L'Innocence - Image une fiche film

Fiche film : L’Innocence (2023)

L’Innocence a été proposé au cinéaste Hirokazu Kore-eda au moment même où il avait le sentiment qu’il ne parvenait plus à écrire ses propres scénarios et personnages. « Sakamoto [scénariste du film] a imaginé plusieurs personnages que je n’aurais pas pu inventer. J’ai donc été très heureux lorsqu’on m’a sollicité avec ce projet. »

L’Innocence a obtenu le Prix du Scénario ainsi que la Queer Palm au Festival de Cannes 2023. Hirokazu Kore-eda est un habitué de la croisette puisque plusieurs de ses films y ont été présentés ou primés. C’est le cas de Nobody Knows (Prix d’interprétation masculine pour Yûya Yagira en 2004), Tel père, tel fils (Prix du jury et mention spéciale du Prix du jury œcuménique en 2013) et Une affaire de famille (Palme d’or en 2018).

L’Innocence (Kaibutsu – 2023)

Réalisateur(s) : Hirokazu Kore-eda
Avec : Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa, Hinata Hiiragi
Durée : 2h06
Distributeur : Le Pacte
Sortie en salles : 27décembre 2023

Résumé : Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ…

Articles / Liens :

  • Notre avis : Litanie favorite du cinéaste japonais, le nouveau Kore-eda traite à nouveau de la famille. Cependant il s’est adjoint pour ce faire les talents du scénariste Yuji Sakamoto. Ou plutôt c’est Yuji Sakamoto qui tenait absolument à ce que cela soit Kore-eda qui prenne la main sur l’histoire qu’il avait imaginée. Les deux hommes ne se connaissaient pas vraiment mais appréciaient le travail de chacun. Si Yuji Sakamoto n’est pas un blaze qui rameute les foules en occident, il est reconnu dans son pays comme étant l’un des plus brillants scénaristes de sa génération. Son association avec Kore-eda marque du coup pour celui-ci une première dans sa filmo. Celle de mettre en scène une histoire dont il n’est pas l’auteur. Et à l’écran si le changement de paradigme est plus que perceptible pour ne pas dire enrichissant, il s’inscrit toutefois dans une forme de continuité à la fois étonnante et remarquable.
    L’Innocence déroule en effet une histoire racontée sous trois angles différents ou plutôt via trois de ses acteurs principaux. C’est celle d’un enfant en passe de devenir un ado qui semble se replier sur lui-même. Est-il harcelé à l’école par ses camarades ? Le corps professoral fait-il le nécessaire pour le protéger ou justement est-ce son professeur le nœud du problème ? La mère qui élève seul son fils appréhende-t-elle les choses de la meilleure des manières possibles en étant de plus en plus dans la confrontation avec l’administration de l’école ? Et quid de ce nouvel ami de classe plutôt en retrait car en proie aux brimades des autres écoliers ? Beaucoup de questions qui s’accumulent et jusqu’à la toute fin peu de réponses claires et tranchées. Un peu comme si Kore-eda voulait nous faire toucher du doigt la complexité d’une situation dont il serait illusoire de la raconter d’une manière classique. Pour ce faire il tord le cou à une forme de compte-rendu linéaire comme on pourrait le lire au hasard dans la presse à la rubrique des faits-divers et encore moins d’une manière tranchée ou sans recul comme cela devient l’usage nauséabond sur les réseaux sociaux.
    Le film s’ouvre sur un incendie. Celui d’un hôtel du coin connu pour abriter des passes tarifées. La mère et le fils sont au balcon et ils regardent l’important brasier qui rougeoie l’horizon diurne. C’est alors que notre jeune héros croit reconnaître son prof sortant apeuré de l’hôtel sur les images qu’il reçoit depuis son téléphone. Le récit est lancé et il se focalise exclusivement du point de vue de la mère. Une trentaine de minutes plus tard nous voici revenu à notre point de départ. À la différence que nous voici au pied de l’hôtel en flamme et dans la peau du professeur. De son point de vue quelques zones d’ombre s’éclaircissent mais d’autres encore plus opaques surgissent. Rebelote quelques 40 minutes plus tard avec pour parti-pris de regard celui du jeune garçon qui va nous embarquer dans un grand huit final qui ne laissera personne indemne.
    Cette construction à la Rashōmon (en référence au film de Kurosawa de 1950 qui exposait la même histoire sous trois angles et personnages différents) est donc quelque chose de nouveau chez Kore-eda qui ne nous avait pas habitué à pareille circonvolution formelle mais aussi et surtout à pareil traitement de ses personnages. Ceux-ci font montre d’une cruauté jamais vue dans son cinéma immédiatement contrebalancée par une humanité protéiforme. Attention ses films jusqu’ici ne cachaient pas la laideur sociale et humaine, bien au contraire, mais disons qu’il les montrait avec une certaine distance et un tact de mise en scène censé préserver un spectateur qui bien entendu n’était pas dupe. Avec L’Innocence les choses sont plus frontales, plus directes et donc plus cruelles sans pour autant jamais basculer dans l’excès, le binaire et encore moins la caricature. L’équilibre trouvé en est du coup plus intense pour ne pas dire miraculeux avec une fin qui fera chavirer toute personne munie d’un palpitant en état de marche. À l’évidence le scénario de Sakamoto qui a été récompensé par le Grand Prix au dernier festival de Cannes, a repoussé Kore-eda dans des retranchements insoupçonnés et inavouables. Et nous avec.  4/5
  • Box office : 894 entrées sur 22 copies à la séance 14h Paris. À titre de comparaison la Palme d’or Une affaire de famille qui est aussi la meilleure marque au box office pour un film de Kore-eda enregistrait 2 418 entrées sur 27 copies avec un cumul final de 778 673 spectateurs. Edit 28/12 : 14 082 entrées sur 189 copies France en 24h. Pour continuer à filer la comparaison avec Une affaire de famille c’était alors 21 189 entrées sur 175 copies. Edit 4/01 : 73 086 entrées 1ère semaine Vs 178 544 entrées toujours sur 175 copies pour Une affaire de famille.
  • La chronique Blu-ray et Blu-ray 4K : Avec Le Pacte ne pas s’attendre à une édition Blu-ray 4K. Seul Jeanne du Barry a eu cet honneur jusqu’ici. Ce qui en soit peut se comprendre compte tenu de la nature quelque peu fastueuse du film de Maïwen. Quant au Blu-ray, il est déjà annoncé pour le 1er mai 2024.

L'Innocence - Affiche

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *