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Fiche film : La Zone d’intérêt (2023)

Bien que moins tristement célèbre que « la solution finale », l’expression « zone d’intérêt », utilisée par les nazis pour décrire le périmètre de 40 kilomètres carrés entourant le camp de concentration d’Auschwitz, témoigne du même sentiment d’obscurcissement précis et à connotation létale. En 2014, feu Martin Amis avait usé de ces mots pour le titre de son roman dont l’action se déroule à l’intérieur et autour du camp et pour lequel Jonathan Glazer s’était mis en tête d’en faire une adaptation.

Pendant trois ans, le réalisateur et son équipe ont alors exploré différentes ressources du Mémorial et Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau. Jonathan Glazer s’est quant à lui plongé dans autant d’archives et de documents que possible avec comme fil rouge de rechercher le moindre détail sur le commandant du camp d’Auschwitz Rudolf Höss, sur sa femme Hedwig et sur leurs enfants dont la maison se situait précisément dans la fameuse « zone d’intérêt ».

La Zone d’intérêt a obtenu le Grand Prix au Festival de Cannes 2023.

La Zone d’intérêt (The Zone Of Interest – 2023)

Réalisateur(s) :  Jonathan Glazer
Avec : Christian Friedel, Sandra Hüller, Johann Karthaus, Luis Noah Witte, Nele Ahrensmeier
Durée : 1h45
Distributeur : Bac Films
Sortie en salles : 31 janvier 2024

