Image une chronique coffret René Clair l'enchanteur

René Clair l’enchanteur en Blu-ray – Coffret 4 films chez Tamasa

L’arrivée de ce coffret DVD/Blu-ray réunissant les quatre premiers films parlants de René Clair prolonge en fait leur ressortie en décembre 2022 dans les salles de cinéma en copie restaurée 4K. Dans les deux cas, c’est la société Tamasa qui est à la manœuvre alors que le travail de restauration a été initié et diligenté par l’ayant droit TF1 Studio. Il va sans dire que les proposer en Blu-ray 4K UHD n’aurait pas été incongru. Mais le marché du DVD étant encore plus que leader sur le versant films de patrimoine associé aux surcoûts non négligeables de proposer aujourd’hui des galettes 4K (surtout au regard des potentiels acquéreurs plus portés sur des films moins vintages à même de challenger leurs installations Audio / Vidéo) ont certainement fait pencher la balance pour ce type de combo. Pour autant, les Blu-ray proposés ici rendent justice au travail de restauration et permettent de (re)découvrir avec un plaisir indéfectible ces témoignages d’un cinéma libre, gouailleur et quelque peu parisien annonçant déjà ce réalisme poétique qui sera l’ADN du cinéma français d’avant-guerre tout en préparant le terrain à des cinéastes tels que Duvivier ou Carné. S’y (re)plonger est tout simplement un véritable bain de jouvence. Revue de détails.

René Clair l'enchanteur - Coffret 4 films : Sous les toits de Paris + Le Million + À nous la liberté + Quatorze Juillet

Éditeur :Tamasa Diffusion
Sortie le :24 octobre 2023  
Catégorie :Coffret

Sous les toits de Paris (1930)

Sous les toits de Paris - Affiche

René Clair n’est pas un cinéaste débutant à l’orée des années 30. Il a déjà une quasi décennie de cinéma à son actif avec des films passés depuis à la postérité que sont Un chapeau de paille d’Italie (1928) ou encore Les Deux timides (1929) que Tamasa a d’ailleurs aussi ressortie en salles en décembre sans toutefois le proposer au sein de ce coffret. Pour autant, le voici contraint de se plier à l’arrivée du parlant qu’il assimile à une forme de diktat imposé par des spectateurs prêts à aller voir n’importe quoi du moment que cela cause. Une technologie qu’il assimile aussi à un retour en arrière au regard des nouvelles normes de captation où le moindre mouvement devient un supplice donnant à voir selon René Clair non plus des films de cinéma mais du théâtre filmé avec pour appuyer son propos l’exemple majuscule (car énorme succès) de Marius (d’après la pièce de Marcel Pagnol) que réalise en 1931 Alexander Korda. Si cette prise de position peut faire sourire aujourd’hui, il n’en demeure pas moins qu’elle donna des idées au cinéaste dans sa façon d’aborder cette effervescence populaire qu’il pensait alors n’être qu’une mode passagère.

René Clair met d’abord en place une histoire proche de l’argument qui va lui donner les coudées franches tant dans sa mise en scène que dans ce qu’il a en tête niveau accompagnement sonore. Ainsi, les dialogues sont réduits à leur strict minimum tout en respectant déjà des conventions qui deviendront par la suite la norme comme celle de ne pas entendre les acteurs parler puisque le plan est filmé depuis la rue et qu’eux sont au comptoir d’un café. René Clair joue ainsi avec le spectateur qui reconnaît bien là les us et coutumes du cinéma muet mais avec une bande son saturée par les bruits de la rue. Et d’ailleurs, si le film n’est jamais muet c’est que la musique y est omniprésente sans que pour autant Sous les toits de Paris s’apparente à un film musical. Mais c’est une musique diégétique qui fait donc partie intégrante de l’action. La première séquence est à ce titre emblématique de la suite, sinon des trois autres films qui suivront et présents au sein de ce coffret.

