Cette sacrée vérité - Image une test BD

Cette sacrée vérité de Leo McCarey en Édition Collector a minma chez Wild Side

Que peut-on rajouter à tout ce qui a déjà été écrit sur Cette sacrée vérité, un des joyaux de la « Screwball Comedy » ? Point ici d’aveu d’impuissance ou de timidité devant un tel monument du genre et du cinéma mondial. Disons simplement que tant d’exégèses se sont penchées sur son berceau que l’on serait bien en peine d’apporter ici une idée neuve, moderne ou pourquoi pas dissonante. Alors on s’est dit que pour ceux qui voudraient découvrir le film, on allait tenter d’en synthétiser les nombreuses qualités qui en font toujours un absolu délice de visionnage et pour les autres, histoire qu’il ne s’ennuie pas trop et restent avec nous jusqu’au bout de ce texte, leur donner envie (ou pas) d’acquérir cette édition portée par l’éditeur Wild Side que l’on a connu bien plus en forme de par le passé. Bref un truc simple entre nous et sans prise de tête…

Cette sacrée vérité - Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Éditeur :Wild Side Vidéo
Sortie le :12 juillet 2023  

Au cinéma le : 22 décembre 1937

Résumé : Lorsque Jerry Warriner est obligé d’inventer un week-end en Floride pour pouvoir jouer aux cartes avec ses amis, sa femme, Lucy, passe du temps avec Armand Duvalle, son séduisant professeur de chant… D’un commun accord, les époux décident de mettre un terme à leur vie commune. Seul l’avenir de Mr. Smith, leur fox-terrier, les oppose et les déchire. Le jugement est sans appel : Lucy aura la garde du quadrupède et Jerry obtient un droit de visite. Le divorce ne sera effectif qu’après un délai de trois mois. Chacun s’efforce de refaire sa vie. Jerry s’affiche avec Dixie Belle Lee, une entraîneuse bien différente de Lucy, et Lucy tente de se persuader qu’elle est amoureuse d’un riche héritier, Daniel Leeson…

Cette sacrée vérité - Affiche France

De fait, la seule question valable à se poser est pourquoi Cette sacrée vérité se regarde toujours avec autant de plaisir ? Un double plaisir au demeurant. Celui d’abord immédiat et organique qui fait tout simplement un bien fou aux zygomatiques puis celui plus analytique pour lequel nous allons vous donner juste quelques amorces de pistes de réflexion. Du côté de l’immédiat on peut retenir plusieurs choses à commencer par le duo Irene Dunne – Cary Grant. Si on ne présente plus le premier (encore que à l’époque, Cette sacrée vérité sera le film qui fera basculer Grant au rang de star), Irene Dunne n’aura pas autant imprégné la mémoire collective sinon auprès des cinéphiles. Elle est pourtant celle qui incarne le mieux (aux côtés de Ginger Rogers, Claudette Colbert ou encore Carole Lombard) ces femmes de caractère qui constituent, entre autres, l’identité thématique de ces comédies centrées sur des questions de mœurs. Oui parce que Cette sacrée vérité parle d’un couple qui se sépare pour mieux se retrouver. Entre les deux il se passe 3 mois (le temps qu’il faut en Californie pour officialiser un divorce) et la question de savoir qui va pouvoir garder le chien. La cause de toute cette agitation ? Un adultère réciproque et consommé ? On met un point d’interrogation car sur cet aspect le film de Leo McCarey ne tranche pas vraiment. Mais pour tout ce qui suit oui.

Cette sacrée vérité - Cap Bonus BD - Leo McCarey

À savoir une façon de s’entre-déchirer avec un sens de la répartie et du timing ciselés. Les bons mots sont ainsi légion (ce pourquoi d’ailleurs Cette sacrée vérité se doit d’être vu en version originale), les comiques de situation itou, le tout ordonnancé avec un sens du rythme du feu de Dieu. Jamais de temps mort en gros. Et le spectateur de jouir du spectacle tel un voyeur jamais repus. À tel point d’ailleurs que si l’on devine quasi immédiatement le fin mot de cette histoire, les péripéties pour y arriver sont tellement « perchées » que tels des tortionnaires à tendance maso (que sont à l’évidence les deux scénaristes Vina Delmar et Sidney Buchman) on aimerait que le bonheur qui pend forcément au nez de nos deux tourtereaux n’intervienne que le plus tardivement possible. Et puis à la baguette on a Leo McCarey qui s’y connaît en la matière puisqu’on lui doit les meilleurs courts-métrages de Laurel et Hardy dont il affirmera d’ailleurs qu’il est à l’origine de leur création en tant que duo comique ou encore le film le plus drôle des Marx Brothers avec La Soupe au canard (1933).

Cette sacrée vérité - Cap bonus Laurel et Hardy

Le vif ressenti d’avoir (re)découvert un morceau de bravoure de la comédie made in Hollywood passé, on peut ensuite essayer de comprendre le secret de sa longévité. Car au-delà de ses qualités intrinsèques indéniables, Cette sacrée vérité véhicule des évidences universelles. On a mentionné plus haut la caractérisation du personnage féminin incarné ici à merveille par Irene Dunne. Voilà en effet une épouse qui est traitée à l’égal du mari. Elle pétille d’intelligence, n’hésite pas à avoir de l’esprit et d’être pétrie de mauvaise foi. Elle se trouve un nouveau riche texan bas du front voyageant avec sa daronne quand lui se dégote une strip-teaseuse avec un vrai-faux accent de la Nouvelle-Orléans. On est alors très loin de l’image de la femme soumise et/ou en retrait que véhiculera le Hollywood d’après-guerre. Cette sacrée vérité incarne aussi un genre que le philosophe Stanley Cavell a intitulé « la comédie du remariage ». Nous n’allons pas faire les malins ici. Voilà un nom que nous ne connaissions pas avant d’avoir écouté Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma, au sein du complément Qui gardera le chien ? Celle-ci aborde en effet les travaux théoriques de ce philosophe américain qui a identifié ainsi sept films (de New York-Miami de Frank Capra – 1934 à Madame porte la culotte de George Cukor – 1949) qui ont tenté (avec succès) de redéfinir la narration de la comédie romanesque au détour d’une question essentielle : que se passe-t-il une fois que l’on a dit « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».

Cette sacrée vérité - Photo d'exploitation

De quoi revoir le film avec encore plus de plaisir à l’aune de ce que l’on y apprend même si la demi-heure passée à l’écouter est certes plutôt agréable mais manque de ligne directrice. La faute sans doute à un montage un peu trop libre et des sujets qui sont finalement abordés sans véritable logique. On lui préfèrera au demeurant son intervention sur Leo McCarey qui en une vingtaine de minutes bénéficie d’un corpus bien mieux maîtrisé avec des focus sur l’art de la mise en scène du bonhomme où son sens aigu du rythme au sein, par exemple, des gags « slowburn » (une façon de dilater le temps pour encore mieux faire exploser le comique de la situation) a fait la renommée du cinéaste. Elle en profite aussi pour rappeler que Cette sacrée vérité est le premier film où McCarey obtiendra l’Oscar du meilleur réalisateur (le second sera pour La Route semée d’étoiles en 1945 qui obtiendra aussi l’Oscar du meilleur film). Elle donne aussi cette info connue mais essentielle pour qui veut comprendre l’éternel insatisfait qu’était McCarey lui qui estimera avoir reçu la statuette pour le mauvais film. Il faisait ainsi référence à Place aux jeunes, autre sommet de son œuvre sur la séparation d’un couple du troisième âge obligé d’habiter chacun chez leurs enfants du fait de la crise économique tourné la même année.

On notera la belle coquille sur le titre du film en VO

Et pour ceux qui n’ont pas hésité à nous lire jusqu’ici, on terminera sur l’aspect technique de ce Blu-ray qui ne nous a pas convaincu plus que cela. On s’explique. On commence par le master qui n’est pas sans défaut. Quelques poils / cheveux viennent ainsi égayer le bas du cadre. Pas de quoi se retourner sur son canapé d’autant qu’il s’agit là du même master restauré 4K effectué par Sony et utilisé par Criterion en 2018. Voici au demeurant la reproduction complète en cette occurrence que l’on trouve au sein du livret Criterion : « This new digital restoration was undertaken by Sony Pictures Entertainment from a transfer created in 4K resolution on an Oxberry wet-gate film scanner at Cineric in New York. Because the 35mm original camera negative of The Awful Truth is lost, a 1943 nitrate duplicate negative was used for the majority of the restoration, along with a nitrate print held by the UCLA Film & Television Archive. A nitrate fine-grain was used for a handful of frames that were either missing or irreparably damaged in the two primary sources. Additional cleanup was done by Prasad Group in Chennai, India. » Ce qui en gros veut dire que le négatif original étant définitivement perdu, la restauration via un scan 4K a été effectuée depuis une copie nitrate datant de 1943.

Toutefois Criterion a certainement procédé à des correctifs numériques subséquents car chez eux point de poils ou de cheveux en bord cadre. Wild Side a quant à lui pris le master Sony tel quel. Mais ce qui nous chagrine en fait le plus est le cadre 1.33 adopté ici alors que Criterion optait pour un 1.37 certainement plus respectueux du format originel. Les quelques captures comparatives ci-dessus devraient vous en convaincre avec cette impression d’avoir des personnages plus minces en 1.33 qu’en 1.37 (sensation diffuse mais tenace). Et puis que dire sur l’aspect grain qui a tendance chez WS soit à être passé à la moulinette du lissage vidéo soit de ressembler par moment à du bruit vidéo (sic !). Chez Criterion il est présent d’une manière fine et ciselée donnant à l’image cette très belle définition d’ensemble. Ce qui n’arrange pas les contrastes bien plus prononcés chez Criterion d’autant que chez Wild Side on a l’impression que l’on a voulu encore plus les atténuer en augmentant la luminosité ce qui au passage accentue cette gestion plus qu’aléatoire du grain. Il va donc sans dire que notre préférence va vers l’mage Criterion qui, comme on le sait, ne propose malheureusement pas de sous-titres français. On précisera au-demeurant que Wild Side met à disposition un doublage datant de 2006 (précisé en avant film) ce qui est une information plus qu’appréciable. La VF d’origine étant sans doute introuvable ou impossible à exploiter (problèmes juridiques ?).

Cette sacrée vérité - Extrait livretLivret – Pages 1 & 2

On ne pourra terminer ce petit tour d’horizon sans mentionner le livret signé Frédéric Albert Lévy (FAL pour les intimes et/ou les aficionados du magazine Starfix) que l’on a connu lui aussi plus en forme. Certes son style dissonant et « primesautier » fait toujours autant plaisir à lire, mais le tout est pour le moins léger. C’est que l’on ne sent pas le critique / journaliste / historien du cinéma très en phase avec le cinéma de Leo McCarey. Pour autant, l’éditeur a eu la bonne idée de proposer en annexe un portrait du cinéaste par le co-scénariste du film Sidney Buchman. Il s’agit en fait d’un passage de Amis américains, le pantagruélique livre de Bertrand Tavernier édité chez Acte Sud. Deux pages passionnantes (sur les 16) qui font au final tout le sel de ce livret.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.33:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais et Français (doublage 2006) DTS HD-MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 1h30min 52s
  • 1 BD-50
  • Livret inédit « Je te quitte… Moi non plus » rédigé par Frédéric Albert Lévy (50 pages)

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Leo McCarey ou le timing parfait par Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma (2022 – 22min 18s – HD)
  • Qui gardera le chien ? : analyse du film par Charlotte Garson (2022 – 32min 41s – HD)

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