Archives de catégorie : Critiques Ciné

Empire of Light – Cinéma mon amour

Après James Gray et son Armageddon Time, Steven Spielberg et The Fabelmans, voici que Sam Mendes veut lui aussi apporter sa contribution à la tendance actuelle de regarder dans le rétro et de se pencher sur une enfance / jeunesse sous le sceau de l’amour du cinéma. À la différence toutefois qu’avec James Gray celui-ci se manifestait d’abord et surtout en des clins d’œil cinéphiles appuyés (tel que Les 400 coups de François Truffaut) alors que chez Spielberg on est dans le rite d’initiation, là où chez Mendes on est plus dans celui du passage avec pour décor principal un magnifique cinéma double écrans situé dans une station balnéaire anglaise du début des années 80. Avant d’aller plus loin précisons tout de même qu’en matière de films récents faisant les yeux doux à la glorieuse magnificence du cinéma, il serait injuste d’oublier Babylon de Damien Chazelle, fresque décoiffante (au moins pour les non chauves) mais aussi pleine d’amertume sur les origines d’Hollywood.

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Babylon – Pré-Code Land

À l’instar d’un William Friedkin ou d’une Kathryn Bigelow, Damien Chazelle sait emmener son cinéma en des contrées d’abord telluriques. Il suffit de se prendre en pleine poire les quasi 30 minutes en plan séquence de la fête orgiaque dans une sorte de manoir perdu sur les hauteurs d’un Hollywood embryonnaire pour en être une nouvelle fois convaincu. Whiplash, le long qui le fit connaître sur cet apprenti batteur et son prof vicelard, en donnait un aperçu plus que probant. La La Land qui le consacra aux yeux de tous, ne marchait quasiment qu’à cela. Et même First Man, qui revenait sur la personnalité plus que taciturne de l’astronaute Neil Armstrong, bouillait de l’intérieur à tel point qu’il arrivait au détour de chaque plan à fracasser le vernis d’un biopic pour en faire une aventure épique de l’intime. Babylon se veut plus frontal, plus ambitieux encore dans ce qu’il nous raconte et forcément encore plus intensément jouissif dans un plaisir total et indéniable de pur cinéma.

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Nos frangins – Malik et Abdel

Quand on a demandé à Samir Guesmi qui joue le père d’Abdel Benyahia dans Nos frangins ce qu’il faisait en cette fin d’année 1986, la réponse fuse : « Je devais certainement vendre des jeans du côté des puces à Barbès. En fait je n’ai pas de souvenirs précis de ce que je faisais en cette nuit funeste où Malik Oussékine et Abdel Benyahia furent tués ». C’est que l’acteur à la filmo longue comme le bras mais dont le commun des mortels peinera à mettre un blaze sur sa tronche tout en l’identifiant dès qu’il apparaît à l’écran, n’a pas envie de stigmatiser ce double meurtre de ces français d’origines maghrébines commis par la police dans la nuit du 5 et 6 décembre 1986. L’idée n’est bien entendu pas de mettre cela sous le tapis de la République ou de ne pas vouloir faire de vagues à l’image de la grande majorité de ces immigrés maghrébins dits de la première génération auquel son personnage appartient. Déjà, sa participation au film de Rachid Bouchareb atteste du contraire mais surtout cela en dit long sur le ressenti d’une population qui connaît et vit dans sa chair le concept de la vexation policière au quotidien quand il ne s’agit pas de racisme latent ou à visage découvert. Il ne s’agit donc pas de minimiser et encore moins d’oublier mais bien de faire comprendre que si pour la majorité c’est un sentiment de colère qui nous étreint devant un système et un État de non droit aussi manifeste, pour d’autres c’est certes la pire des conclusions mais au final pas une surprise.

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Les Amandiers – Il était une fois 19 acteurs

Suivre Valeria Bruni Tedeschi cinéaste est loin d’être une sinécure. Tant mieux diront certains tant le cinéma peut tout se permettre sauf laisser indifférent. Et c’est vrai qu’à la découverte des Estivants (2018), sa précédente réalisation (au hasard), on avait frisé l’indigestion carabinée propre à cette catégorie de films qui puait l’ethnocentrisme par tous les pores de ses pixels tout en étant porté devant la caméra par une Valeria constamment hystérique. En soi c’était du grand art. En réalité on s’en n’est jamais vraiment remis. Jusqu’à la vision des Amandiers. Preuve déjà que même précédées d’une ou plusieurs mauvaises expériences, il faut toujours « donner sa chance au produit » surtout quand la bande annonce fait pour une fois excellemment bien le job donnant véritablement envie d’en savoir plus.

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Sans filtre – Thérapie de luxe

Avec Sans filtre, Ruben Östlund est rentré instantanément dans la catégorie très fermée des cinéastes ayant obtenu la Palme d’or pour deux films réalisés à la suite. Seuls Bille August (Pelle le Conquérant – 1988 et Les Meilleures Intentions – 1992) et Michael Haneke (Le Ruban blanc – 2009 et Amour – 2012) ont marqué leurs filmographies respectives de ce sceau indélébile. Ce constat validé quid de Sans filtre ? Outre sa Palme d’or qui n’entérine pas forcément le meilleur film d’une sélection (si tant est que la notion même de « meilleur film » ait une signification tangible au sein du raout cannois), Sans filtre marque-t’il déjà de son empreinte le cinéma et pourquoi pas son époque ? On serait tenté de répondre par l’affirmative ne serait-ce que par l’effroyable lucidité de son regard porté envers ses semblables. C’est-à-dire vous et nous.

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