The Medium – PlayStation 5

The Medium – PlayStation 5

Lors de sa sortie en exclusivité temporaire sur Xbox Series X|S et PC en janvier 2021, The Medium fut accueilli par une presse globalement conquise. Un enthousiasme auquel nous aurions bien aimé prendre part à l’époque mais notre Xbox Series X chèrement acquise à son lancement deux mois plus tôt en décida autrement puisqu’elle nous crama entre les doigts au bout de trois jours et qu’il nous fallut de longs mois avant de parvenir à remettre la main sur un nouveau modèle (pénurie oblige). Qu’à cela ne tienne car dans l’entrefaite, l’exclusivité temporaire allait prendre fin et c’est donc un exemplaire « Two Worlds Special Edition » sur PlayStation 5 que nous fit parvenir l’éditeur en septembre afin de nous aventurer à notre tour dans les méandres de ce jeu venu de Pologne.

The Medium – PlayStation 5Car non, l’industrie vidéoludique polonaise ne se résume pas uniquement au studio CD Projekt et à ses productions qui font couler beaucoup d’encres (qui a dit Cyberpunk 2077 ?). Fondé en 2008, le studio Bloober Team basé à Cracovie s’est fait connaître par des jeux à tendance horrifiques (Layers of Fear, Observer) dont nous avions déjà entendu parler (en bien) mais sans jamais vraiment franchir le pas (à tort sans doute). The Medium était donc l’occasion rêvée de nous rattraper. Encore que l’emploi du terme « rêvé » ne soit pas forcément le plus approprié dans le cas présent tant The Medium nous convie plutôt à (re)vivre une époque de la Pologne pas si lointaine mais ô combien torturée.

Le générique d’ouverture en noir et blanc entend d’ailleurs nous plonger au cœur d’un récit où passé et présent vont intimement s’entremêler. Le joueur y incarne une dénommée Marianne dans la Pologne de 1999 à l’heure où l’on célèbre les dix ans de la chute du mur de Berlin. Le choix de l’année et de cette célébration sont tout sauf anodins puisqu’ils annoncent tout à la fois le tournant du siècle et la fin d’un régime (l’ex-URSS). Marianne a perdu la mémoire suite à l’accident qui causa la mort de ses parents et fut recueillie par Jack, directeur d’un funérarium. Le jeu débute alors quand ce père adoptif, aimant et prévenant, vient à son tour de trépasser. Et alors qu’elle organise ses obsèques, un mystérieux coup de téléphone invite Marianne à se rendre à Niwa et plus spécifiquement dans ce qui fut jadis un luxueux complexe hôtelier désormais à l’abandon suite au massacre mystérieux de tous ses occupants. Grâce à ses dons de médium qui lui valurent déjà moult mésaventures étant enfant puis adolescente, Marianne va être amenée à lever peu à peu le voile sur cette tragédie passée et in extenso sur celle d’une nation tout entière.

Voilà pour l’ambiance fort peu réjouissante de The Medium. Non attendez, ne vous enfuyez pas tout de suite ! Car c’est bien connu, derrière les histoires en apparence les plus tragiques se cachent parfois les œuvres les plus délicates et à portée universelle. Ce qui est assurément le cas de The Medium. Entre la narration en voix off triste et mélancolique, le travail de design, les éclairages ainsi que l’ambiance sonore, tant au niveau des effets que des musiques, les premiers pas en compagnie de l’héroïne nous aspirent illico au cœur d’un récit qui, nous le découvrirons bien vite, relèvera bien davantage de la narration que du survival horror (on y revient juste après). C’est bien simple, le jeu vient à peine de commencer que les créateurs parviennent déjà à nous mettre la boule aux ventres et la larmichette à l’œil. D’autant plus que le cœur même du gameplay ne tarde pas lui aussi à se manifester. Les visions de Marianne qu’elle a elle-même baptisée la « déchirure » prennent visuellement la forme d’un écran splitté en deux avec, vous l’aurez compris, d’un côté le monde réel et de l’autre le monde spirituel, l’héroïne évoluant alors dans chacun des deux mondes.

Une trouvaille qui n’est pas qu’un simple gimmick visuel mais sert bel et bien le gameplay puisque certains passages infranchissables dans le monde réel, le sont dans le monde spirituel et vice-versa. De plus, les pouvoirs de Marianne se diversifieront peu à peu au fil de l’aventure avec la capacité de quitter son enveloppe charnelle pour se « projeter » dans le monde des esprits (pour un laps de temps donné avant désagrégation de son double spirituel) ou encore la faculté d’envoyer des décharges d’énergie, de libérer des âmes torturées, ou de collecter des bribes de souvenirs. Bloober Team semble donc s’être ingénié à compiler toutes les croyances populaires en matière de dons médiumniques. Mais loin d’eux l’idée d’en faire un gloubi-boulga indigeste car toutes ces capacités permettront à l’héroïne de progresser et à The Medium de nous raconter son histoire. Et c’est peut-être bien là le seul reproche imputable au jeu : celui d’une progression ultra-dirigiste où il sera virtuellement impossible d’omettre le moindre détail vital pour la suite de l’histoire. D’autant plus que s’ajoute à cela un don de clairvoyance dont dispose Marianne pour mettre en surbrillance les objets dignes d’intérêt alors que par ailleurs les différentes énigmes qui jonchent notre parcours n’offrent guère de difficulté.

Certains auraient sous aucun doute préféré que The Medium se focalise davantage sur une expérience de jeu survival horror plus oppressante au cœur d’un challenge vidéoludique plus relevé et moins sur un thriller narratif qui en définitive ne nous fera jamais vraiment sursauter sur notre fauteuil. Mais pour qui accepte ce parti-pris, The Medium est une formidable aventure au cœur de l’Histoire de la Pologne matérialisée sous la forme de lieux conçus comme de véritables tableaux aussi fascinants que répugnants, visions cauchemardesques d’un passé pas si lointain du pays. Au travers de ces histoires individuelles passées que Marianne va « déterrer », The Medium nous raconte rien moins que la grande Histoire de son pays. Et avec elle le demi-siècle le plus sombre de l’histoire de l’humanité : depuis la montée en puissance (et l’occupation) nazie d’une bonne partie de l’Europe dans les années trente jusqu’à la dissolution de l’ex-URSS avec la chute du Mur de Berlin en 1989. Les jeux qui parviennent avec une telle réussite technique à nous raconter de telles histoires sont si rares qu’il serait bien dommage de passer à côté.

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