Les Meutes - Image Une Cannes 2023

Cannes 2023 – Journal de bord d’un festivalier jour 3

Ce troisième jour Cannes 2023 aurait pu débuter par Indiana Jones mais se lever à 8h30 pour, un mois avant sa sortie, dormir devant un blockbuster facilement rattrapable, très peu pour nous. Et ce n’est pas bien grave, tout le monde en parlé et l’a aussitôt oublié. Ce matin la pluie était de retour, les parasols fuyaient à nouveau sur les plages, et le petit déjeuner sur la plage Nespresso avait d’amusantes allures de déluge. Autant se sécher en salle.

En ce Cannes 2023 jour 3 ce fût le temps des premiers longs métrages avec trois films bien différents à se mettre sous la dent et autant de bonnes surprises. D’abord direction la salle Debussy, probablement la plus agréable du Palais des festival, pour deux films de la sélection Un certain regard.

How to Have SexHow to Have Sex

Le premier, How to Have Sex, est réalisé par la britannique Molly Manning Walker. À ceux qui imagineraient déjà un film langoureux ou un manuel filmé, rien de tout cela. Il s’agit d’un film sur trois adolescentes en voyage en Grèce, l’une d’entre elle voulant faire sa première fois à cette occasion. Et si fêtes, scènes de séduction, sexe, piscine et plage il y a en permanence, la cinéaste parvient à faire un film sans même jamais montrer un sein. Comme quoi la soi-disant nécessité de montrer des corps nus dans ce type de films ne tient qu’au bon vouloir de ceux qui les réalisent. Et certes, le scénario est lambda et le sujet – l’injonction sexuelle et le consentement – a des airs de déjà-vu mais l’ensemble tient particulièrement bien la route, notamment dans la manière d’évoquer la solitude parmi un groupe, la crainte et la tristesse jusqu’à savoir délicatement passer de l’horreur à la douceur. Dommage que les vingt premières minutes, au cours desquelles les soirées s’accumulent, soient laborieuses. Nous garderons plutôt à l’esprit les magnifiques plans de la cité balnéaire désertée au petit matin.

Les MeutesLes Meutes (©Barney Production – Mont Fleuri Production – Beluga Tree)

Vient ensuite, Les Meutes, signé Kamal Lazraq. Le cinéaste marocain prend des acteurs non professionnels et les amènent dans des péripéties qui rappellent le génial After Hours (1985) de Martin Scorsese en moins absurde et cartoonesque mais en plus menaçant, sans pour autant se départir de pointes d’humour noir bien senties jusque dans la courte et géniale scène finale. Dans un Casablanca toujours à la lisière du monde réel et du fantastique, un combat de chiens tourne mal, un chef de gang cherche à se venger et demande à une petite frappe d’organiser un kidnapping. Il emmène son fils et à partir de là, plus rien ne va. Les deux protagonistes vont tourner en rond, entre la campagne, la ville et le bord de mer pour accumuler rencontres malheureuses et événements délirants au cours d’une nuit cauchemardesque qui semble ne jamais finir. Petit à petit, souvent en arrière plan, le cinéaste dessine le portrait d’une société quelque peu perdue, dans laquelle plus aucun code ne semble fonctionner et qui tourne en rond. À voir aussi pour la magnifique photographie signée Amine Berrada. Les Meutes est annoncé le 12 juillet 2023 sous la bannière Ad Vitam

In FlamesIn Flames

Et si Kamal Lazraq n’entrait pas totalement dans le réalisme magique, Zarrar Kahn franchit ce seuil dans In Flames pour notre la troisième séance de la journée, cette fois dans les sous-sols de l’hôtel Marriott, le lieu attitré de la Quinzaine des cinéastes. Ce film, qui se déroule au Pakistan débute comme un drame social situé au cœur de la capitale Karachi. Là, une étudiante en médecine qui vit avec sa mère et son petit frère, voit son existence basculer après la mort de son grand-père. Une brique lancée sur sa voiture par un homme qui l’insulte, un oncle qui tente de reprendre leur appartement, une relation amoureuse qui se termine brusquement. Il n’en faut pas plus pour que le fantastique s’insère dans le récit et que tout soit perturbé. Mais déjà les lieux, souvent clos, étroits, surchargés insistaient sur l’angoisse sourde de la jeune femme qui finira par imploser lorsqu’elle sera confrontée à d’étranges visions horrifiques : fantômes, mémoires refoulées et monstres tapis dans l’ombre. Elle n’est libre de rien et surtout pas d’être elle-même ou de vivre sa vie. Il lui faudra, ainsi qu’à sa mère, se libérer des démons de leur histoire afin de ne pas finir en fumée. In Flames pourra faire penser à Atlantique de Mati Diop (présenté en compétition au Festival de Cannes 2019 où il a remporté le Grand Prix) qui utilisait déjà l’horreur comme métaphore d’un climat social perturbant et perturbé. Ici nul contexte migratoire, mais un désir pour les personnages féminins de se libérer d’une oppression permanente exercée par les hommes qui les entourent, même une fois disparus.

Outre le recours à la rivière et à la mer qui reviennent comme des leitmotivs étonnants, si une thématique se dégage des premiers jours de ce Cannes 2023, ce serait peut-être un traitement du réel qui passe par le recours au fantastique ou à l’horreur. En particulier dans les films issus de pays où la production cinématographique s’exporte peu et où la religion exerce encore une influence importante comme le Maroc, la Malaisie ou le Pakistan. À voir si cela continue… Cannes 2023 demain, nous irons du côté du Brésil avec Retratos fantasma avant de parler animation avec Linda veut du poulet et Robot Dreams de Pablo Berger.

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *