Association criminelle - Image une test Blu-ray

Association criminelle (The Big Combo) en Blu-ray chez Elephant Films

Dans son dorénavant légendaire bouquin dédié au film noir, ce genre qui a façonné avec quelques autres le fameux âge d’or hollywoodien, Patrick Brion prend la peine de consacrer deux pages à Association criminelle. La première édition datant de 1991, c’est peu de dire que cette série B signée Joseph H. Lewis dont la renommée est restée cantonnée au sein des cercles cinéphiles les plus endurcis, n’a donc pas attendu cette édition Blu-ray pour s’imposer comme un incontournable du genre. Réalisé en 1955, on peut même affirmer qu’il s’inscrit dans une sorte de fin de règne puisque toujours dans son livre, Brion considère qu’après 1960 plus rien ne sera produit / réalisé / écrit qui vaille la peine d’y figurer. Et il est vrai qu’à sa façon Association criminelle pousse le curseur assez loin dans sa façon de représenter les bas-fonds d’une ville hantée par des flics non pas véreux mais obsessionnels, un caïd d’une rare perversité et des donzelles sous emprise. Un trio « magique » rappelant (au hasard) L.A. Confidential réalisé en 1997 par Curtis Hanson qui n’aurait donc pas dépareillé dans une version actualisée du livre de Brion.

Association criminelle - Combo Blu-ray + DVD

Éditeur :Elephant Films
Sortie :11 juillet 2023  

Au cinéma le : 6 janvier 1956

Résumé : Le lieutenant Leonard Diamond fait tout pour mettre sous les verrous Mister Brown, gangster aussi charmant que dangereux, demeurant intouchable. Mais la relation que le policier noue avec Suzanne Lowell, maitresse officielle du parrain, lui offre une piste intéressante pour mettre fin à son règne…

Association spéciale - Affiche France

Association criminelle raconte une enquête au long cours débutée bien avant que le film ne commence mais qui piétine. Elle est menée par le lieutenant de police Leonard Diamond (Cornel Wilde) et elle doit permettre de coincer le gangster connu sous le blaze de « Mister Brown » (Richard Conte). Mais avec le temps, le lieutenant en fait une affaire personnelle n’hésitant pas à braver sa hiérarchie, prendre des chemins de traverse et même de tomber sous le charme de la poulette n°1 (Jean Wallace) dudit gangster démontrant peut-être là une forme de fascination par ricochet à son encontre. Cette volonté de jouer avec les frontières du bien et du mal n’étaient certes pas nouvelle même à l’époque, mais son traitement plutôt frontal pour ne pas dire brutal, lui oui. Et à l’écran cela passe par des séquences d’anthologie où la cruauté et la perversité des actes répondent à la caractérisation du bestiaire qui compose le film. Sans prétendre à l’exhaustivité, prenons ce passage où notre policier est au supplice durant une séance de torture… auditive, ou une autre quand un des malfrats de la bande de « Mister Brown » se fait éliminer après un moment de supplice psychologique usant là aussi de la bande son avec beaucoup d’ingéniosité. Du côté de l’image, la séquence finale où une unique source lumineuse tente de fendre le brouillard ambiant à la recherche de sa proie finit par convaincre que l’on est devant un immense film où les recherches esthétiques sont au service des nombreuses prises de risque scénaristiques à une époque où le code de censure Hays est toujours en vigueur.

Association spéciale (The Big Combo) - Affiche US

Une autre scène illustre ce constat quand Jean Wallace, la maîtresse de notre gangster, n’arrive pas à se défaire de son emprise entièrement axée sur le sexe. La caméra cadre le couple de face. Elle essaye de se débattre, lui est derrière elle et lui empoigne le visage pour l’embrasser. Quand son visage revient dans l’axe, lui continue de l’embrasser en se baissant progressivement pour finalement disparaître. La caméra ne cadrant alors plus que Jean Wallace dont le plaisir sexuel est de plus en plus évident. Incroyable qu’une telle scène ne soit pas passée par les fourches caudines d’une censure sur la chose alors impitoyable à Hollywood. D’après Eddy Moine (journaliste, cinéphile indécrottable et fils d’Eddy Mitchell) qui présente le film dans les bonus, il semblerait que le scénariste / producteur Philip Yordan ait plaidé auprès de la commission ad hoc qui souhaitaient bien sa disparition, en avançant qu’ils avaient l’esprit bien mal placé pour croire que la scène exprimait cela en sous-texte. De quoi en effet renvoyer la balle dans le camp de l’accusation pris sur le fait d’avoir un esprit graveleux.

