Oppenheimer - Image une critique

Oppenheimer – Et Nolan créa la bombe ?

En relisant notre avis sur Interstellar (oui nous cultivons le culte de la personnalité à DC), un bout de phrase nous a frappé : « (…) une sorte de bête de foire en 70MM et IMAX sans fin ». Et de nous dire qu’elle pourrait parfaitement convenir pour Oppenheimer. Est-ce à penser qu’en presque 10 ans le cinéma de Christopher Nolan n’a pas évolué ? Ou plutôt se serait-il obstinément appliqué à creuser ce seul sillon ? Quel que soit le sujet ? On serait tenté de répondre par l’affirmative tout en précisant que le cinéaste a des circonstances atténuantes.

Oppenheimer - Affiche

Vous l’aurez donc compris, Oppenheimer ne nous a pas emballé des masses. En cause justement cette propension à vouloir nous en mettre d’abord plein la vue. On se permet d’insister sur le « d’abord ». Ceci étant dit, depuis Interstellar Christopher Nolan a quelque peu brouillé les pistes. C’est que si Tenet s’est révélé être une bouillie même pas cinématographique, Dunkerque est quant à lui un sommet de cinéma. La différence entre les deux ? Une histoire et accessoirement la maîtrise du temps. En effet et aussi paradoxale que puisse l’être cette affirmation, les 97min que durent Dunkerque enterrent les 150min que nous infligent Tenet. D’un côté la maestria visuelle (et sonore) propre au talent inné de Nolan au service d’un récit dont il maîtrise les moindres enjeux et les ramifications propres à tenir son spectateur en haleine. De l’autre la maestria visuelle au service du seul montage (exercice qu’il maîtrise lui aussi à la perfection) au détriment d’un récit qui ne tient en haleine plus personne sinon Nolan le démiurge enfermé dans les certitudes de sa tour d’ivoire.

Et entre les deux il y a Oppenheimer. Un biopic donc (appelons un chat un chat) axé sur le père de la bombe atomique histoire de la faire courte à la différence de Nolan qui nous propose cela via un spectacle sur 180min. Vous me direz au moins la place à 20 boules (moyenne haute) est amortie. Encore que. C’est que voilà, si Christopher Nolan s’est astreint à nous raconter une histoire qui tienne la route, il n’oublie pas de le faire en sortant de temps à autre sa baguette du monteur fou. On a ainsi droit à une narration se déroulant en un espace-temps dilaté sur plus de 30 ans alternant sans logique apparente 3 ou 4 époques distinctes à commencer par celle filmée en IMAX N&B se situant à la fin des années 50 quand Lewis Strauss (joué par Robert Downey Jr.), alors président de l’AEC (Commission de l’énergie atomique des États-Unis), se voit refuser le poste de Secrétaire au Commerce au cours d’une commission qui révèle ses néfastes implications quelques années plus tôt dans l’anéantissement de l’image publique du physicien. Entre elles demeure un fil rouge (ténu quand même le fil rouge) où Robert Oppenheimer, après avoir sillonné l’Europe du milieu des années 20 dans le but de parfaire ses connaissances, obtenir un doctorat mais aussi pour rencontrer et échanger avec d’éminents « collègues », devient le directeur scientifique du fameux Projet Manhattan.

À l’écran cela donne de multiples plans en intérieur où Oppenheimer interprété par Cillian Murphy écrit des formules mathématiques au tableau noir devant des étudiants, discute avec d’autres savants de la fission de l’atome et de théories quantiques ou rencontre (accessoirement) Albert Einstein. Le tout, rappelons-le, en une farandole de séquences où se présente à la barre (ou l’écran) moult personnages dont on a bien du mal à contextualiser d’abord leur importance mais aussi leur apport au récit même par la suite. De fait, la partie centrale du film est certainement la plus intéressante. Quand tout ce petit monde se retrouve « enfermé » à Los Alamos. Là, les meilleurs scientifiques du pays planchent ensemble à l’édification de la bombe atomique. Le temps est compté et la pression mise par l’armée et donc le gouvernement des États-Unis sont maximales.

C’est dans cet espace et cette temporalité que Oppenheimer trouve un semblant de souffle épique et d’enjeux dramatiques et ce même si nous connaissons tous la fin de l’histoire. Les grands espaces propres au Nouveau-Mexique sont pour le coup magnifiquement mis en valeur en IMAX. Le travail sur la photo prend là-aussi tout son sens. Et quand la première bombe expérimentale éclate à 5h30 en ce matin du 16 juillet 1945 (nom de code Trinity), il est évident que le spectateur a droit à une expérience plutôt unique et ce quel que soit la salle de cinéma qu’il aura choisi. Nolan ayant d’ailleurs poussé l’expérience jusqu’au bout puisqu’il n’y a ici aucun apport numérique. L’explosion a été intégralement récréée in situ (sans l’aspect radioactif il va sans dire). Et bien entendu ici le format IMAX se justifie pleinement. Et puis, autre aspect positif, un personnage se détache en la personne du général Groves, rouage essentiel au sein du Projet Manhattan, il est interprété par un Matt Damon toujours aussi impeccable. À lui seul, en usant de son jeu de regards et de son positionnement dans le cadre, il impose son personnage tout en signifiant en sous texte les attendus de l’administration Roosevelt puis Truman.

À la différence du personnage interprété par Emily Blunt qui rend une copie d’épouse plutôt fade et subissant les événements. Ce qui ne doit pas être très éloigné de la vérité historique mais se retrouve accentué par la gaucherie et la platitude d’un Nolan peu en phase à l’évidence avec cet aspect de l’histoire intime du couple. La seule scène où l’actrice tire son épingle du jeu c’est lors d’un interrogatoire qui doit clarifier ou non la position de son mari vis-a-vis de la politique nucléaire de son pays alors que par ailleurs ses accointances d’avant-guerre avec le parti communiste sont pointées du doigt. Il est par contre plus à l’aise avec Florence Pugh qui joue le côté obscur sinon l’âme damné du scientifique. Quand elle apparaît Oppenheimer devient moins cloisonné, moins contrit dans ses certitudes de mise en scène. Car au final c’est bien cela qui dérange le plus dans ce film. Son côté excessivement bien huilé où tout est au service de l’image grandiose via des plans savamment étudiés, chorégraphiés, ordonnancés… À tel point que nous revenait alors en tête durant la projection quelques images de L’Étoffe des héros que Philip Kaufman réalisait en 1983. Si le sujet n’a rien à voir avec les origines de la bombe atomique, le film se voulait aussi le témoin d’une épopée ayant marqué au fer rouge l’Histoire de l’humanité.

Ce que n’est absolument pas Oppenheimer. Film que Christopher Nolan veut d’abord et avant tout comme la meilleure des pubs pour retourner / continuer à aller au cinéma. Sa croisade à l’instar d’un Tom Cruise qui a attendu pour que Top Gun: Maverick puisse sortir au cinéma se refusant à voir son bébé partir pour une quelconque plateforme, a indéniablement du sens. Mais, et cela nous écorche les doigts de le taper sur notre clavier, autant cela se justifie pour un film comme Top Gun: Maverick, autant avec Oppenheimer c’est vouloir rendre la mariée artificiellement plus belle qu’elle ne l’est. Alors certes chaque film de Nolan crée dorénavant l’événement et la presse étasunienne sevrée de films un tantinet adultes sur ce segment de cinéma (entendre par là que bon Top Gun et les Marvel, on ne va pas bien loin niveau attentes de « vrai cinéma ») en fait forcément des caisses mais à l’arrivée, un tel traitement est-il approprié pour un tel sujet ? Et si oui vouloir en complexifier à ce point la narration ne fait-il pas montre d’une certaine peur du vide ? Sans mentionner qu’Oppenheimer véhicule encore et toujours cette doxa répandue depuis toujours par les États-Unis qui veut que sans Hiroshima et Nagasaki, le Japon n’aurait jamais capitulé aussi vite. La vérité historique, on le sait maintenant, est ailleurs.

Et in fine on n’est pas certain que cela incite le spectateur à retourner au cinéma. Une fois oui par curiosité devant un tel battage. Mais après ? Rendez-vous en novembre avec Dune : Deuxième Partie ?

Oppenheimer (2023) de Christopher Nolan – 3h01 (Universal Pictures International France) – 19 juillet 2023

Résumé : En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le « Projet Manhattan » destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé « le père de la bombe atomique ». C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point cette arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…

Note : 2,5/5

2 réflexions sur « Oppenheimer – Et Nolan créa la bombe ? »

  1. L’on est jamais déçu par certaines critiques de Mister Gillet, verbiage prétentieux, logorrhée pseudo intellectuelle, étal de culture confiture. L’on est néanmoins sûr d’une chose, du moment que ce Sieur « descend » un film, l’on peut aller le voir sans crainte, c’est donc automatiquement un bon film !

  2. Nul n’est prophète en son pays, dicton bien vérifié pour Mister Gillet, acclamé partout, critiques des autres sites de cinéma dithyrambiques, Oppenheimer est une véritable claque ! Ca serait peut-être bien Mister Gillet de voir les films avant d’écrire sur yceux des lignes d’un « bavasseu » ignare !

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