Résumé : Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

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  • Notre avis : La plupart de celles et ceux qui ont découvert La Zone d’intérêt en 2023 en commençant par le festival de Cannes où il y a d’ailleurs empoché le Grand Prix (à ranger certainement dans la catégorie lot de consolation tant le film de Jonathan Glazer avait de farouches partisans au sein du Jury pour lui attribuer la Palme d’or) regrettaient une sortie si tardive les empêchant par exemple de le mettre tout en haut de leur top annuel. On a connu des revendications moins ubuesques. D’autant qu’il faut bien le reconnaître, proposer La Zone d’intérêt en ce mois de janvier 2024 où l’augmentation des actes antisémites en France fait la une récurrente des quotidiens, magazines et de la grand-messe du 20h un soir sur deux tout en étant l’un des # les plus populaires sur les réseaux sociaux, quand ce n’est pas France 2 qui décide de programmer Shoah de Claude Lanzmann en prime, relève à n’en pas douter (et bien malgré lui il va sans dire) d’une forme de génie marketing. On peut même parler de prescience proche d’un certain cynisme que d’aucuns chez Bac Films, le distributeur français, ont dû, à n’en pas douter, avoir en tête a posteriori. Vous me direz que rien n’était gagné non plus car tout ceci pouvait aussi provoquer rejet et lassitude au point de ne pas avoir envie « de prolonger le plaisir » jusque dans une salle de cinéma. Vous auriez certainement raison si les premiers chiffres d’entrées ne semblaient pas affirmer le contraire (cf. nos commentaires plus bas dans la partie box-office).
    D’autant qu’ici on ne peut même pas mettre en avant un phénomène de voyeurisme forcément malsain du spectateur puisqu’avec La Zone d’intérêt rien n’est montré, tout est suggéré. Que voit-on d’ailleurs ? Ou plutôt qu’est-ce que Jonathan Glazer a décidé de mettre en scène ? L’histoire d’un couple marié avec leurs enfants vivant dans une maison et son jardin, sa piscine, ses domestiques dans l’Allemagne de la seconde guerre mondiale. Petite précision qui a son importance, l’homme est Rudolf Höss, le directeur du camp d’Auschwitz et la maison qui nous a été « présentée » via des plans statiques un peu à la manière de caméras de surveillance est située dans cette fameuse « zone d’intérêt ». Une terminologie utilisée par les nazis pour décrire le périmètre de 40 kilomètres carrés entourant le camp de concentration d’Auschwitz. On est en fait ici aux abords immédiats du camp. Un simple mur délimite le jardin et la piscine de l’extermination d’un peuple. La fumée des cheminées déverse de temps à autre et selon la direction du vent ses cendres et ses odeurs que nous percevons dans le regard désorienté de la grand-mère venue de Berlin rendre visite à sa fille. Quant à la bande-son elle est chargée en cris lointains, en coups de feu, en vociférations, le tout drapé par une activité industrielle faite de bruits métalliques de tous les instants.
    Jonathan Glazer filme donc l’autre côté du mur en utilisant des objectifs grand-angle et des cadres n’offrant aucun contre-champ. Un parti-pris de mise en scène qui oblige le spectateur à emplir les vides en utilisant son propre vécu fait usuellement d’images d’archive découvertes ailleurs. On précisera aussi que si la réalisation est un choix qui fait de La Zone d’intérêt un long métrage de fiction, le sujet traité n’a par contre rien de fictif ou romancé. Rudolf Höss et sa famille ont bien habité à quelques encablures du camp pendant quasiment toute la seconde guerre mondiale s’y sentant aussi bien que possible jusqu’à même ne pas vouloir quitter les lieux quand Rudolf Höss se vit monter en grade et en responsabilité tant son efficacité et sa gestion du camp étaient devenues un modèle du genre chez les nazis.
    C’est d’ailleurs vers la moitié du film que celui-ci se délite quelque peu. Quand le mari se doit de vivre dans la capitale pendant que sa femme s’accroche avec ses enfants à sa maison si amoureusement décorée, choyée et continuellement embellie. La caméra comme simple objet de captation convainc dès lors moins. On perçoit même les limites du « projet » qui tend à se diluer dans cette volonté de caractérisation forcément périlleuse car peu en phase avec le postulat de départ où il n’est jamais question de comprendre l’incompréhensible. Et puis par une sorte de pirouette scénaristique qui pourra déplaire à quelques-uns, Glazer nous propulse au 21ème siècle et nous explique dans le même temps la finalité de son dispositif : des femmes de ménage balaient des couloirs, nettoient de grandes baies vitrées, papotent indistinctement, font une pause clope… à Auschwitz devenu un musée. Derrière les baies vitrées on distingue un amas de chaussures abandonnées par des juifs avant de se faire gazer. Les femmes de ménage ne font pas ou plus attention à cet environnement. Elles font même montre d’une indifférence marquée. Pour elles faire ce travail ici ou ailleurs, c’est la même chose.
    Très clairement Glazer filme en fait ici le contre-point. Celui d’une époque où le révisionnisme sur cette période n’a jamais disparu. Au contraire même. Celui où l’antisémitisme ne fait que croître, celui où les partis européens d’extrême droite font leur lit d’une peur de l’étranger (comme dans les années 30), celui d’une population qui était, au mieux, indifférente au sort des juifs (la grand-mère dans le film semblant en effet symboliser ces civils allemands qui savaient mais qui faisaient semblant de ne rien voir). Lors de ces dernières minutes de film, le réalisateur s’explique et explique donc la radicalité de son dispositif avec cette lapalissade en guise de conclusion : Oublier n’est pas une option, hoqueter l’Histoire n’en est pas une autre. 3/5
  • Box office : Avec 45 002 entrées sur 260 copies en 24h, La Zone d’intérêt s’adjuge un excellent démarrage loin devant Argylle et ses 36 917 entrées sur 600 copies (sic !) et à quelques encablures de Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci, 1er de ce classement 1er jour car bénéficiant du début des vacances scolaires d’hiver. Edit 5/02 : 198 926 entrées en 5 jours. La Zone d’intérêt rafle la première place toujours devant Argylle et ses 187 267 spectateurs. D’excellent démarrage, on passe à impressionnant. Edit 7/02 : Au terme de sa première semaine d’exploitation, La Zone d’intérêt s’impose sans coup férir tout en haut du classement des nouveautés avec 239 108 entrées et une impressionnante moyenne de 920 spectateurs par copie. Edit 19/02 : 504 166 entrées au sortir du deuxième week-end après 19 jours au cinéma sur dorénavant 500 copies. Edit 21/02 : 535 450 entrées en 3 semaines de présence dans les salles. Le film ne perdant que 22% de spectateurs par rapport à la semaine précédente confirmant son excellente tenue.
  • La chronique Blu-ray et Blu-ray 4K :  Seul un DVD chez l’éditeur indépendant Blaq Out est annoncé pour le 7 juin. Edit 13/02 : Mais un Blu-ray sera bien aussi de la partie. Date de sortie à confirmer. Edit 22/02 : En fait si un Blu-ray est dorénavant bien annoncé pour le 7 juin, il sera accompagné d’une galette proposant le film en Blu-ray 4K.  Soit chez Blaq Out une totale première en la matière certainement conditionnée par son incroyable carrière au cinéma.

La Zone d'intérêt - Affiche

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