Fallait-il vraiment s’attendre à quelque chose d’énorme pour que le dernier film de Zack Snyder se fasse ainsi pourrir la vie par les critiques et certainement bientôt par les « fans » ? On rappellera quand même que si son cinéma et ses choix à l’avenant ne laissent personne insensibles, il n’aura jamais bénéficié jusqu’ici de la même mansuétude qui entoure, au hasard, chaque nouveau film signé J.J. Abrams. Il y a bien entendu des trous d’air dans cette filmo (Sucker Punch, Le Royaume de Ga’Hoole pour ne citer que les plus évidents), mais on ne lui enlèvera jamais le côté démiurge de sa mise en scène qui a pour lui de creuser un sillon éminemment graphique tout à fait défendable, mais qui à l’inverse n’a plus la faculté de surprendre. D’où encore une fois notre interrogation du début.
Et ce n’est donc pas son Batman v Superman qui va changer la donne, lui qui poursuit en ce domaine le travail (certains diront de sape) entrepris avec Watchmen, Gloubi-boulga trop souvent indigeste mais hautement référentiel et par moment d’une beauté visuelle vertigineuse. Il y a donc de tout dans un film de Snyder, ce qui fait que l’on en sort souvent un peu frustré tout en ayant eu la certitude dans le même temps d’avoir assisté à quelque chose de bigger than life accouché aux forceps. On n’est pas dans l’épure et encore moins dans la gaudriole. Cela tombe bien, c’est la marque de fabrique chez DC Comics. On est dans le lourd, le noir, le ciel de plomb mais aussi dans le bas de plafond.
C’est que franchement, Superman et Batman ont quand même des motivations de gueux pour s’affronter ainsi. C’est d’ailleurs peut-être aussi pour cette raison que Ben Aflleck fut choisi. Pour qu’avec Henry Cavill, ils se tirent franchement la bourre dans un domaine où il n’y a pas de gagnants. Aussi con l’un que l’autre. Et on ne parle même pas de la scène qui en clin d’œil fait passer les deux supers belligérants en des potes de longue date. C’est juste pathétique ou drôle, en fonction de son humeur. Mais avant cela, il y a des moments de grâce ou à tout le moins efficaces. Certes, on n’évite pas quelques passages aux ambitions visuelles un tantinet lourdingues mais le tout tient plus que la route. Les intentions de mise en scène et points de vue sont alors totalement assumés. Et puis il y a le personnage de Lex Luthor magistralement endossé par un Jesse Eisenberg en total roue libre qui devait avoir dans le coin de la tête la prestation hallucinée de feu Heath Ledger.
On appréciera aussi cette volonté de creuser pour transformer les icônes de BD en êtres de chair et de sang mythologique. L’irruption de Wonder-Woman, affublée d’un costume d’Amazone qu’elle a toujours été au demeurant, va en ce sens. Entre désacralisation et retour aux sources façon ersatz de Frank Miller. Il y en aura toujours pour trouver cela peu convaincant, mais on ne pourra pas reprocher à Snyder de faire dans le tâcheron façon « yes man ». Après, il va sans dire que l’on parle ici d’un budget à plus de 250 millions de dollars d’où ce dernier tiers assez moche et condescendant qui semble marquer la reprise en mains des « suits » de chez Warner. Ceux-ci semblent en effet siffler la fin de la récré. À l’image, cela donne un combat final tout moisi avec une créature « frankensteinienne » d’une rare laideur. On cherche encore l’émotion, l’épique, le lyrisme ou tout simplement un certain respect du spectateur.
Si fatalement, c’est un peu un goût de cendre qui reste dans la bouche à l’issue d’un dernier plan tout sauf surprenant, Batman v Superman n’en reste pas moins une tentative appréciable d’afficher autre chose que la doxa admonestée chez Marvel qui se veut sans aucun doute le mètre étalon actuel du bon goût dans le genre. Bien entendu, choisir Snyder pour porter la bonne parole DC Comics, c’est un message lourd de sous-entendus où la subtilité n’est pas forcément au rendez-vous. Mais même administré avec la Grosse Bertha, on apprécie le « cadeau ».
Batman v Superman : L’Aube de la Justice de Zack Snyder – 2h33 (Warner Bros. France) – 23 mars 2016
Résumé : Craignant que Superman n’abuse de sa toute-puissance, le Chevalier noir décide de l’affronter : le monde a-t-il davantage besoin d’un super-héros aux pouvoirs sans limite ou d’un justicier à la force redoutable mais d’origine humaine ? Pendant ce temps-là, une terrible menace se profile à l’horizon…
Note : 3/5
Complètement en phase avec votre critique.