Brigade secrète - Image une test BD

Brigade secrète (The Sleeping City – 1950) en Blu-ray chez Elephant Films

Brigade secrète fait partie de ces productions qui inondaient les cinémas de quartier américains depuis les années 30 et qui connurent leur apogée pendant et juste après la seconde guerre mondiale. Des films qui pouvaient être aussi présentés en avant-programme d’une grosse sortie ou avec un autre film du même acabit dans le cadre de doubles programmes. Ces films, qui ne dépassaient jamais les 85 minutes, étaient alors connus sous l’appellation « Séries B ». Une dénomination qui s’est depuis fourvoyée en ramenant ce genre de production à leur simple budget. Alors qu’à l’époque une série B ce n’était pas que cela. Une série B c’était aussi et surtout un tournage court (max 5 semaines) avec des acteurs bien souvent sous contrat avec un Studio (que les Studios pouvaient d’ailleurs se prêter) et qui recevaient donc un salaire à la semaine ou au mois qu’ils tournent ou pas. Et de fait il fallait donc les faire bosser quitte à sortir des films à la chaîne. C’était une époque où les Studios étaient aussi bien souvent propriétaires de leur propre parc de salles de cinéma ce qui avait pour conséquence que quel que soit le film produit, il était assuré d’être distribué avec à la clé une perspective de retour sur investissement beaucoup moins aléatoire qu’aujourd’hui. Mais la loi Antitrust entérinée par la Cours Suprême en 1948 y mit fin. Cela, cumulé avec l’arrivée de la télévision, fit que la série B originelle a progressivement disparu au profit de productions télés (séries TV et autres téléfilms) pendant qu’Hollywood tentait de se réinventer à coup de grosses machineries en cinémascope et en Technicolor (histoire justement de faire décrocher le quidam de sa télé).

Brigade secrète

Éditeur :Elephant Films
Sortie le :28 mai 2024  

Au cinéma le : 16 octobre 1954 en Alsace (Inédit à paris)

Résumé :  Un interne est assassiné au sein de l’hôpital Bellevue de New York. L’affaire semble compliquée et le chef de la police décide de placer l’inspecteur Fred Rowan, qui a officié comme infirmier dans l’armée, sous couverture dans l’établissement. Sa plongée en immersion lui fait courir de nombreux dangers…

Brigade secrète - Affiche US

C’est avec les séries B que nombre d’apprentis réalisateurs dans la décennie 40 se sont fait la main. On pense ainsi à Anthony Mann, Robert Wise, Richard Fleischer… pour ne citer que les plus évidents. Issu de la même génération, le cas de George Sherman est un peu différent.  Lui s’est complètement fondu dans le moule de ce genre de productions pour en faire sa marque de fabrique surtout dans le western. Ce qui aura eu pour conséquence de lui octroyer une réputation d’artisan certes sympathique mais pas au-delà. C’est grâce à Bertrand Tavernier que sa filmographie a été redécouverte et à la vision de Brigade secrète que Sherman réalise en 1950, on peut sans aucun doute affirmer qu’il avait mille fois raison de ne pas laisser ce réalisateur croupir dans l’ombre des Howard Hawks, Otto Preminger, Billy Wilder, Robert Siodmak… qui tenaient alors le haut de l’affiche en matière de films noirs.

Car oui Brigade secrète est un film noir. Et fort bien troussé de surcroît. Il raconte l’enquête menée par un inspecteur de police au sein d’un grand hôpital new-yorkais à la suite de l’assassinat d’un interne. Se faisant passer lui-même pour un médecin (il a été infirmier dans l’armée durant la seconde guerre mondiale), le voici qui doit démêler le vrai du faux tout en préservant sa couverture. Sur ce canevas à l’époque peu commun et qui depuis a été usé jusqu’à la corde, George Sherman s’appuie exclusivement sur des décors naturels où la ville de New-York et l’Hôpital de Bellevue y jouent un rôle majeur donnant à sa mise en scène un aspect « cinéma vérité » à l’opposé des us et coutumes de l’époque à Hollywood où filmer en studio était la norme. À l’opposé mais pas inédit non plus puisqu’un certain Jules Dassin avec son fameux triptyque Les Démons de la liberté (1947), La Cité sans voiles (1948) et Les Bas-fonds de Frisco (1949) avait déjà opté pour un tournage en dehors des studios faisant des villes où il situait ses actions ses personnages centraux.

L’autre point fort de Brigade secrète est la prestation d’ensemble d’une très belle homogénéité. Depuis les rôles les plus secondaires au couple Richard Conte, Coleen Gray, personne ne vient entamer la crédibilité du film. Au contraire même. Les dialogues sont sans fard, les regards jamais appuyés par la mise en scène qui fait montre par ailleurs d’une certaine recherche stylistique avec ses profondeurs de champ dans les couloirs de l’hôpital ou lors de cette séquence du début où un long travelling anxiogène se termine sur un face à face filmé de profil et plan serré entre un visage et une arme à feu. Surprenant et toujours aussi efficace aujourd’hui.

Brigade secrète - Capture Blu-ray film

Enfin, la présence quasi animale de Richard Conte, un acteur malheureusement un peu oublié, finit d’emmener Brigade secrète au-delà de son périmètre initial de série B. Certes, il lui manque un petit truc en plus pour accéder à l’étage du dessus à l’instar au hasard d’Association criminelle (The Big Combo) de Joseph H. Lewis (un autre de ces réalisateurs ayant donné à la série B ses lettres de noblesse) que nous avions chroniqué ici avec déjà Richard Conte. Pour autant, il serait bien dommage de passer à côté de cette petite pépite qui ne peut que donner envie de suivre les recommandations de Bertrand Tavernier et de (re)découvrir tout ou partie la filmographie de George Sherman.

Une affirmation que ne vient absolument pas infirmer Eddy Moine au sein du seul bonus (au-delà de quelques bandes annonces) de cette édition. Le fils d’Eddy Mitchell dont la passion du cinéma est aussi dévorante que celle de son père, nous assure lui aussi de l’intérêt de ce titre tout en prenant le temps de faire un long focus sur son réalisateur ne manquant pas ainsi de souligner sa pléthorique filmographie où, s’il a abordé tous les genres, il ressort que le western y occupe une très grande place avec la particularité d’avoir été assez constant dans sa volonté de prendre fait et cause pour les indiens. Il note aussi qu’aucun bouquin ne lui a été consacré à ce jour et qu’aucune interview n’existe de lui.

Brigade secrète (The Sleeping City) - Affiche US horizontale

Quelque part, cette condescendance à l’égard de Sherman se constate jusqu’aux qualités techniques de ce Blu-ray. En effet, si la partie image tient plutôt bien la route (joli grain / contrastes éloquents / définition convaincante) et ce malgré un master plutôt fatigué (griffures et points blancs intempestifs), que dire de la bande son ? Un carton en début de film nous précise que la piste audio d’origine (en VO uniquement vu que le film est inédit au cinéma chez nous) étant irrémédiablement endommagée, la piste sonore proposée est la seule source disponible. Et celle-ci, malgré les efforts annoncés (de restauration ?) demeure à la fois étouffée et nasillarde avec des dialogues en retrait à la limite de l’audible parfois. La seule chose que l’on peut dire pour être un peu positif c’est que l’on finit par s’y habituer. Nous sommes cependant convaincus qu’avec les technologies actuelles associées à de l’Intelligence Artificielle, on serait en mesure de proposer beaucoup mieux. Mais cela a un coût et Brigade secrète, faut-il le rappeler, n’est qu’une simple série B à la notoriété proche de zéro. On précisera à toutes fins utiles que l’investissement de l’éditeur français Elephant Films n’est pas à mettre en cause ici. Soit il laissait ce film croupir dans l’anonymat, soit il lui donnait un minimum d’exposition et ce même si le matériel pour ce faire est plus que limité. Dernière chose, l’éditeur US Kino Lorber a sorti Brigade secrète en 2020 au sein du coffret Blu-ray intitulé Film Noir: The Dark Side of Cinema Vol 3. On y décelait le même problème de son pour lequel Elephant Film a posé la question auprès de l’ayant droit Universal qui leur a donc précisé que c’était le seul matériel dispo. Dont acte.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français, Anglais (blanc ou jaune)
  • Durée : 1h25min 39s
  • 1 BD-25

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (en HD) :

  • Le film par Eddy Moine (2024 – 11min 19s)
  • Bande-annonce d’époque (2min 05s – VOST)
  • Bandes-annonces dans la même collection :
    • Faux monnayeurs (Outside the Law – 1956 – 2min 14s – VOST)
    • Piège à minuit (Midnight Lace – 1960 – 2min 55s – VOST)
    • La Clé de verre (The Glass Key – 1942 – 1min 53s – VOST)
    • La Clé de verre (The Glass Key – 1942 – 1min 53s – VOST)
    • À l’abordage (Against All Flags – 1952 – 2min 45s – VOST)
    • Meurtre sans faire-part (Portrait in Black – 1960 – 1min 21s – VOST)
    • Pour toi j’ai tué (Criss Cross 1949 – 2min 41s – VOST)

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