Rififi à Tokyo - Image une test BD

Rififi à Tokyo en Blu-ray chez Gaumont

Quand Jacques Desrayaud dit Deray s’envole pour le Japon, il n’a qu’un film à son actif en tant que réalisateur. C’est Jacques Bar, un producteur qu’il avait rencontré lorsqu’il était assistant, qui lui propose de tourner au Pays du Soleil Levant. Arrêtons-nous deux secondes ici. Jacques Deray avait derrière lui presque une décennie de cinéma en tant qu’assistant réalisateur lui donnant de fait la possibilité de rencontrer du monde dans la profession. Mais surtout Deray s’était déjà fait un nom à tel point qu’il était recherché par bien des cinéastes pour venir les épauler sur leurs tournages respectifs à commencer par Gilles Grangier avec qui il a travaillé sur 9 films dont Gas-oil (1955) avec Jean Gabin. Mais Deray, sentant le danger d’une telle position appelée immanquablement à se figer, se lance dans le grand bain en 1960 avec Le Gigolo où l’apprenti réal réunit devant sa caméra Brialy et Alida Valli. Un film que l’on n’a que très peu vu en télé et qui n’existe sur aucun support vidéo physique ou dématérialisé. Mais pour la petite histoire, l’ayant droit Pathé a en novembre 2023 fait une demande d’aide sélective à la numérisation du film. Ayant obtenu 22K€ il est dorénavant fort à parier que Le Gigolo fera l’objet d’une restauration ainsi que d’une édition Blu-ray et DVD courant 2024.

Rififi à Tokyo

Éditeur :Gaumont
Sortie le :18 octobre 2023  

Au cinéma le : 29 mars 1963

Résumé : À Tokyo, Van Hekken, voleur mondialement connu, convoite un diamant protégé par les moyens les plus modernes. Van Hekken s’entoure d’un groupe de spécialistes, dont un certain Mersen, qui veut venger un de ses amis tué par Kan, un des rois de la pègre local, lui aussi à la poursuite du diamant.

Rififi à Tokyo - Affiche

Le Gigolo se faisant remarquer tant par les retours critiques plutôt bonnes que par une carrière au cinéma honorable, voici donc que Jacques Bar lui propose cette histoire écrite par Auguste Le Breton qui s’était rendu indispensable au cinéma après que quelques-uns de ses romans policiers adaptés pour le grand écran aient confirmé leur succès rencontré en librairie dans la fameuse collection « Série noire ».  On pense ainsi, rien qu’en 1955, à Razzia sur la chnouf d’Henri Decoin, Le Rouge est mis de Gilles Grangier ou encore à Du rififi chez les hommes de Jules Dassin. La locution rififi étant d’ailleurs devenu depuis une marque déposée par Le Breton avec la ferme intention de la décliner sans aucune limite géographique à commencer donc par Tokyo. Rififi à Tokyo n’est pas un roman mais une histoire originale écrite spécialement pour le cinéma qui sera révisée par moult scénaristes avant d’atterrir entre les mains du fameux José Giovanni, auteur du livre Le Trou que Jacques Becker avait adapté avec succès en 1960. C’est lui qui accouchera de la version finale prête à tourner comme on dit.

Pour cette histoire de casse au bout du monde, Deray s’entoure d’un cast international (prod ad hoc oblige) de choix. On a d’abord Charles Vanel en vieux truand qui veut tirer sa révérence avec un dernier gros coup. Dérober un énorme diamant qui se trouve dans une banque à la sécurité ultra moderne (caméras, détection de mouvements, système électronique dernier cri…). Si aujourd’hui ce genre de récit ferait sourire tant il est usé jusqu’à la corde, à l’époque cela reste novateur. Un sentiment que l’on peut toutefois retrouver grâce à la réalisation de Deray qui fait montre à la fois d’une rigueur toute documentaire dans sa façon de filmer les rues de la capitale japonaise ainsi que sa faune où il n’est pas rare de croiser quelques membres de la pègre locale, mais aussi d’une appétence à poser sa caméra au cœur de l’action quelle soit verbale ou physique. Le plan de fin magistral (sécheresse de la mise en scène qui accentue le sentiment de déracinement du personnage) résume quelque part encore toute la modernité du point de vue insufflé par Deray et ce dès les premières minutes du film.

Rififi à Tokyo - Cap Blu-ray

Charles Vanel

Aux côtés de Vanel on trouve Karlheinz Böhm (oui l’empereur François-Joseph et mari de Sissi aka Romy Schneider) qui enchainait à l’époque les tournages de par le monde et dont nous risquons de vous en parler encore avec Le Voyeur (1960 – Peeping Tom) de Michael Powell que StudioCanal édite en Blu-ray et Blu-ray 4K en ce mois de janvier 2024. Son personnage ici est typique de ce que l’on pouvait trouver dans les polars à la française de cette époque. Un truand qui n’aspire qu’à une vie rangée des voitures, cynique et désenchanté, mais que les codes moraux de sa corporation obligent à replonger. Le personnage féminin est tenu par Barbara Lass, actrice polonaise qui venait tout juste de se séparer de Roman Polanski. Elle joue ici la femme de l’ingénieur français (Michel Vitold) venu au Japon pour mettre au point une machine censée déjouer la surveillance électronique mise au point par la banque. Dans ses mémoires (J’ai connu une belle époque aux Editions Christian Pirot) Deray nous confie que Karlheinz Böhm et Barbara Lass se sont trouvés des atomes crochus avant que femmes et enfants de l’acteur autrichien ne débarquent au Japon. Mais comme le précise Deray, c’était trop tard. L’idylle se ressent à l’écran et se poursuivra par la suite jusqu’au mariage.

Karlheinz Böhm et Barbara Lass

Deray faisait déjà montre d’une sacrée direction d’acteurs. On sent la poigne de ses consignes guidées comme on l’a déjà dit par une caméra qui sait capter les moments clés sans pour autant s’y appesantir sinon par de magnifiques gros plans sur les visages. Il y a aussi une fluidité dans le montage qui ne fera que s’affirmer de film en film. Deray ayant déjà à l’esprit comment guider au mieux son spectateur au cœur de l’intrigue ne le laissant que très rarement souffler jusqu’à finir par l’étouffer. La qualité de la photo joue aussi pour beaucoup dans ce cheminement. Elle est signée d’un certain Tadashi Aramaki. Deray, dans ses mémoires, précise que c’était un ancien Kamikaze que l’arrêt de la guerre a sauvé. Et il faut dire que revoir le N&B de Rififi à Tokyo restauré de la sorte (en 4K) permet une véritable redécouverte du film qui pour la petite histoire n’a semble-t-il pour l’instant jamais bénéficié d’une ressortie en salle avec ce nouveau master (pour l’avoir constaté par nous-mêmes, le cinéma Écoles Cinéma Club à Paris l’exploitait encore en octobre et novembre 2023 dans une copie datant d’un autre siècle). Tout à l’opposé de l’image proposée par ce Blu-ray à la définition ciselée qui ne met jamais de côté le grain cinéma et sans jamais oublier les contrastes. Ceux-ci sont d’ailleurs palpables tant de jour que de nuit, tant à l’extérieur qu’en intérieur. C’est tout simplement un plaisir constant pour les yeux et certainement l’une des plus belles images constatées sur le support pour un film de patrimoine en 2023.

La partie sonore n’est pas en reste avec un mixage d’origine magnifiquement retranscrit par un encodage en mono DTS-HD MA 2.0 jamais contrit. Au contraire on a l’impression que celui-ci permet une belle stratification des ambiances de la ville mêlées aux actions d’envergure ou intimes qui peuvent s’y dérouler. On n’utilisera pas le qualificatif d’enveloppant, ce serait forcément inexacte et de toute façon ne rendant pas service du film. Mais plutôt celui de fidèle. Fidèle à un film naturellement immersif.

À sa sortie, Rififi à Tokyo ne marchera pas des masses. Mais la critique adoube déjà Deray en le considérant comme un artisan hors pair avant de bientôt casser la baraque au box-office avec La Piscine (1968), Borsalino (1970)… On en passe. C’est au demeurant ce que ne manquent pas de dire les intervenants choisis par l’éditeur (Sylvain Perret pour ne pas le nommer) pour revenir sur le film. On a ainsi droit à Olivier Père, journaliste et Directeur général d’ARTE France Cinéma, Mathieu Letourneux, auteur de Autour de la pop culture et Dominique Jannerod, spécialiste en littérature noire. À eux trois et chacun dans son domaine de compétence, ils nous parlent des origines du roman policier à la française avec des focus sur Auguste Le Breton, Albert Simonin et José Giovanni. Olivier Père recentrant le propos sur Jacques Deray et sur sa relation avec le producteur Jacques Bar avec qui il retravaillera en 1972 pour Un homme est mort qu’il tournera cette fois-ci à Los Angeles et qui lui aussi est dorénavant disponible en Blu-ray chez Gaumont. Il précise aussi le rôle très important de Bertrand Tavernier et Pierre Rissien, alors attachés de presse, pour la notoriété du film. Ce que Deray ne manque pas de mentionner au sein de ses mémoires tout en nous gratifiant de tout un paragraphe sur sa rencontre avec le grand Jean-Pierre Melville qui tenait absolument à visionner son film chez lui à son studio rue Jenner.

On mentionnera enfin la présence là aussi en guise de bonus de quelques scènes coupées. Elles sont toutes muettes et cela ne dure que 105 secondes. Mais 105 secondes de pur bonheur car s’y trouve les fameux plans que l’on croyait perdus que Deray décrivait dans ses mémoires ainsi : « Avant la sortie du film, je dois me soumettre à la censure qui exige la suppression de quelques plans d’une séquence jugée trop violente. Un homme est écrasé par une voiture. Le chauffeur, avec sadisme, repasse plusieurs fois sur le corps. » Nous vous les proposons en intégralité ci-dessous. C’est notre cadeau bonus à nous en espérant vous avoir donné le coup de grâce pour (re)découvrir toutes affaires cessantes Rififi à Tokyo.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DTS HD-MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants et Anglais
  • Durée : 1h43min 03s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Invention du noir français : Autour de Rififi avec les interventions de Olivier Père, journaliste, Mathieu Letourneux, auteur de Autour de la pop culture et Dominique Jannerod, spécialiste en littérature noire (2023 – 49min 05s – HD)
  • Scènes coupées (1min 45s – HD)
  • Rififi à Tokyo restauré (2min 40s – HD)
  • 2 bandes-annonces du film :
    • Rififi à Tokyo (Sans carton – 3min 35s – HD)
    • Rififi à Tokyo (Avec carton – 3min 35s – SD)

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