Dans le microcosme vidéoludique, Team Ninja est sans conteste un nom aussi connu que révéré. La perspective de rencontrer le big boss du studio, Yosuke Hayashi, était de fait une invitation difficile pour ne pas dire impossible à décliner. Rendez-vous était donc pris dans les locaux de Sony PlayStation France pour nous entretenir sur le très attendu Nioh.
Pourriez-vous nous résumer les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
Après l’université il y a quinze ans de cela, je suis entré chez Koei Tecmo en tant que game designer. J’ai ensuite gravi progressivement les échelons et je suis à présent à la tête du studio Team Ninja (filiale de Koei Tecmo) où je supervise les différents projets en cours de développement ainsi que les orientations à prendre pour ceux à venir.
Concernant plus spécifiquement Nioh, pourriez-vous revenir sur les origines de ce projet ? Quand et comment a-t-il débuté ?
Le jeu fut originellement annoncé en 2004 sur PlayStation 3. En 2011, Team Ninja a récupéré le projet où il a fallu définir les orientations à prendre en termes de design, de gameplay, etc. avant de décider d’en faire un jeu de combat RPG. Et, pour la faire courte, en 2017, nous sommes enfin prêts à le sortir (rires).
Nioh serait basé sur un script intitulé Oni que devait réaliser Akira Kurosawa. Est-ce exact ?
Oui, au départ, le jeu était basé sur un script laissé par Akira Kurosawa après sa disparition. Il s’agissait alors d’un projet cross-média entre cinéma et jeu vidéo mais qui fut finalement abandonné. Le Nioh qui sort aujourd’hui est basé sur un tout nouveau scénario qui n’a plus aucun lien avec le script originel. Mais puisqu’il s’agit d’un jeu de samouraïs, l’influence de Kurosawa reste belle et bien présente.
Y a-t-il des films en particulier qui ont influencé la création de Nioh ?
Il y a de nombreuses influences cinématographiques que beaucoup de joueurs reconnaîtront sans doute. Il y a bien sûr deux des classiques de Kurosawa que sont Les Sept Samouraïs (1954) et Yojimbo (1961). Il y a également Le Dernier Samouraï (2003) avec Tom Cruise ainsi qu’un film plus récent au Japon qui s’intitule Rurôni Kenshin (Kenshin le vagabond, 2012).
Nioh s’inspire d’un personnage historique ayant réellement existé, un samouraï occidental du nom de William Adams. Y a-t-il d’autres références historiques dans le jeu : des lieux, des personnages, des évènements ?
De nombreux éléments croisés au cours de l’aventure de Nioh s’inspire de l’histoire du Japon. Koei Tecmo conçoit des jeux historiques de la sorte depuis trente-cinq ans. Il y a bien entendu de nombreux éléments fictifs mais l’intrigue s’inspire de faits réels.
Le studio Team Ninja est évidemment connu pour ses deux licences-phares que sont Dead or Alive et Ninja Gaiden. Pour autant, beaucoup ont comparé Nioh à la série des Dark Souls de From Software. Trouvez-vous la comparaison justifiée et quelles sont les principales différences entre les deux titres ?
Nous respectons énormément Dark Souls auquel nous avons fait quelques références. Pour autant, nous avons repris le système de combat introduit dans Ninja Gaiden que nous avons transposé dans l’univers des samouraïs auquel nous avons également emprunté toutes les composantes RPG en matière d’armes et d’équipements ainsi que la possibilité de refaire les niveaux. À l’arrivée, j’espère que les joueurs apprécieront les qualités spécifiques des deux titres.
Après la phase bêta de l’été dernier, vous avez déclaré que « certains joueurs trouvaient certains passages trop difficiles en raison de la multitude d’adversaires et que, par conséquent, vous alliez privilégier les affrontements à un contre un requérant une grande dextérité ». Est-ce à dire que la difficulté du jeu final sera revue à la baisse ?
La difficulté n’était pas notre objectif principal car il est toujours très facile de développer un jeu très difficile. Notre but était de concevoir un titre où le joueur accepterait le niveau de difficulté en ce sens qu’il ressentirait une immense satisfaction après chaque nouveau challenge surmonté. Alors certes Nioh est effectivement un jeu que l’on pourra qualifier de « difficile » mais cette difficulté pousse le joueur à s’interroger sur les différentes approches possibles face à chaque nouvel obstacle. De ce point de vue, je pense que la version finale de Nioh est parfaitement en phase avec cet objectif.
Y aura-t-il plusieurs niveaux de difficulté (facile, normale, difficile) ou bien un seul niveau ?
Un seul niveau (sourires).
