Entretien avec Ugo Bienvenu pour Arco

Arco d’Ugo Bienvenu primé ! La Fondation Gan, qui depuis 35 ans soutient le cinéma à travers un système d’aides à la création et à la diffusion destiné aux premiers et seconds longs métrages vient d’annoncer ses lauréats 2023. Parmi les différents projets sélectionnés, le Prix spécial est revenu à Ugo Bienvenu pour Arco, film d’animation 2D qui a également obtenu l’avance sur recettes du CNC et pourrait sortir sur les écrans en 2025.

Le réalisateur, déjà connu pour ses courts métrages et ses bandes dessinées emmènera le spectateur dans un univers futuriste pour un film porteur d’espoir. Le pitch : Arco, dix ans, vit en 2932. Lors de son premier vol dans sa combinaison arc-en-ciel, il sort de sa trajectoire, perd le contrôle et tombe dans le passé en 2075. Iris, une petite fille de son le recueille et l’aide par tous les moyens à rentrer chez lui, dans son époque.

A cette occasion, nous avons pu nous entretenir avec lui.

Arco, Ugo Bienvenu

Digitalciné : Comment en êtes-vous à l’animation ?

Ugo Bienvenu : J’ai grandi au Mexique et je m’ennuyais à l’école. Comme je dessinais beaucoup, ma mère m’a conseillé de faire un bac STI Arts Appliqués et on est rentré en France pour ça. Je me suis vite rendu compte que pour gagner sa vie avec le dessin, le mieux était d’aller vers le cinéma d’animation car les corps de métiers sont variés. J’ai réussi à entrer aux Gobelins, la meilleure école et surtout la plus technique en me disant qu’après je saurais tout dessiner et que je pourrais également faire de la BD puisque c’est là que je voulais me diriger à l’origine. Mais j’ai développé un langage naturel pour l’animation donc je suis passé à la réalisation et tout s’est enchainé.

 

DC : Avec quels films d’animation avez-vous grandi ?

UB : Je n’étais pas un cinéphile hardcore. A la maison nous avions des livres plus que des films et ma culture visuelle vient plutôt de la bande dessinée et de l’illustration. Enfant, mes deux gros impacts ont été Dragon Ball Z et Princesse Mononoke. J’ai également grandi avec Disney mais j’ai compris bien plus tard ce qui m’intéressait dans ces films. Je n’ai découvert l’animation indépendante que pendant mes études avec les films d’Igor Kovaliov ou Atsushi Wada. A la sortie de l’école, on était plutôt poussé vers l’industrie mais ça m’intéressait moins, je suis donc entré chez Miyu qui m’a permis de développer mon style. J’ai pu faire les films que j’avais envie de voir, d’expérimenter une animation qui allait chercher une grosse part d’inconscient et qui faisait vivre des expériences.

DC : Puis est venue le temps de la bande dessinée ?

UB : Oui, elle m’a permis d’écrire des histoires plus amples, moins adaptées au cinéma d’animation notamment car les films auraient été trop chers à monter. Pour moi, le court métrage permet moins de raconter des histoires, il s’agit davantage de transmettre des sensations, comme un poème. La BD m’a permis d’affiner mon style narratif sur des durées longues.

Arco, Ugo Bienvenu

DC : Vous avez envisagé Arco comme un long métrage tout de suite ?

UB : Pour moi, ça ne pouvait pas être autre chose. Quand on a un récit, qu’on identifie une forme, on se demande où est ce qu’elle serait le mieux servie. Là c’était le long métrage. J’avais envie de faire un film pour enfants, qui résonne comme ceux qui m’ont accompagné jusqu’à aujourd’hui.

DC : Vous passez d’un univers très adulte, même en BD, à un univers plus familial.

UB : Je pense que j’ai muri. Dans les premiers films que j’ai faits, j’avais envie de montrer que j’étais adulte et en revenant sur ce qui m’a forgé, je me suis aperçu qu’une œuvre destinée au jeune public pouvait être aussi intelligente et traiter de thématiques fortes. J’ai rejeté cette posture du cinéma adulte pour aller vers quelque chose de cristallin, pur, sans artifices, avec juste de l’émotion.

J’ai aussi eu l’idée d’Arco quand j’ai eu un enfant et j’ai voulu faire un film qui pourrait accompagner ma fille tout au long de sa vie, comme pour lui dire que tout allait bien se passer dans un monde dont on entend souvent qu’il tombe en ruines. L’idée était d’offrir aux spectateurs un message d’espoir, comme un gros câlin qui leur rappellerait qu’il faut avoir confiance dans les forces de l’imagination car, au final, c’est nous qui construisons le monde qui vient.

DC : Allez-vous adapter votre style pour les besoins du film ?

UB : Il évolue mais l’ADN reste. Il faut prendre les enfants aux sérieux, ils ont déjà des gouts graphiques assurés, même petits. J’ai choisi de conserver un univers réaliste car je sais que cela peut aussi leur plaire et je veux que les parents prennent autant de plaisir à le voir que les plus jeunes. C’est un film à plusieurs niveaux de lecture.

Arco, Ugo Bienvenu

DC : Depuis quand travaillez-vous sur Arco ?

UB : J’ai fait le premier dessin voilà 3 ans. On s’est vite aperçu qu’en France, il y avait un plafond de verre d’environ 6 millions d’euros pour le financement d’un long métrage animé. Mais on ne pouvait pas le faire pour ce budget sans sacrifices. Comme je gagne bien ma vie, je n’avais pas besoin de précipiter les choses, j’avais envie de conserver mes ambitions premières donc j’ai pris le temps qu’il fallait. J’ai préservé le projet et travaillé sur Arco quasiment incognito pendant 3 ans. Je me suis vite rendu compte qu’il fallait avancer au maximum pour que les gens comprennent où j’allais puisque l’objectif restait de faire une œuvre grand public avec un vocabulaire d’auteur. Nous avons commencé à le montrer à des interlocuteurs l’année dernière quand nous avions 1h d’animatique terminée et ils nous ont suivis.

DC : Vous avez des coproducteurs ?

UB : Oui, avec mon partenaire, Félix de Givry, nous sommes associés à MountainA, la société de production de Natalie Portman et Sophie Mas. Nous avons préféré aller chercher des partenaires aux Etats-Unis afin que le film arrive également par-là malgré une fabrication qui se déroulera intégralement en France. Je n’ai pas voulu faire de coproduction européenne afin de contrôler au maximum mes équipes. J’ai enseigné aux Gobelins, j’ai formé des gens pendant 5 ans, j’aimerais maintenant qu’ils soient au même endroit.

 

DC : Où en êtes-vous  dans la conception du projet ?

L’animatique est terminée, nous devrions lancer la production autour du mois de février pour une sortie qu’on aimerait voir en 2025.

Merci à la Fondation Gan ainsi qu’à Dany de Seille.

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