Le Prix du danger - Image une test BD

Le Prix du danger en Blu-ray chez Tamasa

On peut raisonnablement avancer que Le Prix du danger est quasi le chant du cygne d’un Yves Boisset montrant les muscles au cinéma. On parle du réalisateur qui avançait dans les années 70 sûr de son fait dans la dénonciation à tout crin d’une société corrompue (Le Saut de l’ange – 1971) et/ou trompée par ses édiles (L’Attentat – 1972 / R.A.S. – 1973). Une société foncièrement raciste (Dupond Lajoie – 1975) dotée d’une justice et d’une police aux ordres de la hiérarchie et du politique (Le Juge Fayard dit « le Shériff » – 1977 / La Femme flic – 1980). Avec Le Prix du danger, Boisset changeait diamétralement de braquet du côté de la forme en s’essayant au film d’anticipation (pour l’époque en tout cas), genre peu développé de par chez nous, mais qui dans le fond prolongeait son analyse peu reluisante d’une société manipulée, endormie, endoctrinée par un jeu télévisé faisant office en sous-main d’une nouvelle forme d’opium du peuple.

  • Le Prix du danger (1983) de Yves Boisset - Packshot Blu-ray
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Le Prix du danger

Éditeur :Tamasa Diffusion
Sortie le :16 avril 2024  

Au cinéma le : 26 janvier 1983

Résumé : Dans un futur proche, un jeu télévisé intitulé Le Prix du danger fait fureur. Les règles sont simples : un homme doit parvenir à rejoindre un endroit secret, en échappant à cinq traqueurs chargés de le tuer. Si le candidat gagne, il se voit attribuer la somme de 1 million de dollars, ce qui n’est encore jamais arrivé… Le tout se déroule en pleine ville, filmé et retransmis en direct sur la chaîne de télévision CTV. François Jacquemard, un jeune chômeur, veut sortir de son quotidien morose et malgré les réticences de sa compagne, Marianne, décide de participer au jeu.

Le Prix du danger - Affiche

Le Prix du danger c’est d’abord une nouvelle de science-fiction de Robert Sheckley, parue à l’origine sous le titre The Prize of Peril, en 1958. C’est le producteur Norbert Saada qui tombe dessus à la fin des années 60 avec très vite l’envie de l’adapter au cinéma. Quinze années ont été nécessaire pour que finalement le projet échoit à Boisset avec qui il vient de faire Espion lève-toi, un film aux accents kafkaïens en pleine guerre froide toujours aussi efficace mais quelque peu daté aujourd’hui. Boisset s’attelle à l’adaptation en compagnie de Jean Curtelin avec qui il avait déjà collaboré sur Dupond Lajoie. Ce qui donne l’histoire de François Jacquemard, un jeune chômeur qui participe à un jeu télévisé intitulé Le Prix du danger aux audiences stratosphériques dont les règles consistent à échapper à cinq traqueurs chargés de le tuer avant la fin de l’émission. S’il réussit, il remportera la somme de 1 million de dollars, ce qui dans l’histoire du jeu n’est encore jamais arrivé. Un arc narratif qui rappelle en soit Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game) que réalisa en 1932 Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel.

Avec le recul, Le Prix du danger tient encore sacrément la route et ce malgré des incohérences et quelques séquences faiblardes. Des constats et une analyse que l’on pouvait déjà faire à la sortie du film mais qui depuis ne sont pas devenus des griefs à même de le renvoyer aux oubliettes. C’est que Le Prix du danger a dorénavant pour lui une qualité qui n’en était pas encore une à l’époque. Celle d’être un film visionnaire. Celle d’être un film annonciateur d’une dérive télévisuelle connue depuis les débuts des années 2000 sous l’appellation de « télé réalité ». Alors certes on ne tue pas encore en direct mais l’élimination un par un des candidats dans Koh-Lanta (pour ne citer que l’émission la plus populaire du moment) est pour le moins d’une rare violence psychologique sans parler de la nature extrême sinon sadique des épreuves auxquelles les décisionnaires du show n’hésitent pas à soumettre les candidats qui physiquement finissent bien souvent totalement rincés.

