Le 17 octobre 1961, alors que la France de De Gaulle tente de sortir de l’impasse politique générée par le conflit algérien, le FLN décide d’organiser dans les rues de Paris une manifestation de protestation pacifique contre le couvre feu instauré par le préfet de Police Papon à l’encontre de tous les « Français musulmans d’Algérie » (les FMA). Elle va déboucher sur une répression sanglante de la police française (le chiffre exact des morts ne sera jamais connu mais on parle de plus de deux cents tués), des milliers d’arrestations et une quasi absence de réactions médiatiques dans les jours et mois qui suivront « grâce » à une censure étatique des plus efficace. Nuit noire, 17 octobre 1961 tente avec brio d’en combler les zones d’ombre.
Un palace parisien en ce 7 décembre 2004 est le lieu qui m’a été « assigné » pour rencontrer Olivier Hirschbiegel et Bernd Eichinger, respectivement réalisateur et scénariste-producteur de La Chute, le film événement en Allemagne de la dernière rentrée. Décontracté, cigarette constamment aux lèvres, les deux compères semblent sûrs de leur coup (plus de 4,5 millions d’entrées en Allemagne, soit plus que Good bye Lenin, le dernier gros succès en date outre-Rhin) et balayent de la main les différentes critiques que l’on pourrait faire sur leur film. Pas d’attitudes hautaines pourtant, juste le sentiment d’avoir réalisé un très bon film.
Pour apprécier ce monument à sa juste valeur, il va falloir ranger paradoxalement pas mal de préjugés et s’ouvrir non pas à une révision de l’histoire mais bien à son acceptation la plus radicale qui soit. La Chuteest bien ce film polémique en ce sens qu’il impose sa vision, celle d’une génération qui veut comprendre afin que cela ne se reproduise plus. Mais là où le film d’Oliver Hirschbiegel va encore plus loin et provoquera immanquablement la cassure avec une bonne partie des spectateurs, c’est dans sa façon insidieuse de nous dire que tout cela aurait pu arriver n’importe où, à n’importe quelle époque, et surtout aujourd’hui.