Depuis son officialisation en septembre 2020 au travers d’un teaser des plus sommaire qui annonçait simplement « Ragnarök is coming 2021 » sans même prendre la peine de mentionner le titre du jeu, le logo ne laissait toutefois planer aucun doute : il était de retour. Qui ça ? Mais Kratos bien sûr. Et God of War Ragnarök de devenir instantanément LE jeu le plus attendu de tous les possesseurs de PlayStation 4 / PlayStation 5. Après un « léger » décalage sur le planning initialement prévu, Kratos débarque juste à temps pour les festivités de Noël 2022. Et tous ceux qui connaissent déjà un tant soit peu le personnage savent pertinemment qu’il ne revient pas seulement pour (fra)casser des bûches !
La dernière fois qu’on avait croisé le colosse au crâne rasé et à la barbe hirsute (non, on ne parle pas du rédac chef de DC quoiqu’il y ait certaines ressemblances), c’était au printemps 2018 dans God of War sur PlayStation 4. Un titre identique au tout premier opus sorti sur PlayStation 2 en 2005 et pour cause, il s’agissait d’un reboot total de la franchise. Un pari particulièrement couillu mais payant au regard du triomphe tant critique que public remporté par ce nouvel opus auquel s’ajouta quelques mois plus tard moults récompenses dont le très prisé « GOTY » (Game Of The Year »). C’est donc peu dire qu’une suite paraissait plus que prévisible. Une espérance devenue réalité pour des millions de joueurs avec ce God of War Ragnarök dont l’intrigue se situe quelques années plus tard tout en s’inscrivant dans la prophétie du titre et son fameux Fimbulvetr. Un mot qui reviendra souvent dans la bouche des protagonistes au cours de l’aventure (et pour lequel nous avons pris la peine de vous mettre les liens qui vont bien histoire de savoir de quoi il retourne et pouvoir ainsi briller en société).
Est-ce à dire qu’il faut impérativement avoir joué (et bouclé) le God of War de 2018 ? Pas nécessairement car au lancement de God of War Ragnarök il est possible de visionner un petit résumé en 90 secondes (chrono en main) des précédents exploits de Kratos et de son fiston Atreus, le fameux « boy » que son pater ne cessait de houspiller sèchement il faut bien l’admettre. C’était d’ailleurs là le principal reproche que nous (et d’autres) avions formulé à l’encontre de l’opus 2018. À savoir une narration un peu trop stéréotypée en forme de road-movie initiatique entre un père et son fils. Quatre ans plus tard, Atreus a (un peu) grandi et ne se contente plus de suivre son paternel comme un bon toutou et à baisser les yeux à chaque remontrance, il commence peu à peu à lui tenir tête. Au sens figuré comme au sens propre. Nous n’en dirons pas davantage afin ne pas dévoyer les premières enjambées dans la neige mais sachez que dès le début, God of War Ragnarök nous réserve deux combats plutôt velus dont l’un fait d’ailleurs directement écho à celui contre « l’étranger » au tout début du précédent épisode. C’est ainsi qu’au terme d’un (long) prologue en territoire enneigé, Atreus parviendra à convaincre son père de se lancer dans un nouveau périple. Ce dernier accepte bon gré mal gré avec l’un de ses grognements d’usage en guise de réponse et devant l’insistance de son (demi-)frère Mimir.
Voici donc notre trio embarqué dans ce God of War Ragnarök qui, il faut bien le reconnaître, se hisse un cran au-dessus en termes de narration. Les créateurs du Santa Monica Studio avaient-ils déjà dans un recoin de leurs têtes les prémices d’une suite lorsqu’ils œuvraient sur l’opus sorti en 2018 ? Toujours est-il que les bases ayant été posées précédemment, ils peuvent désormais forger des relations entre Atreus et Katros un peu plus « mâtures », moins stéréotypées, bien aidé dans leur tâche par le travail des comédiens qui prêtent leurs voix aux personnages, depuis la légendaire voix caverneuse de Kratos jusqu’au fort accent de Mimir. Chose suffisamment rare pour être signalée, la VF n’a pas à rougir de la comparaison et nous offre un doublage de qualité même si l’on perd alors l’accent de Mimir et que Kratos s’exprime avec une voix moins grave qu’en VO.
Les phases d’exploration s’inspirent par ailleurs très fortement de la saga Uncharted. À savoir que les protagonistes conversent au cours de la progression, non sans une certaine dose d’humour, notamment de la part de Mimir. Un procédé qui, loin de verser dans le remplissage, permet tout au contraire d’étoffer l’intrigue ainsi que les liens entre les personnages, la relation Katros / Atreus en tête, sans être obligé d’en passer systématiquement par des cinématiques. Compositeur dont le talent explosa pour de bon avec le joyau de SF télévisée Battlestar Galactica en 2003 et déjà à l’œuvre sur l’opus 2018, les partitions de Bear McCreary font une nouvelle fois merveille pour parachever l’immersion au cœur de l’intrigue. À l’image de ce thème aux résonances et aux vocalises très tribales. Le pendant sonore ne serait pas complet sans un nouveau travail remarquable sur le mixage et la spatialisation des effets qui suivent le moindre fait et geste de notre avatar avec positionnement dans les enceintes ad hoc.
Mais par-delà le travail accompli sur la bande son, les amateurs de Kratos viennent avant tout et surtout pour la magnificence visuelle de ses exploits. Et en la matière, force est de constater que Santa Monica Studio s’est une fois encore surpassé en rendant une copie techniquement quasi-irréprochable qui, avec ses six modes graphiques différents sur PlayStation 5, saura s’adapter selon que vous opterez pour la qualité ou la performance et selon les spécificités de votre téléviseur. Et si vous disposez d’un écran 4K compatible 120Hz et VRR, vous êtes alors dans les meilleures dispositions pour vous lancer dans God of War Ragnarök. Dans cette configuration, nous avons vu le mode « optimiseur de jeux » de notre téléviseur LG afficher un framerate oscillant entre 60 et 90fps ! D’autant qu’à l’image du récent Horizon Forbidden West, le jeu nous fait voyager au sein d’une grande variété de paysages, depuis les cimes enneigées jusqu’aux plages limites paradisiaques en passant par les villages luxuriants, le tout agrémenté d’une myriade d’effets en tous genres (reflets, vents, etc.) et de couleurs à l’éclat rehaussé pour peu que vous jouiez avec un téléviseur compatible HDR.
Et si nous évoquons une copie « quasi-irréprochable », c’est en raison de quelques bugs mineurs qui se sont invités à la fête (nous mettrons de côté le crash complet du jeu survenu au cours de notre première demi-heure, deux patchs ont défilé depuis sans que pareil indicent ne survienne à nouveau). Comme par exemple cette barre de rage découpée en morceaux ou encore un Atreus pris par un syndrome de Tourette qui se met à faire frénétiquement les cent pas en boucle. Nous avons également relevé à quelques reprises des phénomènes de pop-in dans les décors les plus éloignés tandis que les hautes herbes balayées par le vent se manifestent à l’écran par un effet un peu trop « artificiel » à nos yeux. Autant de petites anicroches visuelles sans doute dues à la compatibilité avec la PlayStation 4 que God of War Ragnarök se traine tel un boulet attaché à la patte et qui l’empêcherait de s’exprimer pleinement sur le plan graphique. Quoi de plus normal après tout puisqu’il serait commercialement suicidaire de se couper des 117 millions de possesseurs de PS4 (chiffres Sony au 31 mars 2022) qui pèsent bien davantage de tout leur poids face aux « seulement » 25 millions de possesseurs de PS5 (chiffres Sony au 30 septembre 2022). Mais ne boudons pas notre plaisir pour autant car le parti-pris du faux plan-séquence fait toujours autant merveille sur la bonne trentaine d’heures que durent God of War Ragnarök avec des phases de transition via les portails inter-dimensionnels quasi-imperceptibles sur PS5 grâce une fois de plus à la vélocité du SSD magique et ses temps de chargement ultra-rapides.
Une continuité visuelle qui permet au joueur d’être en immersion complète au cours de la progression qui alterne comme toujours les phases d’exploration, les énigmes (simples, Kratos n’est pas non plus Einstein !) à résoudre mais aussi et surtout les combats, toujours aussi dantesques et sanglants. C’est la marque de fabrique de la saga depuis bientôt 20 piges et God of War Ragnarök ne fait pas exception à la règle avec des affrontements « over the top » à la barbarie rétrograde toujours aussi jouissive. Voir Kratos achever ses adversaires dans des gerbes de sang et des craquements d’os reste un plaisir infiniment délectable. Pour autant, depuis l’opus 2018, les combats ont pris une tournure un peu plus « stratégique ». Kratos est visiblement allé à l’école des derniers titres FromSoftware (Dark Souls et consorts) et il ne fait aucun doute qu’une influence plus ou moins prégnante se ressent désormais dans les affrontements de God of War où le bourrinage à tout crin n’est clairement plus la meilleure des approches.
Mais n’ayez crainte car les cinq niveaux de difficulté disponibles combinée à une foison d’options d’accessibilité (dont une toute nouvelle baptisée « Points de contrôle des mini-boss ») permettent non seulement de façonner à sa guise les différentes options de gameplay mais aussi et surtout de rendre le jeu accessible au plus grand nombre, depuis les hardcore gamers jusqu’aux joueurs plus occasionnels. Dans tous les cas, afin de se délecter de combats plus stratégiques qu’une simple pression hystérique sur les mêmes touches du pad, il serait fort réducteur de ne pas profiter de toute la palette de coups et autres combos que Kratos acquerra dans les arbres de compétences prévues à cet effet en usant des points d’XP collectés. À cela s’ajouteront les améliorations d’armes et armures grâce aux différents artefacts et autres piécettes d’argent glanés au fil de vos pérégrinations. L’accès à ces différents upgrades n’est pas vraiment une partie de plaisir tant les menus se révèlent un peu fouillis de prime abord avec un enchevêtrement de sous-sous-menus peu intuitif. Fort heureusement, des points d’exclamation sont là pour nous souligner les différentes sections dans lesquelles des upgrades sont disponibles.
Le seul véritable reproche imputable au gameplay de ce God of War Ragnarök est à chercher du côté de sa progression qui s’avère au final assez balisée avec ses murs invisibles infranchissables et ses zones semi-ouvertures permettant de faire le plein d’orbes sans avoir besoin pour autant d’être un spécialiste de la course d’orientation. À cela s’ajoute tous ces passages à franchir en appuyant sur rond pour s’y faufiler en rentrant le bide ou bien en « déblayant » le chemin à grands coups de Lames du Chaos avant de déboucher sur une arène bien souvent synonyme d’une nouvelle petite séance de broyage d’os. Même Mimir lui-même finira par déclamer à Kratos que tout ceci sonne « comme un air de déjà vu ». Nous n’irons pas jusqu’à dire que ce God of War Ragnarök est une version 1.5 du God of War de 2018 tant il apporte bien plus qu’une simple suite améliorée mais dans le même temps, il suit encore tellement les pas de son ainé comme Atreus ceux de son père dont il entend pourtant s’émanciper qu’il serait une nouvelle fois plus juste de parler d’évolution que de révolution. Celle-ci ayant finalement eu lieu quatre ans plus tôt. Faut-il pour autant faire la moue devant ce God of War Ragnarök ? Que nenni tant le spectacle offert est digne des plus grands blockbusters vidéoludiques. De ceux dont on reparlera assurément encore dans de très nombreuses années. À moins qu’un troisième opus ne vienne clore en apothéose une hypothétique trilogie en devenir dans les quatre à cinq ans à venir…
- Testé sur PlayStation 5 à partir d’un code fourni par l’éditeur (version 1.003.000)
- Taille occupée : 85Go
- Sortie le 9 novembre 2022
- Trailer de lancement
- Analyse technique de Digital Foundry