Pour autant, la télévision française du début des années 80 portait déjà en elle les scories à venir. À tel point d’ailleurs que l’animateur alors vedette Jacques Martin de l’émission à succès Incroyable mais vrai s’étant reconnu dans le portrait peu flatteur du présentateur joué par Michel Piccoli et avait crié son indignation dans la presse n’hésitant pas à affirmer que tout ceci relevait du plagiat de sa propre émission. Norbert Saada en rigole encore dans l’entretien qu’il donne pour ce Blu-ray précisant que cela s’était calmé recta quand il avait appelé Jacques Martin pour lui rappeler que le film adaptait un bouquin datant de 1958. Une autre émission mettant en scène des candidats en quête d’un trésor en un temps imparti tenait aussi le haut de l’audimat télévisuel à cette époque. Cela s’appelait La Chasse aux trésors et c’était animé par Philippe de Dieuleveult mort tragiquement et quelque peu mystérieusement (son corps n’a jamais été retrouvé) durant l’été 1985 sur le fleuve Congo (appelé Zaïre à l’époque).

Le Prix du danger - Capture bonus Blu-ray Lanvin et Boisset sur le tournage du Prix du danger

On y pense car Le Prix du danger adopte une réalisation idoine à celle qui avait cours sur La Chasse aux trésors n’hésitant pas à recourir à des plans effectués depuis un hélicoptère ou de suivre au plus près les candidats en caméra portée. Une dynamique que prolonge à merveille Gérard Lanvin qui joue le candidat traqué et que ce rôle a définitivement installé sur le devant de la scène cinoche en France (le film réalisera 1 388 858 entrées) alors que pour rappel c’était Patrick Dewaere qui était le premier choix et de Saada et de Boisset. Mais l’acteur trainait alors un spleen par trop évident au point de se résoudre à devoir changer d’interprète. Dewaere devant malheureusement se donner la mort quelque temps après. Comme le dit Marc Angelo, alors premier assistant réalisateur, qui intervient lui aussi en bonus dans un entretien réalisé en 2023, on peut s’interroger sur l’angle qu’aurait adopté Dewaere pour endosser les habits de cet homme traqué en direct sous les yeux d’une foule cathodique (mais aussi in situ) excitée par le sang et la mort. Certainement quelque chose de moins frontal ou physique et plus tourmenté. Un peu à l’image d’Harvey Keitel dans La Mort en direct (1980), autre film dénonçant la « dictature du voyeurisme » que réalisait Bertrand Tavernier en 1980.

Le Prix du danger - Capture bonus Blu-ray

Marc Angelo apporte sinon quelques informations intéressantes sur le déroulé du tournage qui s’est principalement effectué en Yougoslavie car comme le dit Saada, on pouvait utiliser des hélicoptères à moindre coût et survoler une ville à basse altitude. Il nous précise aussi que Boisset n’était pas du genre à s’embarrasser plus que cela sur sa direction d’acteurs. C’était plus un homme d’action qui communiquait beaucoup sur le plan pratique des scènes à filmer et moins sur ses intentions profondes de mise en scène. Norbert Saada ajoutant de son côté que ce n’était pas un gros travailleur au moment de l’écriture. On rappellera que les deux personnages ont travaillé ensemble sur trois films (Espion lève-toi / Le Prix du danger / Canicule) qui ont tous vu le jour entre 1980 et 1985. Trois films qui sont indubitablement un cran en dessous de ceux qu’il a réalisé lors de la précédente décennie. De fait, le ressenti de Saada ne doit pas forcément s’entendre sur l’ensemble de la carrière de Boisset. S’il reconnaît sinon que Le Prix du danger reste un formidable film intelligent et populaire, il n’hésite pas à émettre des réserves sur certains choix de décors (ceux du studio de télé par exemple) ou certaines séquences déficientes au niveau de la tension. Et de conclure que si Boisset n’a pas su perdurer dans le cinéma (il a en effet beaucoup travaillé pour la télévision dès la fin des années 80) c’est qu’il n’a pas su se renouveler proposant toujours les mêmes codes et les mêmes approches d’un cinéma dit politique qui n’avait plus le vent en poupe.

Le Prix du danger - Capture bonus Blu-ray

Nous, on aurait plutôt tendance à penser que Boisset avait encore des multitudes de choses à dénoncer, à critiquer ou à mettre à l’index. Mais que oui les temps avaient changé et avec lui une société de moins en moins apte à se remettre en question, à regarder ses déviances, ses défauts ou tout simplement à prendre la peine de se poser les bonnes questions. Une société de veaux asservie par l’image telle que décrite par John Carpenter dans Invasion Los Angeles (1988) que les smartphones et autres écrans associés aux réseaux sociaux n’ont fait que renforcer. En cela oui Le Prix du danger n’a pas pris une ride.

