a scotchés lui prodiguant indéniablement une vitalité en forme de cure de jouvence perpétuelle. Précisons en guise de conclusion de cette introduction (oui on a l’esprit tordu on sait) que l’éditeur Spectrum nous le propose dans sa version dite internationale mais aussi pour une première en Blu-ray, dans une version Director’s Cut un peu plus longue qui a longtemps été un fantasme pour les admirateurs du film.
Brigade secrète fait partie de ces productions qui inondaient les cinémas de quartier américains depuis les années 30 et qui connurent leur apogée pendant et juste après la seconde guerre mondiale. Des films qui pouvaient être aussi présentés en avant-programme d’une grosse sortie ou avec un autre film du même acabit dans le cadre de doubles programmes. Ces films, qui ne dépassaient jamais les 85 minutes, étaient alors connus sous l’appellation « Séries B ». Une dénomination qui s’est depuis fourvoyée en ramenant ce genre de production à leur simple budget. Alors qu’à l’époque une série B ce n’était pas que cela. Une série B c’était aussi et surtout un tournage court (max 5 semaines) avec des acteurs bien souvent sous contrat avec un Studio (que les Studios pouvaient d’ailleurs se prêter) et qui recevaient donc un salaire à la semaine ou au mois qu’ils tournent ou pas. Et de fait il fallait donc les faire bosser quitte à sortir des films à la chaîne. C’était une époque où les Studios étaient aussi bien souvent propriétaires de leur propre parc de salles de cinéma ce qui avait pour conséquence que quel que soit le film produit, il était assuré d’être distribué avec à la clé une perspective de retour sur investissement beaucoup moins aléatoire qu’aujourd’hui. Mais la loi Antitrust entérinée par la Cours Suprême en 1948 y mit fin. Cela, cumulé avec l’arrivée de la télévision, fit que la série B originelle a progressivement disparu au profit de productions télés (séries TV et autres téléfilms) pendant qu’Hollywood tentait de se réinventer à coup de grosses machineries en cinémascope et en Technicolor (histoire justement de faire décrocher le quidam de sa télé).