Déménagement de Shinji Sōmai a été présenté au Festival de Cannes en 1993 dans le cadre de la section Un certain regard. Le film est resté inédit en France et n’a pas eu beaucoup d’échos au Japon lors de sa sortie. La réputation du film n’a cessé pourtant de croître chez les cinéphiles et les cinéastes au Japon. Il est numérisé et restauré en 2023 par Yomiuri Telecasting Corporation sous la supervision de son chef opérateur Toyomichi Kurita. La version numérisée en 4k et restaurée du film est présentée à la Mostra de Venise, en première mondiale, en septembre 2023.
Déménagement (Ohikkoshi – 1993)
Réalisateur(s) : Shinji Sōmai
Avec : Tomoko Tabata, Kiichi Nakai, Junko Sakurada
Distributeur : Survivance
Durée : 2h 04min
Sortie en salles : 25 octobre 2023
Résumé : Ren est une jeune fille dont les parents viennent de divorcer. Son père déménage, et elle doit s’adapter à cette nouvelle vie voulue par les adultes. Révoltée contre le monde des grandes personnes qu’elle interroge avec clairvoyance, elle devra apprendre à grandir et à se réconcilier avec eux au cours d’un cheminement qui l’amènera aux confins de la réalité.
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- Notre avis : Le nom de Shinji Sōmai ne vous dira sûrement rien. En tout cas c’était notre cas il y a encore quelques semaines jusqu’à ce que l’on reçoive un mail nous invitant à venir découvrir Déménagement en projection de presse. Le film date de 1993 et le japonais Shinji Sōmai en est donc son réalisateur. En cherchant un peu, on s’est rendu compte qu’il a tout de même eu les honneurs d’une rétrospective à la cinémathèque française en 2012. Ce qui nous fait dire que pour certains d’entre vous, sa filmo vous est peut-être familière. Nous, toujours pas. Sinon que dorénavant, nous avons découvert le dixième long métrage d’une filmo qui en compte treize au sein d’une carrière débutée en 1980 et qui s’est prématurément arrêtée en 2000 puisque Shinji Sōmai s’est éteint à 53 ans en 2001. Comme précisé en en-tête de cette fiche, Déménagement a été sélectionné au Festival de Cannes 1993 section Un certain regard sans que pour autant il ait trouvé un distributeur français. Oui car à ce jour et l’exception tardive de Déménagement, pas un de ses films n’a eu les honneurs d’une sortie salle en nos contrées.
Il faut dire qu’en ce début de décennie, les salles de cinéma françaises ne favorisent pas particulièrement l’émergence de la nouvelle génération de cinéastes nippons. Il faudra ainsi toute la persévérance d’un Jean-Pierre Dionnet pour que Porco Rosso de Hayao Miyazaki trouve les chemins en 1995 des salles obscures de chez nous alors que le maître des Studios Ghibli a déjà cinq longs-métrages d’animation derrière-lui. De son côté si Akira de Katsuhiro Ōtomo sort lui aussi en 1991 au cinéma, ce sera plus de 3 ans après son exploitation au pays du Soleil Levant. Et nous ne parlons ici que d’animation car du côté des films il faut bien reconnaître la frilosité du marché puisque à part Rêves et Rhapsodie en Août de Akira Kurosawa (réal à la notoriété plus qu’établie en France) qui sortent en 1990 et 1991, rien de bien neuf à l’horizon. Il faudra ainsi attendre 1995 pour que déboule Sonatine d’un certain Takeshi Kitano qui s’il n’attira pas franchement les foules (37 402 entrées) incitera tout de même plus facilement les distributeurs à sauter le pas puisque débarqueront dans la deuxième moitié des années 90 Kore-eda (After Life qui sort en 1997), Kiyoshi Kurosawa (Cure sort en 1999), Mamoru Oshii (Ghost in the Shell sort en 1997), Satoshi Kon (Perfect Blue sort en 1999)…
Pour revenir à Sonatine, précisons qu’il était lui aussi présent à Cannes dans la section Un certain Regard de 1993 mais qu’à la différence de Déménagement il a donc tapé dans l’œil d’un distributeur français. Il faut dire que voilà un film qui ne se laisse pas apprivoiser aussi facilement que le thriller ultra violent de Kitano à un moment où le marché a encore des étoiles plein les yeux avec la découverte l’année précédente de Reservoir Dogs (310 398 entrées) du nouveau venu Quentin Tarantino dont on dira que Sonatine en est le rejeton évident. Déménagement parle en effet d’un divorce vu, subi et filmé à hauteur d’une enfant de 10 ans. La caméra de Shinji Sōmai est adepte de plans-séquence ou de plans fixes rigoureusement cadrés. Il s’agit de faire ressentir au spectateur toute la détresse d’une petite fille qui dès le départ n’accepte pas cette séparation synonyme de bouleversement de ses repères de vie. Le film glissant dès lors d’une chronique somme toute légère et familiale à un désespoir de plus en plus dur et insoutenable. Et puis intervient une seconde partie où sous couvert d’une ruse de notre héroïne arrive à réunir ses deux parents dans une ville balnéaire où se déroule le temps d’un week-end une fête locale. Shinji Sōmai adopte alors une mise en scène et un ton radicalement différents. Quelque chose qui s’apparenterait à du Fellini période Et vogue le navire (1983) où la réalité et le fantastique ne font plus qu’un le tout saupoudré d’une belle pincée d’onirisme légèrement anxiogène.
C’est peu de dire que nous voilà totalement déstabilisé, envoyé dans un monde où une forme de cauchemar éveillé s’évertue à couler nos dernières certitudes et nos repères de cinéma. Déménagement nous balade dès lors aux confins de la cinématographie et de l’expérimentation visuelle sans que pour autant on ait eu l’impression que Shinji Sōmai se soit évertué à en faire une expérience cognitive ultime. Les toutes dernières images en attestent. À notre jeune héroïne de prendre la vie qui s’offre dorénavant à elle comme une opportunité à ne pas gâcher. Et à nous maintenant de découvrir les autres films de Shinji Sōmai au plus vite. 3,5/5
- Box office : Déménagement réunit 531 spectateurs lors de son 1er jour d’exploration sur ses 3 copies parisiennes. On présume que cela inclus d’éventuelles avants-premières mais même ainsi et si notre partenaire CBO ne se trompe pas, on peut dire que voilà un excellent résultat. Edit 14/03/2024 : 6 681 entrées au cumul.
- La chronique Blu-ray : Au moment où nous couchons ces quelques lignes, nous n’avons aucune info quant à une éventuelle sortie du film en DVD et/ou Blu-ray en France. Edit 14/03/2024 : Un Blu-ray est annoncé pour le 24 avril 2024 chez Survivance.