D’autant que la signature technique de ce Blu-ray est en tout point convaincante avec une image issue du même master utilisé en 2014 pour le DVD Tamasa. Il est annoncé restauré 4K. On présume que la réalité est plus complexe mais dans les faits ce Blu-ray rend justice à la photo en apparence quelconque (éclairage et étalonnage assez « crus ») mais proche des standards de l’époque propre à une émission télé tout en procédant à un upgrade salvateur tant en matière de définition qu’en termes de contrastes sans oublier le grain qui vient apporter in fine un ressenti pellicule bienvenu. Côté son, le mono encodé en DTS-HD MA 2.0 est dynamique et ample ne se laissant jamais déborder lors des nombreuses scènes d’action. De quoi (re)voir Le Prix du danger dans des conditions plus qu’appréciables.

Ps : Si Le Prix du danger vous fait penser, au hasard, à The Running Man avec Arnold Schwarzenegger (disponible en Blu-ray 4K import chez Paramount depuis mai 2023), c’est normal. C’est un remake / plagiat que n’ont jamais voulu assumer les sociétés américaines Worldvision, Taft Entertainment et Keith Barish qui ont produit le film de Paul Michael Glaser. L’affaire a été portée en justice par Yves Boisset, Norbert Saada et UGC Droits Audiovisuels qui après de longues années de procédure ont finalement eu gain de cause. Comme le dit Norbert Saada en bonus « je peux être très têtu ». C’est certainement la raison de l’absence du titre en Blu-ray et Blu-ray 4K en France.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.66.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Aucun
  • Durée : 1h38min 32s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (en HD) :

  • Yves Boisset : L’Envie d’en découdre (2013 – 19min 14s)
  • Entretien avec Marc Angelo, premier assistant réalisateur (2023 – 35min 37s)
  • Entretien avec Norbert Saada, producteur (2023 – 26min36s)
Bluraygraphie Yves Boisset
  • Coplan sauve sa peau (1968) : Inédit
  • Cran d’arrêt (1970) : Un DVD existe. Il est disponible uniquement au sein d’un coffret intitulé Le cinéma français, c’est de la merde Vol. 3 en édition spéciale Fnac. L’éditeur est sans surprise StudioCanal.
  • Un condé (1970) : En Blu-ray et DVD chez ESC depuis le 4 juin 2019 restauré 2K qui remplacent  avantageusement une édition DVD parue chez Opening en 2007.
  • Le Saut de l’ange (1971) : Disponible en Blu-ray chez StudioCanal au sein de la collection Make my Day avec Espion lève-toi depuis le 26 juillet 2023.
  • L’Attentat (1972) : En DVD chez Tamasa. Un Blu-ray import US est disponible depuis le 14 septembre 2021 chez l’éditeur Code Red.
  • R.A.S. (1973) : Un Blu-ray est disponible depuis le 4 juin 2024 chez Tamasa.
  • Folle à tuer (1975) : En Combo DVD/Blu-ray chez StudioCanal depuis le 31 juillet 2019 au sein de la collection Make my day. Master issu d’une restauration récente en HD.
  • Dupont Lajoie (1975) : En DVD chez TF1 Vidéo depuis 2007. Le master est fatigué pour ne pas dire très fatigué.
  • Un taxi mauve (1977) : Idem que ci-dessus
  • Le Juge Fayard dit Le Shériff (1977) : En DVD chez Jupiter depuis 2015. L’image proposée est indigne du support mais en guise de bonus on trouve une rencontre entre le juge Eric de Mongolfier et Yves Boisset. Un document d’exception.
  • La Clé sur la porte (1978) : Inédit
  • La Femme flic (1980) : Un Blu-ray est disponible depuis le 19 septembre 2023 chez Tamasa.
  • Allons z’enfants (1981) : En DVD chez Tamasa depuis 2014. Master HD honorable.
  • Espion, lève-toi (1982) : Disponible en Blu-ray au sein de la collection Make my Day chez StudioCanal avec Le Saut de l’ange depuis le 26 juillet 2023.
  •  Le Prix du danger (1983) : Chronique Blu-ray ci-dessus.
  • Canicule (1984) : En Combo DVD/Blu-ray chez StudioCanal au sein de la collection Make my day. Image issue d’un master HD ancien plus que limite pour un portage en Blu-ray.
  • Bleu comme l’enfer (1986) : Disponible en DVD depuis 2008 chez LCJ Editions. On passe son chemin tant le film et la copie proposés sont indignes.
  • La Travestie (1988) : Inédit (et franchement tant mieux)
  • Radio Corbeau (1989) : Inédit
  • La Tribu (1991) : Inédit

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