Limbo (2021) - Image une test BD

Limbo de Soi Cheang en Blu-ray chez Kinovista

Si l’âge d’or du cinéma de Hongkong est dorénavant derrière lui, de temps à autre émerge encore un film qui rappelle à quel point il peut être inventif, radical et donc passionnant. Limbo du cinéaste Soi Cheang né à Macao est de cette race-là. Alors on ne va pas vous mentir, nous n’étions jusqu’ici pas familiers avec son travail (en gros on n’avait rien vu de lui), mais Limbo nous est arrivé en France précédé d’une telle réputation/buzz qu’il était difficile de passer à côté. Pour autant, avec 51 254 entrées au compteur, on ne peut pas dire que beaucoup de spectateurs français étaient sur la même longueur d’onde que nous lors de sa sortie au cinéma à l’été 2023. Il faut dire aussi que Limbo était disponible en téléchargement pas forcément légal depuis pas mal de temps déjà. Et même si de VF ou de STF il n’y avait pas, cela n’a pas dû rebuter les afficionados de ce cinéma de toute façon habitués à de telles sorties de route pour découvrir le plus rapidement possible l’objet de leur désir. Et de fait cela a dû siphonner une bonne partie du public cible. Qu’à cela ne tienne puisque voilà maintenant que nous arrive cette édition Blu-ray des plus recommandables qui devrait pour les adeptes du streaming leur rappeler ce qu’est une image 1080p surtout pour un film comme celui-ci et pour ceux qui l’ont raté au cinéma leur permettre une des plus belles séances de rattrapage de l’année.

  • Limbo (2021) de Soi Cheang - Édition Collector Limitée - Digipack Blu-ray + DVD + Livret - Packshot Blu-ray
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Limbo - Édition Collector Limitée - Digipack Blu-ray + DVD + Livret

Éditeur :Kinovista
Sortie le :21 novembre 2023  

Au cinéma le : 12 juillet 2023

Résumé : Dans les bas-fonds de Hong-Kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât.

Limbo - Affiche

Limbo est en effet un petit miracle visuel permanent. Et ce dès le plan d’ouverture de la ville sous une pluie de mousson où on est immédiatement saisi par la beauté formelle du cadre et l’impression déjà palpable sinon oppressante que s’y niche quelque chose de malsain. Le N&B très numérique (entendre ultra « propre » donc sans grain) aux contrastes appuyés y contribue fortement donnant au scope une envergure encore plus forte. Comme si cette ville sortait tout droit d’un esprit malade mais extrêmement lucide et où la frontière entre fantasme et réalité était à touche-touche pendant 2 heures. Cheang et son chef décorateur Kenneth Mak ne disent d’ailleurs rien d’autre au sein du petit making-of proposé en bonus. Ils y précisent en effet que si le film a bien été tourné à Hongkong, beaucoup de choses y ont été rajoutées comme la tonne d’ordures et de déchets rendant par ailleurs le tournage très compliqué pour les techniciens et les acteurs car passé midi l’odeur y était pestilentiel sans parler des rats et des mouches qui pullulaient. Ils rajoutent aussi que beaucoup de critiques hongkongais ont trouvé que Limbo représentait un Hongkong certes fantasmé mais dans laquelle ils s’y retrouvaient complètement.

Limbo - Capture Blu-ray Film

On y apprend aussi que Limbo fut pensé et tourné en couleur. Ce n’est qu’en post-prod que son réalisateur a eu le (bon) pressentiment que le film prendrait une dimension supplémentaire en désaturant tout ça jusqu’au N&B. D’où cet aspect d’image lisse sinon lissée qui permet toujours selon Soi Cheang de se concentrer sur le jeu des acteurs et de ne plus distinguer les humains des déchets. En d’autres termes d’être à la recherche d’une « harmonie » sinon d’une symbiose entre les décors et ceux qui l’animent. Une vision forte qui renvoie à une des thématiques centrales de Limbo. L’homme avilie tellement son environnement qu’il finit par s’y dissoudre et ce quelque soit son statut, ses motivations ou encore sa nature. Que l’on soit serial killer ou flic, la ville ici vous aspire dans un trou putride avec pour seul échappatoire la mort (physique ou psychique). Limbo est en fait plus un film en noir et gris accentuant de fait par cette photo le côté prison à ciel ouvert de la ville. Un peu comme si le Brazil de Terry Gilliam avait rencontré le Los Angeles de Blade Runner.

Un côté définitivement oppressant qui achève d’entrée un spectateur tentant malgré tout de rester aux aguets d’une histoire qui aura de toute façon le dernier mot. C’est d’ailleurs l’autre tour de force de Limbo que de continuellement précéder son auditoire, de le surprendre ou de le retourner comme une crêpe. Toujours au sein des suppléments on apprend que Soi Cheang a adapté un roman de Lei Mi intitulé Dents de sagesse tout en s’en éloignant pas mal. Il a par exemple choisi de ne pas le situer sur le continent chinois optant in fine pour Hongkong, cadre bien plus adéquat selon lui pour ce film à petit budget qu’il déclare plus représentatif de son cinéma alors qu’il sortait épuisé par des années de réalisations de blockbusters. En tant que néophyte de sa filmo on rajoutera que Limbo s’inscrit aux confluents d’influences fortes du cinéma mondial à commencer par Seven de Fincher dont il reprend l’atmosphère poisseuse entrecoupée de pluies diluviennes. Il y a aussi ce couple de flics, le vétéran et son supérieur, un jeunot pas toujours d’accord avec les méthodes brutales de son binôme acquises par des années d’enquête dans les bas-fonds de la ville. À eux deux ils sont bien entendu la pierre angulaire de Limbo sans que pour autant la caractérisation de leur relation soit essentielle à l’histoire.

