Cannes Suquet - Image une journal jour 7

Journal d’une festivalier – Cannes Jour 7 et fin

Ce septième jour sera notre dernier à cette 75ème édition du festival de Cannes. Nous ne verrons donc pas les films de Kelly Reichardt, Hirokazu Kore-Eda ou Lukhas Dont. Mais notre choix ayant été de privilégier d’abord Un certain regard et des œuvres moins mises en avant, nous ne regrettons rien. Bien au contraire.

Domingo et la brume - Photo cannoiseDomingo et la brume de Ariel Escalante Meza (Un Certain Regard)

Plusieurs événements plutôt festifs étaient prévus aujourd’hui et le ciel gris du matin laissait songeur quant à la tenue de ceux-ci, tous en extérieur. Toutefois le beau temps à surgi peu après la première séance, le brouillard vivant et vibrant de Domingo et la brume ayant quasi exorcisé le ciel cannois. Cette production du Costa Rica signée Ariel Escalante Meza est la première présentée au festival. On y retrouve ce qui fait le charme d’une partie des films latino-américains : le recours au réalisme magique. Tout au long d’un métrage sombre et dépouillé, le cinéaste se situe à la lisière du fantastique, utilisant une brume fantomatique s’infiltrant partout comme pour sonder les souvenirs du protagoniste dont la femme est décédée. L’ensemble fait figure de critique sociale dans un pays où les habitants sont soumis à la corruption des plus forts. Ici les plus pauvres sont tués, poussés au suicide ou chassés de chez eux afin qu’une route soit construite. De part cette route à venir, c’est la fin d’un monde et d’une époque qui de dessine. Epicentre Films qui le distribue en France n’a pour l’instant pas communiqué de date de sortie.

Cannes Suquet

En sortant de ce film comme on sortirait d’un rêve dans lequel nous étions totalement embarqués, le soleil était donc revenu. Après avoir pris une copieuse collation sur la plage Nespresso – une des bonnes raisons d’assister au festival – nous étions parés pour déjeuner sur le Suquet à l’occasion du traditionnel aïoli du maire. Dans les hauteurs de la ville, tous les ans, la municipalité organise ce déjeuner pour quelques officiels, le jury du festival et une partie de la presse avec une spécialité gastronomique de la région. La vue y est splendide et c’est une belle manière pour certains d’appréhender la dernière ligne droite du festival et pour nous de dire au revoir aux salles du palais et des alentours.

Butterfly Vision - Affiche cannoise

En redescendant nous nous sommes précipités sur Butterfly Vision de Maksym Nakonechnyi, film ukrainien en compétition pour Un certain regard. Le réalisateur suit le parcours d’une jeune militaire qui revient chez elle après avoir été captive pendant plusieurs semaines de séparatistes russes dans le Donbass. Violée et enceinte de son geôlier, elle doit tenter de se retrouver et de gérer ses traumas. Le réalisateur est loin de proposer un regard partisan sur ceux qui sont partis se battre ou sur la population ukrainienne, insistant sur leurs  motivations mais également sur leurs errements et sur le peu d’encouragement d’une partie des habitants. Le film est aussi une œuvre sur l’impossible communication entre des individus qui ne se comprennent plus. Il interroge la mémoire et l’oubli à travers les artefacts numériques, le métrage devenant le lieu d’une déambulation aux multiples points de vue qui entrent parfois en collision. L’image se brouille alors, des flashs surgissent et l’incompréhension s’accroît. Le film est attendu dans les salles françaises le 12 octobre 2022 sous pavillon Nour Films.

Nous avions ensuite rendez-vous à la Semaine de la critique pour Next Sohee qui clôturait cette édition. Deuxième film de July Jung, après A Girl at My Door présenté à Un certain regard en 2014, il aurait pu en être la suite tant les personnages interprétés par Doona Bae se ressemblent. Cependant, Next Sohee n’est que partiellement un polar contrairement au premier film et à ce qui a été partout écrit pour le présenter. L’originalité de la cinéaste est d’utiliser quelques codes du film policier pour se livrer à une implacable critique de la société coréenne contemporaine. Cette fois elle évoque les conditions de travail misérables des étudiants stagiaires, la pression monstrueuse subie par les uns et les autres et l’exploitation à laquelle participent les établissements scolaires mis en concurrence, l’éducation nationale au sens large ainsi que les entreprises qui visent le profit quitte à pousser au suicide leurs employés. Si la mise en scène épouse parfaitement l’évolution dramatique des protagonistes, la réussite du film réside aussi dans son écriture. Le film dure 2h20 et passe rapidement sans avoir ressenti le besoin de fermer les yeux, ce qui est un miracle en fin de festival avec moins de 5h de sommeil par nuit. Next Sohee n’a pour l’instant pas de distributeur français.

Stars at Noon - Photo cannoise

Nous avons prolongé le plaisir par la soirée de la Semaine de la critique, histoire de dire au revoir à tout le monde en buvant d’étranges mixtures roses dans le parc d’une magnifique villa cannoise avant de finir sur Stars at Noon de Claire Denis en compétition officielle. Par sa faute, le festival se termine pour nous comme il a commencé : sur un film plus que moyen alors que le reste de la programmation nous a plutôt bien plu. Elle part au Nicaragua faire un film d’espionnage qui n’en est pas un, en suivant une journaliste qui n’en est pas une et un commercial dont on ne comprend pas qui il est. Ils couchent ensemble, tombent amoureux, et cherchent à fuir au Costa Rica. À un moment Ben Safdie apparait. Voilà, c’est assez vain sans être tout à fait mauvais. Si ce n’était pas réalisé par Claire Denis, ce serait juste tombé dans l’indifférence la plus totale comme nombre d’autres films. Là la réalisatrice a dû passer de jolies vacances financées par le CNC dans ce pays difficile d’accès et tant mieux pour elle. Il faudrait maintenant lui rappeler qu’un bon directeur de la photo et de bons acteurs ne font pas un film !

De notre côté, après 28 films vus, un demi colloque et un événement au marché, nous sommes repartis à Paris en espérant pouvoir faire la totalité du festival l’année prochaine. Ce retour au soleil et dans les salles obscures après 3 ans d’absence fût des plus revigorants et agréables !

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