Sous les toits de Paris - Capture Blu-rayImage cliquable issue du Blu-ray

La caméra survole des toits parisiens puis progressivement descend pour découvrir un attroupement dans une petite impasse où se produit un chanteur de rues qui interprète Sous les toits de Paris, un air populaire qu’accompagne un accordéoniste aveugle. La musique justement on l’entend à peine au début pour finir par envahir toute la bande son. René Clair montre bien ici qu’il ne veut pas se soumettre à la pesanteur d’une mise en scène conditionnée par tout ce qu’implique sur un plateau la captation sonore. Son film il le veut aérien. Il le veut dans la continuité d’un cinéma qu’il connaît et qu’il aime. Un cinéma absolument pas naturaliste ou documentariste puisque très vite la dramaturgie prend le relai. L’attroupement donne en effet la possibilité à un pickpocket d’effectuer ses basses besognes alors que le chanteur s’en aperçoit et tente d’alerter une potentielle et jolie victime sans que pour autant il arrête de chanter. Intervient dès lors à la fois une gestuelle et des pantomimes codifiées depuis l’époque du muet alors que dans le même temps la bande son se focalise sur les vocalises du chanteur. Bref René Clair avait déjà tout compris en imposant dès les premiers plans un équilibre visuel et sonore donnant à l’intrigue pourtant assez mince une épaisseur déjà incroyable.

Le Blu-ray rend compte de ce travail d’orfèvre même si le master proposé souffre de pas mal de scories telles que rayures persistantes voire même des balafres noires sur quelques photogrammes et enfin des taches en tous genres. Le carton d’introduction détaillant la restauration énonce que celle-ci a été effectuée depuis le négatif nitrate sans préciser si cela concerne tout ou partie du film. On sait en effet que ces négatifs hautement inflammables avaient aussi une durée de vie beaucoup plus courte que les pellicules en acétate de cellulose devenues la norme à partir de 1951. D’autant plus que le carton parle aussi d’un « marron safety » soit une copie de 3ème génération forcément moins fidèle au matériau d’origine. On peut donc avoir des sautes de définition d’une séquence à une autre et ainsi des passages qui peuvent présenter des défauts quand d’autres sont juste parfaits. Ceci étant dit, le laboratoire Hiventy en charge de la restauration s’est employé à équilibrer l’ensemble du mieux que possible en proposant un joli grain et un étalonnage qui force le respect avec des contrastes élevés mais sans forcer. On a ainsi des noirs qui ne viennent pas se confondre avec les arrière-plans alors que les blancs ne vous explosent pas la rétine. La partie son fait montre aussi d’un excellent équilibre entre la musique, les ambiances et les dialogues jamais nasillards et toujours parfaitement compréhensibles.

Sous les toits de Paris - Capture Blu-rayExemple d’une image issue d’un passage marqué par le temps impossible à restaurer en l’état (capture cliquable issue du Blu-ray)

Côté bonus, l’éditeur se contente ici de deux documents d’époque : un prologue qui semble en effet intervenir avant le début du film que l’on connait et qui est présenté en tant que « scène coupée ». On n’en saura pas plus. Une bande annonce qui en fait est plus un montage de quelques séquences montrées dans leur continuité. Elle dure plus de 5 minutes et on vous conseille de la visionner jusqu’à son terme car in fine s’y résume bien les intentions voulues et recherchées par René Clair. Dernière chose. Quand le menu annonce prologue on tombe sur le film annonce et vice versa. Une erreur d’authoring sans conséquence.

Le Million (1931)

