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Fiche film : La Syndicaliste (2022)

« J’avais déjà eu envie de faire un film sur une lanceuse d’alerte, autour d’Irène Frachon et du scandale du Mediator, mais ça ne s’était pas fait. Les pressions qu’avait subies Maureen Kearney, LA syndicaliste d’Areva, l’agression violente dont elle avait été victime étaient puissamment dramatiques.
On était allé très loin pour la contraindre à arrêter ses investigations… Le parcours de cette femme, sa mise en accusation, sa rédemption, ses moments de doute ou de dépression dont elle triomphe, c’était déjà un récit de cinéma. Peut-être davantage dans la lignée d’un cinéma politique américain ou italien.
Il y avait aussi la promesse d’un rôle pour Isabelle Huppert : la sortie de La Daronne venait d’être décalée à cause du Covid, mais l’envie de retravailler ensemble était là. J’ai trouvé sur internet des photos de Maureen Kearney et j’ai tout de suite vu la possibilité qu’Isabelle lui ressemble à l’écran. » – Jean-Paul Salomé, réalisateur.

La Syndicaliste (2022)

Réalisateur(s) : Jean-Paul Salomé
Avec : Isabelle Huppert, Nicolas Merle, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison, Yvan Attal, Marina Foïs, Pierre Deladonchamps
Distributeur : Le Pacte
Sortie en salles : 1er mars 2023

Résumé : Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… Est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?

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  • Notre avis : Pour être honnête, un film signé Jean-Paul Salomé ne nous a jamais fait particulièrement bander. Il suffit de jeter un œil à la filmo du Monsieur pour s’en convaincre. Rappelons en effet (pour celles ou ceux qui auraient la mémoire courte, trop jeunes ou lucides) qu’on lui doit Belphégor, le fantôme du Louvre (2001), un ratage criminel à plus de 25 millions d’euros avec une Sophie Marceau peu inspirée (c’est peu de le dire) et un Frédéric Diefenthal qui déclamait dans les couloirs sombres du musée sa gouaille faussement cool qu’il avait chopée sur Taxi. Que dire de son Arsène Lupin (2004) qui ferait passer la série avec Omar Sy pour un chef-d’œuvre d’inventivité, de prise de risque et d’originalité. Depuis, le cinéaste a tenté de colmater les brèches d’une carrière bien mal barrée. Les Femmes de l’ombre en 2008 en est le parfait exemple. Si le style reste pompier sinon pyromane, il y avait alors une volonté de poser une histoire et de lui donner une certaine consistance. Jusqu’à La Daronne en 2020 où Salomé mène enfin son projet à son terme embarquant avec lui ses acteurs et le spectateur. À ce titre il était jusqu’ici son film le plus abouti bien que perclus de défauts majeurs à commencer par une histoire peu crédible même sous le sceau de la comédie. Et puis voilà que débarque La Syndicaliste se positionnant, si l’on se fie à ce que nous annonce l’affiche, comme le thriller de l’année. Et vous savez quoi ? Voilà une affirmation qui risque bien de se vérifier le 31 décembre 2023. On prend les paris.
    Alors certes, tout part de faits et d’événements qui ont vraiment eu lieu. L’histoire de cette syndicaliste, Maureen Kearney, prof d’anglais d’origine irlandaise et grande admiratrice de la France devenue la plus haute représentante des 75 000 salariés d’Areva (alors leader mondial dans la construction des réacteurs nucléaires) qui a tentée d’alerter en 2012 les politiques et le grand public de ce qui se tramait au sein de la multinationale (des contrats secrets passés entre Areva et la Chine, portant sur des transferts de technologie et mettant en péril la pérennité des emplois). Subissant de nombreuses menaces, elle est par la suite agressée par un homme, chez elle. L’inconnu la ligote dans la cave de sa maison, la viole et lui inscrit, avec un couteau, la lettre A sur son abdomen. Mais les enquêteurs finissent par penser que la syndicaliste a simulé cette agression et est de fait accusée de « dénonciation mensongère ». Le film de Jean-Paul Salomé qui s’appuie sur le livre au titre éponyme écrit par la journaliste Caroline Michel-Aguirre retrace tout cela à la manière oui d’un thriller rappelant le meilleur de ce cinéma politique italien des années 70.
    C’est déjà suffisamment rare dans notre cinéma actuel pour le souligner d’autant plus quand c’est amené avec autant d’acuité et d’engagement. On ne pensait pas Salomé capable d’une telle force de caractère, d’une telle lucidité dans son cinéma. La Syndicaliste propose ainsi une ligne claire dès le début et n’en dévie jamais. On aurait pu craindre un film monolithique surtout quand on a Isabelle Huppert en tête de gondole mais son jeu que beaucoup qualifie (à tort ?) de clinique, convient parfaitement ici d’autant que Salomé sait très bien comment fendre sa carapace et laisser ainsi poindre des moments où Huppert dévoile les moments de doute de son personnage face à une enquête bâclée effectuée par des hommes et une justice décrite comme peu humaine.
    Si on n’a pas lu le livre on ne connaitra donc pas la fin (qui par certains aspects reste au demeurant en pointillé) et pour le coup c’est tant mieux puisque Salomé joue beaucoup sur notre méconnaissance de cette affaire dont on a finalement que peu de souvenirs. Ce qui lui permet de signer, au-delà du thriller vanté par l’affiche, un portrait de femme à la complexité rare au cinéma lui rendant sans aucun doute justice tout en mettant à nu certains rouages industrialo-étatiques à même de concasser toutes les velléités humaines à même de s’y opposer. C’est édifiant, didactique et puissamment déstabilisant. Et surtout c’est assez instructif sur la facilité que l’on peut avoir à orienter l’opinion publique et comment celle-ci peut s’arcbouter sur des combats à la Pyrrhus qui permettent de passer sous silence et à la trappe les vrais sujets de fond et de société qui pourraient renverser les équilibres séculaires bien planqués dans la coulisse. La Syndicaliste c’est un peu cette paire de lunettes que le héro de Invasion Los Angeles de Carpenter enfourne par hasard et qui lui révèle la face cachée de notre société. Et comme lui on a mal au crane quand ils les enlèvent et que les lumières de la salle se rallument. Un mal persistant qui n’est pas près de disparaître. Ce qui n’est pas la moindre des qualités de La Syndicaliste. 3,5/5
  • Box office : 192 422 entrées sur 472 copies en 1ère semaine. C’est beaucoup de copies pour peu de spectateurs. À comparer aux 250 360 entrées générées sur 365 copies par Les Petites victoires, autre nouveauté française de la semaine. Certes le film de Mélanie Auffret s’adaptait plus à un public familial propre à la période de fin de vacances scolaires mais cela montre aussi en creux qu’une proposition comme La Syndicaliste, aussi essentielle soit-elle, aura toujours du mal à convaincre au-delà de son cercle de primo-convaincus. Espérons toutefois qu’il saura s’imposer sur la durée avec le bouche à oreille qui sera forcément excellent. Edit 1/07 : Un cumul à 500 162 entrées sur 15 semaines de présence dans les salles de cinéma.
  • La chronique Blu-ray : Aucune annonce officielle au moment où nous écrivons ces quelques lignes mais nous avons pu échanger avec Le Pacte qui nous a bien confirmé qu’une édition Blu-ray (et DVD) de La Syndicaliste va voir le jour. Edit 1/07 : Un Blu-ray est bien prévu pour le 12 juillet.

La Syndicaliste - Affiche

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