Vous aviez également déclaré qu’il faudrait jusqu’à 70 heures pour venir à bout de Nioh. Le jeu final sera-t-il vraiment aussi long ?
Quand j’ai annoncé 70 heures alors que le jeu étant encore en plein développement, j’ai peut-être un peu exagéré mais si vous jouez de bout en bout, il vous faudra sans doute entre 35 et 40 heures. De plus, le fait de terminer le jeu débloquera différentes choses qui, je l’espère, encourageront les joueurs à recommencer.
Un débat refait régulièrement surface autour du fait que les jeux d’aujourd’hui sont souvent considérés comme plus courts et plus faciles qu’ils ne l’étaient dans les années 80 / 90. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Et pensez-vous qu’aujourd’hui, il y ait encore de la place pour un jeu aussi long et difficile que Nioh ?
Je crois que les gens jouent afin d’être émotionnellement « transportés », indépendamment de la durée de vie ou de la difficulté du jeu. Uncharted est visuellement époustouflant, Call of Duty propose une campagne explosive et The Last of Us dispose d’un excellent scénario. Il n’est donc pas indispensable de rendre un jeu plus long ou plus difficile pour « toucher » les joueurs. Nioh y parvient grâce au sentiment d’accomplissement ressenti à chaque nouveau challenge surmonté. En progressant dans Nioh, vous aurez sans doute envie d’abandonner par endroits ou bien de maugréer en vous exclamant « bon sang, qu’est-ce qui vient de se passer ? ». Pour autant, sitôt cet obstacle franchi, vous serez ravi. In fine, je ne crois pas que la façon de concevoir les jeux sera amenée à changer afin d’« émouvoir » les joueurs.
Nioh sera optimisé pour la PlayStation 4 Pro et proposera plusieurs modes graphiques. Pour autant, depuis la sortie de la console en novembre dernier, de nombreux jeux font l’objet de patchs fréquents afin de corriger différents problèmes d’optimisation : framerate, aliasing, etc. Êtes-vous confiant quant à votre optimisation du jeu sur PS4 Pro ?
Nous vivons une époque où les désidératas des joueurs sont multiples et notre volonté avec Nioh était donc de leur proposer différents modes privilégiant tantôt l’action et le framerate, tantôt l’aspect cinégénique en fonction de leurs affinités personnelles. Cette approche tend à se généraliser aujourd’hui. Nous sommes confiants sur le fait que l’optimisation de Nioh sur PS4 Pro sera fin prête le jour J.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les possibilités en ligne de Nioh ?
Plusieurs options en ligne seront disponibles au lancement du jeu. La première sera la possibilité de « ressusciter » les autres joueurs tombés au combat puis de les affronter afin de récolter différents artefacts. La deuxième consistera à lancer des invocations à proximité des sépultures croisées en chemin qui donneront alors accès à des aides aléatoires. Et la troisième sera un mode coopératif. Puis, très vite après la sortie du jeu, nous proposerons une mise à jour gratuite qui inclura un mode PvP.
Un season pass a également été annoncé. Que pouvez-vous nous en dire ?
Nous venons tout juste de finaliser le contenu des différents DLC et je n’entrerais pas dans les détails pour le moment étant donné que le jeu n’est pas encore sorti. Mais nous envisageons bien sûr d’étendre l’histoire, de proposer de nouveaux niveaux, de nouveaux ennemis, de nouvelles armes, etc. Et en fonction des différents retours des joueurs, nous pourrions également être amenés à faire quelques ajustements. Mais commencez par profiter du jeu principal avant de penser aux DLC (rires).
Nioh a-t-il toujours été envisagé comme une exclusivité PlayStation ou bien verra-t-on des portages ultérieurs sur d’autres plateformes ?
C’est une exclusivité PlayStation 4 pour deux raisons. Primo, Sony s’est énormément impliqué et passionné pour ce projet pour lequel nous partagions une vision commune. Deusio, nous avons fait équipe avec Sony car nous voulions qu’un maximum de gens puisse jouer à Nioh.
À l’instar de Dead or Alive et Ninja Gaiden, Nioh est-il le premier volet d’une nouvelle licence pour Team Ninja ?
Nous venons tout juste de boucler le jeu et nous devons encore préparer les DLC donc, pour être honnête, nous ignorons ce qu’il en sera de la suite. Mais si la question ressurgie régulièrement et que les feedbacks sont bons, ce pourrait être le signe d’un intérêt pour que l’aventure continue. Il appartient donc à la communauté de Nioh d’en décider.
Nioh sortira sur PlayStation 4 le 8 février 2017.