Le Million - Affiche

À sa sortie, Sous les toits de Paris ne rencontre pas son public dans les cinémas parisiens alors qu’il recevra par la suite un accueil enthousiaste aux États-Unis et surtout en Allemagne où les spectateurs berlinois lui font un triomphe. C’est que le film ne disposant que de peu de dialogues et dont le message universel n’a pas besoin de doublages ni même de sous-titres, va enthousiasmer des publics qui ont déjà derrière eux plusieurs années de films parlants. En fait pour la majeure partie des cas, des films hâtivement mis en boîte caractérisés par des histoires à peine développées, des plages musicales plaquées à la va vite afin de pallier l’absence de passages dialogués plus couteux à produire. On remet même au goût du jour des films muets en y adjoignant une bande son artificielle ou totalement décalée… Le son n’est en effet au début qu’un faire-valoir et/ou un vulgaire argument commercial pour attirer le gogo dans les cinémas. Un dispositif dont le public va vite se lasser et pour qui l’arrivée de Sous les toits de Paris est un véritable enchantement et enfin la preuve que le cinéma parlant peut accoucher d’œuvres qui « parlent » au plus grand nombre sans le prendre pour des saucisses. Le spectateur français était quant à lui encore dans la phase découverte de la chose et n’a donc pas vu en Sous les toits de Paris un film qui aurait pu assouvir leur envie de découvrir des « talkies ». C’est qu’en France la technologie était encore balbutiante et les brevets onéreux alors que dans le même temps René Clair, ainsi que la plupart des réalisateurs déjà en place (à l’exception notoire de Pagnol et de Guitry), ne voyaient de toute façon pas cela d’un très bon œil. C’est ce hiatus qui semble avoir détourné le spectateur français du film mais cela n’empêche pas la société pas encore nazifiée Tobis Films sonores qui a installée des bureaux à Paris et qui a pour rappel produit Sous les toits de Paris, d’être aux anges. Elle signe dans la foulée un contrat avec René Clair pour lui donner les coudées franches et la possibilité d’enchainer rapidement d’autres réalisations en espérant que ce galop d’essai se transforme en succès pérenne.

Ce qui va donner deux films réalisés quasiment dans la foulée qui sortiront le 15 avril 1931 pour Le Million et le 28 décembre pour À nous la liberté. Le Million pousse encore plus loin le principe d’une histoire alibi. Michel (René Lefèvre) est un artiste bohème sans le sou qui doit de l’argent à tous les commerçants du quartier. Mais voilà qu’il apprend avoir gagné à la loterie. Seul problème, le billet était dans son veston tout miteux que sa fiancée Béatrice (Annabella) a donné à un SDF un peu filou sur les bords. Les voici donc en quête du veston donnant lieu à des rencontres formant une galerie de personnages attachants et pittoresques. On précisera que Le Million est porté par des plages musicales qui ont longtemps façonnées la particularité de la comédie musicale à la française. Quelque chose d’assez atypique et éloignée de celles produites alors à Hollywood et dont Jacques Demy perpétuera plus tard l’héritage avec Les Parapluies de Cherbourg (1964) ou ses Demoiselles de Rochefort (1967). Le Million est quant à lui porté aux nues tant dans la presse française qu’étrangère installant définitivement René Clair comme l’un des réalisateurs phares de le décennie. Aujourd’hui si certains passages du film peuvent paraître désuets, il n’en demeure pas moins indéniable qu’il s’en dégage une énergie et une joie de vivre toujours aussi communicative. La mise en scène altière et en apparence primesautière de René Clair y est pour beaucoup. On y rajoutera les décors signés Lazare Meerson (collaborateur pour les 4 films de ce coffret) qui annoncent ceux de l’immense Alexandre Trauner. Que cela soit ici ou lors des trois autres films, ils impriment une sensation de réalisme onirique que la caméra de René Clair dévoile à grands renforts de travellings horizontaux ou verticaux majestueux.

Le Million - Capture Blu-rayComment déclarer sa flamme sans prononcer un mot ?

Le livret proposé au sein de ce coffret rend compte de son travail en reproduisant quelques dessins et croquis préparatoires sur un texte de Noël Herpe dont nous reproduisons ici une phrase ou deux qui nous semblent bien résumer son apport et la trace indélébile qu’il aura laissé dans le cinéma français : « Le Cinéma allemand des années 20, (…), aura mis à la mode un certain gigantisme, qui décline à un degré démesuré les angoisses d’entre les deux guerres. (…) Juif polonais qui a fait ses classes dans les studios berlinois, Lazare Meerson connait mieux que personne ce cinéma-là. Il en exporte, en France, les grandes tendances (…). » Son association avec René Clair fait donc des étincelles et « (…) Le Million aura dessiné l’art poétique de leur travail en commun (…) dont se souviendra toute l’école française (…) et auquel son disciple Alexandre Trauner rendra hommage (…). »