Limbo - Capture Blu-ray bonusSoi Cheang montrant un « accessoire » central de Limbo

C’est qu’un troisième larron vient se greffer à tout ça en la personne de Wong To interprétée par Yase Liu (plus connue sous le pseudo de Cya Liu). Fille des rues, dealeuse à ses heures perdues, voleuse de tires… Elle va servir d’appât pour coincer le fameux serial killer dont la signature morbide est de couper la main gauche de ses victimes exclusivement femmes qu’il ne se gêne pas de violer à plusieurs reprises avant de définitivement les éliminer. Sa performance est à la fois physique et physique (oui oui vous avez bien lu). C’est apparemment son premier grand rôle (informations encore une fois glanées au sein du making-of) et elle s’y est préparée façon Actor’s Studio demandant même à vraiment recevoir les coups prévus lors des scènes de baston où elle est impliquée. Et l’une d’entre elle fait particulièrement mal à voir. Certes la chorégraphie déployée est magistrale mais on ne peut s’empêcher de détourner de temps à autre le regard tant les coups justement portés sont d’un réalisme incroyable. Sans parler de la scène de viol jusqu’au-boutiste qui a été pensée pour que le spectateur ressente la même chose que ce que le personnage subit. Si on n’est pas certain de la démarche, reconnaissons qu’à l’écran la chose ne soit pas visuellement facile à assumer.

Limbo - Capture Blu-ray bonus

Limbo recèle ainsi de nombreuses strates de lecture qui pourront faire voler en éclat les excellentes impressions du début pour vous rattraper in extremis afin de mieux vous faire dégoupiller la minute d’après. Un film grand huit en quelque sorte qui ne peut laisser indifférent (ou alors vous êtes un serial killer dans l’âme) et dont la plastique formelle achèvera les derniers récalcitrants en les propulsant dans les limbes. C’est-à-dire aux portes de l’enfer non pas en quête de rédemption mais pour mieux y entrer une fois le générique de fin terminé.

Encore que voilà une destination vers laquelle vous pourriez vous mettre en pause le temps de visionner les compléments de choix de cette édition. On vous a déjà mentionné le très bon mais court making-of que l’on pourra idéalement compléter par la longue interview en visio avec le réal. Certes, on y retrouvera certaines infos déjà délivrées au sein du making-of mais Frédéric Ambroisine, l’un des meilleurs connaisseurs en France du cinéma HK et d’une manière générale asiatique, va aborder avec lui le temps mis par le film, une fois tournée, à sortir évoquant incidemment une forme de censure contre laquelle le réalisateur précise ne s’être pas soumis, bien aidé il est vrai par Milkyway Image, la société de Johnnie To qui a produit son film comme beaucoup d’autres auparavant. Le troisième document vidéo est une présentation du film et de son réal toujours par Frédéric Ambroisine. C’est riche en info, toujours aussi convivial avec in fine la conviction que Limbo est le meilleur film à date de son auteur. Il nous faut aussi mentionner le petit livret de 28 pages qui reproduit l’entretien réalisé par le journaliste François Cau avec le réalisateur publié dans le numéro 373 de MadMovies. Y est abordé un aspect peu développé finalement au sein des autres compléments à savoir la longue collaboration entre Johnnie To et Soi Cheang qui selon ce dernier lui aura permis de prendre son envol tout en affirmant son cinéma. On y trouvera aussi la retranscription de propos tenus par le chef décorateur Kwok-Keung Mak, du chef op Siu-Keung Cheng qui revient sur le choix du N&B et du producteur Wilson Yip.

Limbo - Capture Blu-ray bonusThe One and Only Frédéric Ambroisine Mesdames et Messieurs

Bref de quoi prolonger sur une bonne heure la (re)découverte forcément marquante de Limbo. Marquante aussi du fait d’une signature technique en tout point parfaite ou quasi parfaite. On l’a dit plus haut, le faux N&B est ciselé, précis et sans grain. Ce qui donne une image quasi irréelle magnifiquement retranscrite par un Blu-ray qui ne prête le flanc à aucune réserve. Ce qui pourrait être moins le cas sur la partie sonore puisque proposée en Dolby TrueHD 5.1 tant en français (dont on ne dira rien car on se refuse de regarder un tel film autrement qu’en VO) qu’en cantonnais. Pourquoi cette réserve ? Et bien parce que le Dolby TrueHD est un procédé d’encodage compressant plus le son que le DTS-HD Master Audio qui est dorénavant la norme en Blu-ray. Pour autant à l’écoute, on n’a décelé aucun passage étriqué, manquant d’ampleur ou de précision. Ceci dit, sans point de comparaison, difficile d’affirmer que l’on a là ce qui se fait de mieux pour un film qui ne manque pas de séquences sonores hautement immersives. Pour être complet, on notera enfin que l’éditeur allemand Capelight Pictures propose Limbo en Blu-ray 4K. On vous dit ça dans le cas où vous auriez un peu d’argent en trop et que vous auriez envie de vous le revoir en cantonnais sous-titré anglais. Et puis après vous venez nous dire en commentaires ci-dessous comment l’image 4K elle déchire sa mère. Pendant ce temps-là nous on va découvrir les autres films de Soi Cheang…

Spécifications techniques :

  • Image : 2.39:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Cantonnais et Français Dolby TrueHD 5.1
  • Sous-titre(s) : Français et Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h58min 31s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Interview du réalisateur Soi Cheang par Frédéric Ambroisine (24min 47s – HD – 2023)
  • Limbo présenté par Frédéric Ambroisine (22min 23s – HD – 2023)
  • Making-of (10min 16s – VOST – HD – 2021)
  • Galerie de projets d’affiche (35s)
  • Bande annonce (1min 37s – HD – VOST)

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