Si le nom d’Ida Lupino ne vous dit rien, pas de panique. Il n’est en effet jamais trop tard. Certains à la rédac pourraient même vous envier tant cette actrice, réalisatrice et productrice qui a œuvrée à Hollywood du début des années 40 à la fin des années 60 a de quoi générer des plaisirs de cinéma inédits aux plus aguerris des cinéphiles.
Une évidence surtout lors de son passage derrière la caméra où elle signera pas moins de 7 longs métrages la propulsant seule femme cinéaste de l’après-guerre. Mais ce qui frappe surtout ce sont les histoires et les thèmes abordés souvent tabous (la bigamie, le viol, les filles mères…) traités à hauteur d’une classe sociale peu ou pas filmée (les déclassés ou les laissés pour compte du capitalisme triomphant). Le style est proche du documentaire et le tout est souvent sans concession pour ne pas dire âpre sans pour autant jamais tomber dans la surenchère ou le pathos larmoyant. Son cinéma se veut ainsi le reflet d’une époque où tout s’obtient avec les dents et où les femmes partent avec plusieurs handicaps de retard. Lupino ne revendique rien mais constate les choses de la manière la plus réaliste et crue possible jusqu’à son incursion dans le film noir, alors à son pic outre-Atlantique, qu’elle soumet à son univers et à son style pour en faire un modèle du genre (Le Voyage de la peur – The Hitch-Hiker – 1953).
Cela tombe bien puisqu’il fait parti des 4 titres choisis par Les Films du Camélia dans le cadre d’un coffret combo DVD + Blu-ray qui sort dès le 27 septembre. Outre Le Voyage de la peur, on pourra (re)découvrir, toujours via une restauration 2K, Avant de t’aimer (Not Wanted – 1949) sur une jeune femme d’à peine 19 ans regrettant l’abandon de son nourrisson qu’Ida Lupino réalisa au pied levé (en remplacement du réalisateur Elmer Clifton qui décéda quelque temps après) initiant dès lors sa carrière de cinéaste en plus de celle de productrice et de scénariste. Faire face (Never Fear – 1949) sur une jeune danseuse devant faire face à la maladie et Bigamie (The Bigamist – 1953) complètent ce coffret. Manque peut-être à l’appel Outrage qu’ida Lupino réalisa en 1950 sur le viol et ses conséquences traumatiques pour la victime. Un angle jamais traité jusqu’alors et qui, malheureusement, reste d’une acuité et d’une prescience dont peu de films peuvent se prévaloir.
Quoi qu’il en soit, ce coffret s’accompagne de bonus alléchants à commencer par un documentaire de 52 minutes intitulé Ida Lupino, la fiancée rebelle d’Hollywood réalisé par Géraldine Boudot dont on a pu déjà croiser la signature sur d’autres docs cinéma comme Dans les oreilles d’Alain Resnais présenté à la Cinémathèque en 2021 ou encore Julien Duvivier, pionnier du 7ème art que l’on pourra découvrir bientôt sur CINÉ+. Et puis chaque film dispose d’une présentation signée Yola Le Caïnec, enseignante en prépa L à Rennes et auteure (entre autres activités) de nombreux articles publiés sur le site de la Cinémathèque sur George Cukor, Ida Lupino et Sacha Guitry. Un livret illustré de 40 pages avec des textes de Ronnie Sheib, productrice et chroniqueuse pour le magazine Variety, vient parachever cette édition.
Le coffret est pré-commandable ici et en attendant de l’avoir en main, on ne saurait trop vous conseiller d’aller jeter un œil à un doc d’une vingtaine de minutes réalisée par Virginie Apiou et diffusé sur Arte en fin d’année dernière. Il est visionnable depuis leur site en cliquant ici. Une excellente mise en bouche pour les plus impatients d’entre vous.
Histoire d’être complet, précisons tout de même qu’Ida Lupino n’a pas un « casier vierge » sur support vidéo physique puisque dès 2006 feu l’éditeur Ciné Malta sortait Le Voyage de la peur dans le cadre d’un double DVD consacré au film noir. À noter, tel un joli clin d’œil, que l’autre film de ce coffret n’était autre que Détour (1945) de Edgar G. Ulmer que l’éditeur Elephant Films a sorti (enfin) en Blu-ray ce 12 septembre. Et puis le 6 janvier 2010 Wild Side sortait à son tour en DVD au sein de sa collection Vintage Classics Le Voyage de la peur mais aussi Bigamie. Le Voyage de la peur avait aussi été édité en 2008 par feu (oui encore) Lancaster. 3 DVD pour Le Voyage de la peur alors que le reste de la filmo de Lupino est quasi passé sous silence. Autre temps où la mise en avant des films noirs de l’âge d’or hollywoodien semblait plus pérenne, autres mœurs enfin corrigés qui permettent donc de souligner l’importance de cette réalisatrice dans le monde si masculin du Hollywood d’alors et encore d’aujourd’hui.
À noter enfin que les 4 films ressortiront au cinéma ce 20 septembre 2023 d’abord au Klub de Metz et au Christine à Paris puis aléatoirement en Province). Les Films du Camélia les avait déjà exploité en 2020 avec à la clé 7 000 spectateurs au compteur. Pour la bonne bouche en voici ci-dessous la bande annonce.