Viva la muerte - Image une test BD

Viva la Muerte (1971) de Fernando Arrabal et le Blu-ray sort de sa zone de confort !

Attention film à part, pour na pas dire plus. Viva la muerte ne ressemble en effet à rien auquel l’on puisse instantanément se référer. Non que le sujet abordé sorte des sentiers battus : la perte d’un père accusé de trahison dans un pays ayant apparemment basculé dans le fascisme. Une mère à la fois aimante, castratrice mais aussi à l’origine de la dénonciation du paternel auprès des autorités. Le tout vu à hauteur d’un enfant de 11 ans. Et c’est en fait ici le point le plus important. À hauteur d’enfant. Mais pas n’importe lequel. Celui qu’était Fernando Arrabal, le réalisateur de Viva la muerte. En fait non. Pas seulement cinéaste puisque Fernando Arrabal est aussi poète, romancier, essayiste et dramaturge comme l’énonce cliniquement sa fiche Wiki. On a oublié de nationalité espagnole. Ce qui ramène d’ailleurs au titre de ce premier long qu’il réalise en 1971. « Viva la muerte » étant le cri de ralliement de l’armée franquiste durant la guerre civile espagnole qui a ensanglanté le pays de 1936 à 1939.

  • Viva la muerte (1971) de Fernando Arrabal - Packshot Blu-ray
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Viva la muerte

Éditeur :Éditions Montparnasse
Sortie le :28 juin 2023  

Au cinéma le : 12 mai 1971 (Festival de Cannes)

Viva la muerte - Affiche

On comprend dès lors que le pays en question dans Viva la muerte c’est l’Espagne et que Fernando Arrabal y raconte son enfance. Un père communiste dénoncé par sa mère fervente catholique. Un événement tragique pour lequel l’homme qu’il est devenu ne s’est jamais remis et qui traverse toute son œuvre à commencer par Babylone – Viva la muerte, un de ses romans (publié en 1959 aux Éditions Julliard) qu’il adapte ici. Mais tout cela relèverait d’une sémantique bien classique et au final en fort décalage avec ce qu’est Viva la muerte. On a précisé un peu plus haut « à hauteur d’enfant » ce qui dans les faits donne certes au film une forme de fil rouge qu’il suit inexorablement mais qui lui permet surtout des digressions formelles qui impriment la rétine à tout jamais. Car par à hauteur d’enfant Arrabal entend un univers fait de délires sexuels où le masochisme abonde, de réminiscences morbides qui pourront déranger les plus sensibles le tout envers une mère pour laquelle il voue un amour déviant mais aussi une haine sacrée.

Viva la muerte peut dès lors se voir comme une provocation à l’égard des institutions de l’État et de l’Église, mais aussi plus généralement des règles sociales établies par la société bourgeoise. Pour cela Fernando Arrabal use des préceptes du surréalisme que Luis Buñuel avait gravé dans le marbre avec des films tels que Un chien andalou (1929) et L’Âge d’or (1930). Et on se surprend à adhérer in fine à cette forme pour le moins peu en phase avec nos « habitudes » de cinéma. C’est que Arrabal nous touche à l’âme. Avec ce film ne veut-il pas nous balancer quelque part à la gueule cette identité d’homme limite sans patrie (il quittera l’Espagne à peine adulte) et sans famille (à commencer par son père donc qui en 1941 s’est échappé de sa prison pour disparaître à jamais) ? Viva la muerte n’est-il pas tout simplement une œuvre (poignante) pour faire le deuil d’un père en nous martelant qu’il est toujours vivant quelque part comme l’indique la toute dernière scène du film ?

En 2023 découvrir Viva la muerte fait énormément de bien. Voir ainsi à l’écran des corps qu’Arrabal se réapproprie comme de purs objets de fiction nous permet de toucher du doigt ce que peut-être la création au sens noble du terme. Celle qui permet d’aller au-delà des convenances et des conventions qui, désolé de le souligner ainsi, semblent revenir en force aujourd’hui. Loin de nous l’envie d’affirmer que les années 70 étaient bien plus vivables et viables pour la création artistique. Rappelons en effet que Viva la muerte ne reçoit son visa d’exploitation que le 22 juin 1981 grâce au ministre de la Culture Jack Lang, soit 10 ans après sa projection au Festival de Cannes, attirant 766 718 spectateurs dans les salles. Ce qui, vous en conviendrez, est loin d’être anecdotique. Mais il est évident qu’un tel film ne verrait pas/plus le jour en 2023.

D’autant qu’il faut se dire que c’est le premier film de Fernando Arrabal à sortir en Blu-ray tout en précisant qu’aucun de ses 7 longs métrages n’avaient eut les honneurs d’éditions DVD… Autre précision de taille Viva la muerte a bénéficié d’une restauration 4K effectuée par la Cinémathèque de Toulouse avec la collaboration de Fernando Arrabal (qui du haut de ses 91 ans vit et travaille à Paris) et du ministère de la culture tunisien où le film fut tourné mais aussi longtemps interdit. La restauration s’est appuyée d’éléments négatifs image et son 35mm et un élément interpositif 35mm. Résultat des courses, Viva la muerte se pare d’une image qui s’accommode sans problème du diktat numérique (précision, profondeur, contrastes…) tout en rendant compte des expérimentations visuelles voulues par Arrabal lors des passages « oniriques » : mélange de prises de vue effectuées en vidéo et/ou d’images dénaturées en post-prod.

On pourra d’ailleurs s’en rendre compte dans le making of proposé en guise de bonus. Réalisé par le tunisien Abdellatif Ben Ammar et lui aussi restauré, il permet de voir les passages en question filmées sous un autre angle en 16mm. C’est un film précieux car il permet d’entendre Arrabal lors du tournage et même de repérer une scène qui n’a semble-t-il pas été retenue lors du montage final. On y voit plusieurs adultes (ceux que l’enfant n’aiment pas ou qui l’ont un tantinet persécuté ou puni) en train de se noyer. Certainement un passage qui aurait dû prendre la forme d’un énième épisode sadico-onirique. Ce Blu-ray propose aussi un autre complément de choix. Un documentaire datant de 2011 signé Xavier Pasturel Barron qui revient sur le parcours artistique d’Arrabal mais aussi et surtout sur l’homme. Parmi toutes les infos qu’il délivre on en a repéré une qui nous a touché au cœur. Celle d’apprendre (ben oui on ne le savait pas) qu’Arrabal a fait l’acteur pour Benoît Delépine et Gustave Kervern dans le film Avida. Et il va sans dire que maintenant que l’on y pense et bien que l’humour grolandais, non sensique et ultra perché de la bande ne pouvait que puiser ses influences et son inspiration dans le dadaïsme, le surréalisme et autre « Mouvement Panique » fondé d’ailleurs par Arrabal où l’on pouvait croiser des artistes tels que Roland Topor et Alexandro Jodorowsky.

Roland Topor dont quelques dessins viennent illustrer de temps à autre Viva la muerte pour ensuite les retrouver lors d’un générique magistral qui a lui seul impose la vision de Viva la muerte. Un générique au demeurant invisible jusqu’à ce Blu-ray tout simplement indispensable.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.66:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DTS HD-MA 2.0 mono / Audiodescription
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h29min 01s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Sur les traces de Baal : Making of restauré et signé Abdellatif Ben Ammar (1970 – 19min 24s – HD)
  • Vidarrabal : documentaire sur la vie d’Arrabal par Xavier Pasturel Barron (2011 – 99min 30s – HD)

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