Noël Herpe que l’on retrouve face caméra dans l’un des deux bonus réalisés à l’occasion de la sortie de ce coffret. Auteur de nombreux écrits sur le cinéaste, il revient en un peu plus de 40 minutes sur les 4 premiers films parlants de René Clair en les contextualisant mais sans s’empêcher d’y apporter un ressenti plus analytique vraiment bienvenu. De fait, la plupart des informations purement factuelles autour de ces quatre films que vous pourrez lire ici proviennent de ce que nous énonce Noël Herpe. À propos du Million, il nous fait remarquer fort justement cette très belle séquence de l’opéra où nos deux tourtereaux dans leur quête effrénée du veston se retrouvent accidentellement sur scène cachées derrière un élément de décor alors qu’un duo de chanteurs lyriques nous assènent leur grande scène d’amour. La caméra de René Clair se concentre alors sur nos deux héros tout en laissant planer au niveau de la bande son le lyrisme enfiévré de la pièce qui résume finalement parfaitement les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Une sublime façon encore une fois de contourner le simple passage dialogué par une séquence empruntant ses codes au cinéma muet.

Cerise sur le gâteau, les propos de Noël Herpe sont illustrés par des archives télés finement choisies qui donnaient la parole à René Clair à une époque (les années 60 et 70) où celui-ci était conspué pour ne pas dire relégué dans les oubliettes du cinéma par les jeunes loups de la Nouvelle vague (vidéo ci-dessus). L’autre complément de cette édition est la bande annonce d’époque dite restaurée mais qui a particulièrement subi les affres du temps (images et son caviardés). Elle permet toutefois et une nouvelle fois de constater avec quelle malice René Clair appréhendait l’arrivée du parlant. Un mot enfin sur la restauration 4K annoncée avoir été effectuée depuis le négatif image nitrate, un marron nitrate (soit le premier élément intermédiaire obtenu à partir d’un négatif) et un négatif son safety. Et bien c’est plutôt plus que convaincant avec des sources qui ont permis un travail de restauration bien plus fin que pour Sous les toits de Paris. De fait ici ce qui saute aux yeux est l’absence de taches et autres griffures. Pour autant, la définition n’est pas homogène et les contrastes sont fluctuants du fait justement des sources qui vont du négatif à l’internégatif. Mais franchement cela n’altère en rien l’impression générale de très belle redécouverte d’autant que la partie son contribue généreusement en ce sens (très bel équilibre général avec une centralisation des voix généreuse et précise).

À nous la liberté (1931)

A nous la liberté - Affiche

René Clair enchaine donc la même année avec À nous la liberté qui ne s’inscrit aucunement dans le prolongement des deux autres films sinon encore une fois dans sa propension à user de la bande son avec une nonchalance et une parcimonie méticuleusement étudiée. Non, ici on a droit à une histoire ou plutôt une trame bien plus riche et surtout chargée d’un message à peine critique quant à la société d’alors (et d’aujourd’hui). Deux prisonniers projettent de s’évader mais quand il s’agit de mettre leur plan à exécution, l’un réussit pendant que l’autre, rattrapé in extremis, lui facilite son évasion. Quelques années plus tard le voici à la tête de la plus grande usine de phonographe du pays. Alors qu’il tutoie le sommet de la pyramide sociale, son ancien compagnon de cellule qui vient de se faire engager comme ouvrier dans son usine, le reconnaît. Les retrouvailles feront par la suite tout le sel d’un film marqué encore plus que précédemment par un style visuel marquant bien aidé par les décors de Lazare Meerson. On a ainsi en tête les premières scènes de la prison mettant en scène les détenus installés de part et d’autre d’une table s’étalant jusqu’au fin fond de l’image via une profondeur de champ tout simplement vertigineuse. René Clair précisant d’ailleurs lors d’une de ses interventions remontées au sein du bonus avec Noël Herpe au sein du disque consacré au film Le Million qu’il avait engagé des hommes de petite taille placés en toute fin de tablée afin d’accentuer encore l’effet de profondeur aux lignes de fuite si marquées.

Un décorum au service d’une idée. Celle de montrer ces hommes en train de travailler à la chaîne selon le principe alors novateur du taylorisme. Chacun ayant pour mission de remplir une tâche bien spécifique et répétitive pour au final donner naissance à un jouet (un cheval de bois). René Clair ne pousse pas le cynisme en précisant si ceux-ci seront ensuite vendus ou gracieusement offerts à des œuvres caritatives. Mais on a notre petite idée d’autant qu’il va réutiliser cette mise en place pour montrer plus tard l’intérieur de l’usine. Les ouvriers qui travaillent à la chaine, chacun assemblant une pièce du futur phonographe, sont disposés de la même façon et pour une même finalité que dans la prison du début. L’allégorie est somme toute claire. Le travail ainsi mis en scène n’est qu’une forme d’asservissement de l’homme au service d’un capitalisme effréné et de quelques nantis. À nous la liberté prolonge ainsi Metropolis (1927) de Fritz Lang et annonce Les Temps modernes (1936) de Chaplin. À tel point d’ailleurs que Tobis Films intenta un procès à Chaplin pour plagiat. René Clair n’a pour l’anecdote jamais cautionné cette action considérant que si Chaplin (qui a bien entendu vu À nous la liberté) s’est inspiré de son film, il n’en pouvait être qu’honoré.

La prison Vs L’usine

D’autant que le compagnon de cellule joué par Henri Marchand qui s’est sacrifié pour que son pote recouvre la liberté nous fait furieusement penser au personnage de vagabond de Charlot dans sa propension à prendre les jours comme ils viennent, à tomber amoureux et à ne pas arriver à s’insérer dans cette société des hommes dominée par la cupidité, la filouterie et l’envie. René Clair reprend sinon les recettes maintenant éprouvées sur le son en reléguant les dialogues à leur plus simple utilité pour n’utiliser véritablement l’apport sonore lors de passages chantés certes aujourd’hui un peu datés mais qui résonnent avec pertinence au sein du message asséné par René Clair. On pense ainsi à la séquence finale au burlesque toujours aussi tendre et grisant qui va permettre à nos deux amis de retrouver leur (véritable) liberté.

On a certainement droit ici au plus beau rendu image de ce coffret. Et pour cause, la restauration 4K s’est faite à partir du seul négatif nitrate. Un élément d’origine unique certainement bien préservé qui nous donne un master numérique de toute beauté aux contrastes idylliques et à la définition uniforme où le grain généreux lui donne un surplus de vie plus qu’appréciable. Bref de la plus que bel ouvrage que la partie son vient magnifier avec là encore une très belle subtilité dans l’équilibre voix, ambiances et parties musicales.

Quatorze juillet (1932)

14 juillet - Affiche

Quatorze juillet marque un retour chez René Clair au cinéma exploré avec Sous les toits de Paris. Nous avons droit à nouveau à une histoire minimaliste basée sur un jeu de séduction entre un taxi et une fleuriste mis en scène dans les faubourgs populaires de Paris. Là encore les décors de Lazare Meerson imaginés et construits dans les studios Tobis d’Epinay font merveilles, là encore la parole est réduite à sa fonction la plus épurée (à la différence d’un Guitry ou d’un Pagnol pour qui les dialogues étaient au centre de leurs films) pour laisser la bande son s’émanciper au grès de morceaux musicaux venant renforcer ce Paris gouailleur qui n’existait déjà plus. Quatorze juillet garde encore aujourd’hui à nos yeux toute sa singularité et son réalisme poétique annonçant les années « Front Populaire » formalisées par Carné, Duvivier, Renoir ou encore Grémillon (qui a été l’assistant réal de René Clair) à partir de la deuxième moitié de cette décennie. On pense aussi à Jacques Tati qui après la guerre poussera le bouchon encore plus loin avec son personnage de Monsieur Hulot ou son facteur dans Jour de fête (1949) dont on ne percevra jamais un dialogue intelligible mais dont les borborygmes, la démarche et les gags essentiellement visuels doivent certes beaucoup à Chaplin mais aussi aux techniques expérimentées par René Clair. Pour autant Quatorze juillet a été un échec critique et public à tel point que René Clair ne voudra jamais en parler alors qu’il est certainement son film le plus « pur », le plus tendre et le plus abouti de cette période.