Association criminelle (The Big Combo) - Capture Blu-ray Elephant Film

Au-delà de son côté plus que contrebandier pour ne pas dire « on the verge », Association criminelle propose une réalisation racée s’appuyant sur une photo proche de l’expressionnisme signée John Alton. Oscarisé pour Un Américain à Paris (1951) de Vincente Minnelli, il aimait affirmer, toujours selon Eddy Moine, qu’il préférait travailler sur les séries B car il avait plus de libertés pour expérimenter ses lumières faites comme ici de recherches audacieuses sur les ombres portées ou de n’utiliser qu’une unique source lumineuse au sein de certains plans. Et du fait de budgets serrés certains décors sont ainsi suggérés donnant à la réalisation cette volonté de faire dans l’épure et le minimaliste quand la tendance à l’époque était plutôt dans la recherche effrénée des détails. Le contrepoint du côté de la bande son n’est pas en reste. On a mentionné plus haut une scène de torture auditive qui ne fait que magnifier un travail d’orfèvre en la matière. De mémoire, on n’a jamais vu un film de cette époque s’appuyer avec autant d’intelligence sur cet aspect pour faire avancer son intrigue.

Vous avez dit source lumineuse unique ?

Sur ces deux versants techniques on peut d’ailleurs dire que le Blu-ray s’en sort avec les honneurs. Si l’on ne connait pas les origines exactes du master, disons qu’il enterre celui utilisé en son temps par Wild Side pour son édition DVD (collection Les Introuvables). Il permet surtout de voir le film dans son format presque d’origine (1.37 en DVD contre 1.78 ici contre 1.85 lors de son exploitation cinématographique). Il semble être le même que celui utilisé par Arrow au Royaume-Uni pour son Blu-ray édité en 2017 au sein du coffret intitulé « Four Film Noir Classics » (voir notre comparatif ci-dessous). On précisera aussi que l’éditeur français ne propose qu’une VO en DTS HD-MA 2.0 mono qui retranscrit avec beaucoup de finesse cette piste sonore si riche et inventive. Le film n’ayant été exploité que 2 semaines sur Paris (toujours selon Eddy Moine) sans précision d’éventuelles diffusions en province, on peut penser que la VF n’a peut-être jamais existé.

Du côté des bonus on a déjà mentionné la présentation d’Eddy Moine qui revient donc sur les faits saillants de la production du film. On apprend ainsi que si le choix s’est porté sur le réalisateur Joseph H. Lewis c’est pour sa réputation de travailler vite et bien. Spécialiste de la série B., il n’était en effet pas un inconnu et avait surtout signé en 1950 Gun Crazy, un autre film entré immédiatement dans le panthéon du film noir que Wild Side avait sorti en 2013 au sein d’un magnifique coffret Blu-ray toujours disponible à un prix plus qu’abordable. Eddy Moine revient aussi sur la réputation plus que sulfureuse de Philip Yordan dont on sait aujourd’hui qu’il s’est souvent attribué les scénarii que d’autres avaient écrit pour lui avec à la clé des rémunérations très en deçà des standards de l’époque. Le plus gros des troupes venant des scénaristes blacklistés qui mis à la porte d’Hollywood avaient besoin de travailler pour ne serait-ce que vivre et pour ce faire acceptaient des contrats à bas prix et la non reconnaissance de leur travail.

Association criminelle (The Big Combo) - Philip Yordan - Capture Blu-ray bonusPhilip Yordan

Ce qui n’est finalement pas le cas pour Association criminelle. Il semble en effet avéré aujourd’hui que Philip Yordan est bien l’auteur du script qu’il a d’ailleurs produit avec les acteurs mariés à la ville et têtes de gondole du film que sont Jean Wallace et Cornel Wilde dont c’était ici la première incursion dans le domaine avec leur société Theodora Productions. Eddy Moine nous révèle aussi que le gangster devait être initialement joué par Jack Palance qui voulant se prendre une semaine de vacances et imposer son épouse, a finalement été débarqué du film. Beau joueur il susurre tout de même le nom de Richard Conte pour le remplacer. Et franchement on ne perd pas au change. À noter que son nom de scène, Mr Brown, est celui du personnage joué par Tarantino dans Reservoir Dogs pour qui Association criminelle est son film noir de chevet. Bref si Eddy Moine nous régale, on n’aurait pas craché toutefois sur la possibilité d’avoir en plus le commentaire audio signé du grand Eddie Muller (spécialiste outre-Atlantique du film noir) entendu chez Arrow. Eddy Moine a du forcément s’en inspirer pour faire sa présentation tant Muller balance une quantité affolante d’infos sur la production du film.

Association criminelle (The Big Combo) - Joseph H. Lewis - Capture Blu-ray bonus Glenn Ford et Joseph H. Lewis (assis) sur le tournage du Maître du gang, Le (The Undercover Man – 1949)

On se consolera (ou pas d’ailleurs) avec 4 bandes annonces dont celle de Faux monnayeurs que réalisait Jack Arnold en 1956 qui, s’il ne figure pas dans le bouquin de Brion, est aussi une série B certes moins aboutie qu’Association criminelle mais qui mérite plus le coup d’œil. Cela tombe bien il est aussi sorti en Blu-ray chez Elephant Films à la même date qu’Association criminelle.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.78:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais DTS HD-MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français et Anglais (blancs ou jaunes)
  • Durée : 1h27min 29s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Présentation du film par Eddy Moine (2023 – 14min 37s – HD)
  • Bandes-annonces de films noirs dans la même collection :

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *