L'Amour en fuite - Image une test Blu-ray

Coffret François Truffaut – Les Aventures d’Antoine Doinel : L’Amour en fuite (1978)

Alors que La Chambre verte, son précédent film, est un échec public qui a précipité sa rupture avec les Artistes Associés (lire notre dossier ici) en même temps qu’un début de dépression, François Truffaut aspire à quelque chose de plus léger et de rapide à réaliser histoire de passer à autre chose et de se remettre le plus rapidement possible au travail. Et quoi de mieux que de reprendre la saga Antoine Doinel pour laquelle le public l’a toujours suivi. Neuf ans après Domicile conjugal, le voilà donc se replongeant dans les tribulations d’un personnage qui lui colle définitivement à la peau. Pour autant, ce qui ne devait être qu’une fantaisie aux nombreux flash-backs reprenant des images des quatre autres films (puisqu’il faut aussi y inclure le sketch Antoine et Colette qu’il réalise en 1962 et qui s’insérait au sein du long métrage L’Amour à 20 ans) et lui permettre un tournage court, va se révéler bien plus complexe à mettre en œuvre pour ne pas dire extrêmement anxiogène. Truffaut prenant en effet très vite conscience qu’avec L’Amour en fuite, il clôturait définitivement les aventures d’Antoine Doinel. Un film testament en quelque sorte propre à le rendre orphelin de son alter ego de fiction qu’il avait créé et qui l’accompagnait depuis plus de 25 ans.

François Truffaut - Les Aventures d'Antoine Doinel

Éditeur :Carlotta Films
Sortie le :01 décembre 2021  
Catégorie :Coffret

Associée au scénario, Marie-France Pisier qui réintègre le bestiaire Doinel après en avoir fait déjà furtivement parti dans Antoine et Colette justement, ne dit d’ailleurs rien d’autre au sein du commentaire audio mené par Serge Toubiana présent sur ce Blu-ray. Le tournage fut douloureux et angoissant du fait d’un Truffaut souvent irascible quand il n’était pas renfermé. D’ailleurs, l’élaboration du scénario avec Suzanne Schiffman, sa collaboratrice de longue date, fut bien plus houleuse que d’habitude pour ne pas dire explosive. Truffaut culpabilisait en fait beaucoup vis-à-vis de Jean-Pierre Léaud puisqu’il lui demandait de reprendre un personnage tout en sachant que ce serait la dernière fois. Leur relation en pâtit à tel point d’ailleurs que l’acteur manquât à l’appel durant 2 jours de suite (sur les 27 que dura le tournage). C’est aussi l’une des raisons du retour de Marie-France Pisier dans L’Amour en fuite. Selon elle toujours au sein du commentaire audio, Truffaut avait besoin que Jean-Pierre Léaud puisse s’appuyer sur un personnage familier afin que celui-ci ne « pète pas complètement les plombs ».

L'Amour en fuite - Affiche

À l’écran pourtant, L’Amour en fuite touche parfaitement au but qu’il s’était fixé au tout début, soit un joli bonbon acidulé clôturant avec tact et une certaine fougue le parcours d’un personnage devenu emblématique du cinéma français et international. On découvre ainsi un Antoine Doinel divorçant par consentement mutuel de sa Christine devenue Doinel dans le précédent opus, ce qui dans la France de la fin des années 70 est une nouveauté. Mais Antoine Doinel a aussi une nouvelle conquête interprétée par Dorothée. Oui LA Dorothée qui animait déjà en 1978 l’émission Récré A2 marquant au fer rouge pendant près de 10 ans plusieurs générations de la jeunesse française. Truffaut l’avait justement repéré ainsi et il trouvait qu’elle correspondait parfaitement au personnage primesautier et au caractère encore proche de l’enfance qu’il avait imaginé. Quelque part le versant féminin d’un Doinel qui même à 35 ans a encore du mal à se poser menant son existence au gré de ses amours plus que jamais en fuite. Car pour Doinel, comme pour Truffaut d’ailleurs, l’amour ne dure malheureusement pas (qui pour leur donner tort ?).

Antoine Doinel a aussi écrit un livre sur sa vie que Colette (Marie-France Pisier), un amour d’enfance platonique, découvre un peu par hasard. La magie du cinéma aidant, les voici qui se retrouvent dans un train ce qui va permettre à Colette de tordre le cou à certaines affirmations du livre quant à leur rencontre de jeunesse mise en images dans Antoine et Colette. C’est certainement là que se niche le génie de L’Amour en fuite. Déjà dans cette propension quasi visionnaire qu’a eu Truffaut à faire du personnage de Doinel englué dans ses péripéties amoureuses, un matériau propre au sérial où il va jusqu’à puiser littéralement ses inspirations romanesques à venir. Comme le fait remarquer Marie-France Pisier au sein du commentaire audio, c’est aussi extrêmement bien vu d’un point de vue coûts de production. Et puis au-delà de la nostalgie que tout cela suscite, il y a l’idée d’une première partie d’existence qui arrive à son terme. Truffaut ne le surligne jamais mais très clairement le film se referme sur une forme de fin d’utopie où si son personnage pouvait vivre jusqu’ici de petits boulots et butiner de femme en femme sans pour autant jamais passer pour un salaud, prolonger cette forme d’état de grâce avait, l’âge aidant, de moins en moins de sens et de crédibilité. La mise à mort en quelque sorte de « ce » personnage est aussi comme la petite mort de tout un pan de son cinéma. La morosité et l’angoisse qui ont empreint Truffaut tout au long de ce film ont certainement à voir avec le sentiment d’une jeunesse définitivement derrière lui. Truffaut va d’ailleurs ensuite se lancer dans l’aventure du Dernier métro (disponible aussi chez Carlotta dans un superbe coffret prestige), film d’anthologie et chef-d’œuvre de son cinéma mais qui comme pour quasiment tous ses films est une nouvelle exploration de l’amour et de la mort. Deux extrêmes qui se rejoignent dans son œuvre en une perpétuelle fuite en avant plus que jamais cinégénique.

Quelques mois après la sortie de L’Amour en fuite Truffaut se réconciliera avec son film bien aidé sans doute par le quasi demi-million d’entrées qu’il réalisera dans les salles lui permettant de renouer avec le succès tout en permettant à sa société de production, Les Films du Carrosse, de se renflouer. Il serait certainement surpris de constater qu’il continue de toucher et de marquer par son discours empreint d’une modernité à peine entamée. Et c’est peu de dire que la récente restauration 4K effectuée par MK2 que reprend ici Carlotta pour cette édition Blu-ray contribue grandement à prolonger ce sentiment. On est ici à des années lumières de l’image plutôt froide du Blu-ray édité en Angleterre par Artificial Eye qui se basait en 2014 sur un master HD. C’est bien simple, nous n’avions jamais vu L’Amour en fuite dont la photo est signée Néstor Almendros avec une telle richesse chromatique où les teintes jaunes et or dominent de bout en bout. Renseignements pris auprès d’Hiventy Classics qui a mené les travaux de restauration sous la supervision du directeur de la photographie Guillaume Schiffman, fils de Suzanne, ce travail d’étalonnage a été mené en prenant comme base des interpositifs de référence issus de chaque film de la saga Doinel. Ce qui ma foi est un gage suffisamment sérieux et probant pour se dire que tout ceci va dans la bonne voie de la vérité originelle. Et puis cerise sur le gâteau, le grain et la définition font un tel bond qualitatif qu’ils feront tomber les derniers doutes du sceptique le plus endurci. On sera d’ailleurs tout autant dithyrambique sur la partie sonore via un encodage DTS-HD MA 1.0 mono qui reporte fidèlement le mixage d’origine concentré sur les dialogues sans jamais étouffer les ambiances.

Pour finir, on ne peut passer sous silence le travail éditorial effectué sur cette édition de L’Amour en fuite. Il n’est pas exceptionnel mais il a le mérite d’exister. On a déjà mentionné le commentaire audio qui nous a servi de fil rouge à la rédaction de cette chronique. Commentaire audio qui date de 2001 à une époque où Serge Toubiana était le responsable éditorial chez MK2 qui possédait déjà les droits de quasi tous les films de Truffaut. Il avait pu ainsi superviser les premières éditions DVD de ses films. Ce qui était plus qu’une évidence lui qui est le co-auteur avec Antoine de Baecque d’une formidable et incontournable biographie parue en 1996 chez Gallimard. Et puis Carlotta a rajouté deux extraits d’émissions TV de l’époque de la sortie du film. C’est plutôt sympathique mais au final anecdotique.

Au cinéma le : 24 janvier 1979

Résumé : Huit ans après leur mariage, Antoine et Christine se quittent en bons termes et toujours liés par leur fils Alphonse. Devenu romancier, Antoine profite de son célibat pour retrouver Colette, son premier amour, mais il fait aussi la rencontre de Sabine, une vendeuse dans un magasin de disques.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.66:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français en DTS-HD MA 1.0 mono et Audiodescription Dolby Digital 2.0
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h35min 18s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus en HD :

  • Commentaire audio de Marie-France Pisier et Serge Toubiana
  • Présentation du film par Serge Toubiana (4min 05s – 2001)
  • Ciné-Regards – Le film de la semaine : L’actrice Marie Dubois présente le film de Truffaut dans une émission diffusée su FR3 le le 28 janvier 1979 (3min 35s)
  • Salle des fêtes – Cinéma : Interview des trois principales interprètes féminines diffusée sur Antenne 2 le 3 février 1979 (3min 41s)
  • Bande annonce (2min 38s)
  • Bande annonce de la saga Doinel (1min 37s)

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