Quatorze juillet - Capture Blu-ray Le cercle rouge indique un passage « pellicule grattée » impossible à restaurer selon Céline Charrenton

On ne pourra terminer ce tour d’horizon sans signaler la présence du second bonus vidéo produit pour ce coffret. Il revient sur le travail de restauration apparemment ultra compliqué entrepris sur Quatorze juillet. Céline Charrenton est responsable Restauration & Opérations Spéciales chez TF1 Studio, l’ayant droit des 4 films de René Clair proposés ici. Son discours est à la fois clair, méthodique et finalement passionnant puisqu’elle revient sur toutes les étapes qui furent nécessaires à la restauration du film. Depuis la recherche des éléments sources dont la tâche ne fut pas aisée (ne subsiste du négatif original nitrate qu’une seule bobine correctement préservée soit quelques minutes du film qu’il a fallu compléter avec des contretype safety, marron et autre internégatif…) jusqu’au retour film rendu possible grâce à l’aide du CNC – soit la possibilité de renvoyer le film restauré sur pellicule – en passant par les corrections à la palette graphique, la numérisation 4K etc etc.

Devant notre écran cela donne une image certes entachée de scories visibles mais jamais rédhibitoires. Le laboratoire Hiventy s’est en effet ingénié à uniformiser la numérisation vers le haut. En clair le grain apparent permet une définition de bon aloi où l’équilibre des contrastes permet de ne pas « coller les noirs ni faire exploser les blancs » comme le dit si bien Céline Charrenton. Au passage elle nous fait remarquer quelques points sur l’image qui sont présents quasi en continue lors du dernier tiers du film. Des points impossibles à éradiquer (on apprend le terme de « pellicule grattée ») car trop longtemps présents ou alors il aurait fallu dégager un budget bien trop conséquent sans que pour autant on soit assuré d’un résultat optimal.

En conclusion

Voici un coffret réunissant les quatre premiers films parlants de René Clair. Ils permettront à ceux qui ne voit en lui qu’un plumitif du cinéma dit de papa des années d’après-guerre définitivement concassé par les jeunes turcs des Cahiers du cinéma, de (re)découvrir un cinéaste inventif, ingénieux, aérien, libre et doté d’une intelligence de cinéma unique. Quatre films portés par des restaurations 4K d’excellente tenue et des compléments (+ un livret) informatifs sinon passionnants.

Sous les toits de Paris - Jaquette Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray Sous les toits de Paris :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DD 2.0 mono & Audiodescription
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h32min 48s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Quelques scènes du film faisant office de film-annonce (1930 – version restaurée – 5min 07s – HD)
  • Prologue (3min 24s – HD)
  • Film annonce René Clair, l’enchanteur (1min 35s – HD)

Le Million - Jaquette Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray Le Million :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français LPCM 2.0 mono & Audiodescription
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h22min 26s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Film-annonce 1931 (Version restaurée – 5min 16s – HD)
  • L’art sonore de la comédie par Noël Herpe (46min 32s – HD – 2021)
  • Film annonce René Clair, l’enchanteur (1min 35s – HD)

A nous la liberté - Jaquette Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray A nous la liberté :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DD 2.0 mono & Audiodescription
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h24min 15s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Prologue (6min 21s – HD)
  • Scènes coupées (4min 42s – HD)
  • Film annonce René Clair, l’enchanteur (1min 35s – HD)

Quatorze juillet - Jaquette Blu-ray

Spécifications techniques Blu-ray Quatorze juillet :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DD 2.0 mono & Audiodescription
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h32min 26s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Une restauration complexe par Céline Charrenton (2022 – 21min 08s – HD)
  • Film annonce 1933 restauré (5min 37s – HD)
  • Film annonce René Clair, l’enchanteur (1min 35s – HD)

2 réflexions sur « René Clair l’enchanteur en Blu-ray – Coffret 4 films chez Tamasa »

  1. Il y a des erreurs dans le test sur le type de disque utilisé et le format des pistes son. Les 4 films sont sur des BD-25 et non des BD-50, et Sous les toits de Paris, A nous la liberté et Quatorze juillet sont en DD 2.0, et Le million en LPCM 2.0.

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